Au terme de trois arrêts connexes (A-5714/2022, A-5794/2022 et A-5796/2022), le Tribunal administratif fédéral (TAF) a clarifié une question déterminante : celle de l'(in)admissibilité d'un recours déposé à l'encontre d'une décision finale par une personne n'ayant pas participé à la procédure préalable s'étant déroulée devant l'Administration fédérale des contributions (AFC). Le Tribunal fédéral ayant en date du 19 juillet 2023 (2C_393/2023, 2C_398/2023 et 2C_400/2023) refusé d'entrer matière sur les recours dirigés à l'encontre des arrêts du TAF, la position très restrictive défendue par le TAF revêt un caractère définitif.

Le TAF était saisi de la question suivante : des personnes indentifiables dans des documents bancaires en passe d'être transmis à l'étranger, mais sans être ni titulaires et/ou ayants droit économiques des comptes en question ni des tiers ayant participé à la procédure devant l'AFC, ont-ils qualité pour recourir devant le TAF à l'encontre de la décision finale entérinant l'assistance accordée à l'Etat requérant ?

La situation concrète de laquelle a surgi cette problématique juridique est de nature familiale.

Quatre membres d'une même famille, la mère, le père et les deux fils, ont personnellement fait l'objet de demandes individuelles d'assistance fiscale (en provenance des autorités indiennes compétentes) en lien avec des comptes bancaires dont ils sont respectivement titulaires et/ou ayants droit économiques.

En octobre 2021, l'AFC a notifié à chacun des quatre membres de cette famille une décision finale personnelle entérinant l'assistance relativement à leur(s) compte(s) individuel(s).

En leur qualité de personnes concernées, ces quatre contribuables ont recouru devant le TAF à l'encontre des décisions qui leur ont été notifiées à titre personnel.

Plus d'une année plus tard ensuite, en décembre 2022, la mère, le père et l'un des deux frères ont déposé un second recours, cette fois dirigé à l'encontre de la décision finale (datant d'octobre 2021) intéressant le quatrième membre de la famille.

A l'appui de ce second recours « tardif », les trois parties recourantes ont allégué qu'elles venaient d'apprendre que la documentation bancaire afférente à la procédure du quatrième membre de la famille comportait des références à la « mère », au « père » et au «frère » de leur fils, respectivement frère ; en conséquence de quoi, ils étaient des tiers individuellement identifiables dans cette documentation bancaire et déposaient recours en vue d'obtenir le caviardage de ces éléments les identifiant personnellement.

Ces trois recours déposés a posteriori en qualité de tiers ont été déclarés irrecevables par le TAF, faute de qualité pour recourir.

Pour aboutir à la négation de la qualité pour recourir, le TAF a raisonné comme suit.

C'est l'article 48 de la Loi fédérale sur la procédure administrative (PA ; 172.021) qui définit les conditions de reconnaissance de la qualité pour recourir.

La première de ces conditions est d'avoir « pris part à la procédure devant l'autorité inférieure ou [...] été privé de la possibilité de le faire » (art. 48 let. a PA).

Or s'agissant très précisément de la participation des tiers à la procédure d'assistance fiscale internationale, le Tribunal fédéral a précédemment jugé dans un arrêt de principe topique de juillet 2020 (ATF 146 I 172, consid. 7.3) que seuls les tiers dont la qualité pour recourir « ressort de manière évidente du dossier » doivent être spontanément informés de leur droit de participer activement à la procédure d'assistance.

En pratique, le caractère « évident » de la qualité pour recourir des tiers n'est que très restrictivement admis et se limite essentiellement aux personnes qui, sans être les contribuables directement visés par la demande d'assistance fiscale internationale, se trouvent être titulaire et/ou ayant droit économique d'un compte visé par une procédure d'entraide.

Au cas particulier, la simple référence à la «mère», au « père  » et au « frère » du titulaire/ayant droit éco[1]nomique du compte dans la documentation bancaire ne confère pas à la mère, au père et au frère le statut de tiers dont la qualité pour recourir serait « évidente ».

Au regard de la jurisprudence restrictive du Tribunal fédéral, c'est donc à bon droit qu'ils n'ont – à l'origine – pas été spontanément informés de leur droit de prendre part à la procédure visant leur fils, respectivement frère. Et pour le TAF, dans la mesure où ces tiers n'avaient pas à se voir notifier leur capacité à prendre activement part à la procédure liée à la demande concernant au premier chef leur fils, respectivement frère, ils n'ont ni « pris part à la procédure devant l'autorité inférieure » ni été « privés de la possibilité de le faire », au sens de l'article 48 lettre a PA, et n'ont donc pas qualité pour recourir plus d'une année après que le délai de recours de trente jours soit parvenu à échéance (la question de savoir si leur qualité pour recourir aurait été admise en cas de recours déposé dans le délai de trente jours a été laissée ouverte par le TAF ; cf. considérant 3.4.1 des arrêts du TAF).

En refusant d'entrer en matière sur les recours portés par-devant lui à l'encontre des arrêts du TAF défendant cette interprétation très restrictive de la qualité pour recourir, le Tribunal fédéral a de fait avalisé cette approche pour le moins critiquable juridiquement.

Cette nouvelle pratique du TAF entre effectivement en contradiction flagrante avec la pratique de l'AFC (pertinemment connue du TAF, puisque ce dernier s'y réfère expressément dans ses arrêts au considérant 3.4.1 également) consistant à admettre systématiquement à la procédure d'assistance en qualité de partie toute personne identifiable dans les documents destinés à être transmis à l'Etat requérant.

Le résultat auquel ces jurisprudences récentes aboutissent est ainsi pour le moins contradictoire : n'importe quelle personne identifiable dans les données figurant au dossier peut se voir reconnaître la qualité de partie et participer à la procédure devant l'AFC puis devant les instances de recours, mais si une personne – qui aurait pu participer à l'entier de la procédure s'il elle s'était manifestée durant la phase préalable devant l'AFC – ne fait valoir ses droits « que » devant le TAF, alors elle se trouve définitivement forclose si son recours intervient après que le(s) délai(s) de recours lié(s) aux décisions finales pertinentes est/sont échu(s).

Au plan des principes juridiques, ce résultat n'apparaît pour le moins pas convaincant.

Il n'en demeure toutefois pas moins que les praticiens devront désormais composer avec cette nouvelle pratique jurisprudentielle et tâcher en conséquence d'intégrer au plus tôt à la procédure l'ensemble des personnes intéressées à contester potentiellement la décision finale entérinant la transmission.

Cette conclusion s'impose, étant rappelé que s'agissant de l'obtention de caviardages, chaque personne ne peut solliciter et obtenir que le caviardage des éléments l'identifiant personnellement, et donc que la perte de la qualité pour recourir d'une personne ne peut pas être palliée par une conclusion – prise par une autre partie recourant – tendant à l'obtention de caviardage pour la personne dont la qualité pour recourir a été ou serait niée.

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