La protection de l'intégrité de l'Suvre est une prérogative fondamentale de l'auteur, consacrée par l'article L. 121-1 du Code de la propriété intellectuelle.

Cet attribut du droit moral de l'auteur permet notamment à celui-ci de s'opposer à toute altération de son Suvre et d'empêcher tout tiers de dénaturer son Suvre en la modifiant.

Dans le domaine musical, le droit moral permet ainsi à l'auteur de s'opposer à toute altération matérielle de son Suvre musicale, telle que les déformations résultant d'un ajout, d'une coupure, d'une modification du tempo ou encore d'une simplification de la mélodie.

C'est ce qu'est récemment venue préciser la Cour de cassation, dans un arrêt du 8 mars 2023 relatif aux arrangements musicaux réalisés dans le cadre de la mise en vente de boîte à musique.

Cet arrêt revêt une double importance, car il caractérise l'atteinte au droit moral dans le domaine musical et met également en évidence la spécificité du droit d'adaptation, qui ne saurait être assimilé au droit de reproduction.

Le droit au respect de l'intégrité de l'Suvre musicale

L'auteur de l'Suvre musicale dispose ainsi notamment du droit exclusif d'autoriser ou d'interdire toute adaptation ou arrangement de son Suvre.

En conséquence, dans la mesure où un tiers modifierait son Suvre, l'autorisation préalable de son auteur devrait être sollicitée et obtenue par le tiers, avant toute adaptation, aussi minime soit-elle.

En pratique, le tiers souhaitant arranger une Suvre originale devra nécessairement solliciter l'autorisation d'adapter l'Suvre musicale en sus de la cession des droits patrimoniaux de l'auteur portant sur l'Suvre concernée, étant précisé que l'auteur pourra refuser d'autoriser le tiers à modifier son Suvre.

Dans l'affaire soumise à la Cour de cassation, une société fabriquant et commercialisant des boîtes à musique à manivelle incorporant des Suvres musicales, avait été poursuivie par le légataire universel d'un artiste pour violation de son droit moral, après avoir utilisé ses Suvres sans autorisation préalable.

Si la société avait sollicité de la SACEM et d'un éditeur les autorisations de reproduction et de fragmentation des Suvres concernées, elle n'a pourtant jamais obtenu d'autorisation au titre du droit moral de l'auteur.

Or, à défaut d'obtenir cette autorisation, le tiers modifiant l'Suvre originale s'expose à une action en contrefaçon.

La frontière entre droit d'adaptation et droit de reproduction

Dans un arrêt du 3 décembre 2021, la cour d'appel de Paris avait retenu que la mélodie produite par les boîtes à musique litigieuses était un arrangement musical dénué de paroles et constituait une « simplification extrême » de la mélodie originelle. Cette dernière variait nettement en fonction de la vitesse à laquelle la manivelle est actionnée et pouvait ainsi être inaudible.

La cour d'appel avait déduit de cette adaptation que les boites à musique transformaient les Suvres et les banalisaient, ne permettant pas de retrouver « la richesse et la texture de la musique originelle ».

Aussi, contrairement aux allégations de la défenderesse, la mélodie de 12 secondes audible depuis les boîtes à musique n'est pas une simple reproduction fragmentée des Suvres pour lesquelles les autorisations de la SACEM et de la société d'édition étaient suffisantes mais un arrangement musical particulier transformant l'Suvre première et portant atteinte au droit moral de l'auteur et requérant ainsi son autorisation ou celle de son ayant-droit.

En effet, la mélodie jouée par les boîtes à musique doit nécessairement être ajustée à son mécanisme simpliste, ce qui requiert des transformations pour exprimer l'Suvre sous une autre forme, voire des déformations de celle-ci.

Or, l'adaptation et l'arrangement musical se distinguent de la simple reproduction en ce qu'ils sollicitent à la fois le droit patrimonial de reproduction et le droit moral de l'auteur. En effet, l'adaptation, comme l'arrangement musical, impliquent une transformation matérielle de l'Suvre qui relève du domaine du droit moral.

La Cour de cassation est ainsi venue appuyer la décision de la cour d'appel de Paris, jugeant que les arrangements musicaux réalisés par la défenderesse portaient atteinte au droit moral de l'auteur. Si, d'une part, l'autorisation de reproduire partiellement et de fragmenter la musique ne permet pas de procéder à un arrangement de l'Suvre, il s'avère d'autre part que seul le titulaire du droit moral est à même d'autoriser un arrangement de l'Suvre initiale.

La définition d'une stratégie adéquate apparait ainsi indispensable en vue de solliciter l'autorisation de l'auteur ou de ses ayants-droits de procéder à l'adaptation de son Suvre originale initiale.

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