ARTICLE
12 November 2025

Jusqu'où s'étend le secret professionnel des CPA?

BB
BCF Business Law

Contributor

With more than 520 employees, including 270 professionals, BCF Business Law is the go-to firm for business leaders, growing companies, and well-established global enterprises that have chosen Québec and Canada as a stepping stone to growth and success. BCF is the firm that allows you to see further and act with confidence, turning vision into action.
La Cour d'appel du Québec s'est récemment penchée sur cette question dans l'affaire Autorité des marchés financiers c. Ordre des comptables professionnels agréés du Québec, 2024 QCCA 1500..
Canada Litigation, Mediation & Arbitration
Isabel Pouliot’s articles from BCF Business Law are most popular:
  • within Litigation and Mediation & Arbitration topic(s)
  • with Finance and Tax Executives
  • with readers working within the Securities & Investment industries

Jusqu'où va le secret professionnel des comptables professionnels agréés (CPA)?

La Cour d'appel du Québec s'est récemment penchée sur cette question dans l'affaire Autorité des marchés financiers c. Ordre des comptables professionnels agréés du Québec, 2024 QCCA 1500..

Dans ce jugement marquant, la Cour rapelle que le secret professionnel des CPA ne peut être assimilé à celui des avocats et ne bénéficie donc pas des mêmes protections. Cette distinction est particulièrement importante lorsque les clients des CPA exercent une activité réglementée qui limite leur expectative de vie privée. 

Voici ce qu'il faut retenir de cette décision.

Contactez notre équipe en litige

La décision du juge de première instance concernant la demande de l'Ordre des CPA 

La décision de première instance découle du dépôt, par l'Ordre professionnel des CPA, d'une demande de pourvoi en contrôle judiciaire devant la Cour supérieure. Cette demande visait à faire déclarer l'article 17.0.1 de la  Loi sur l'encadrement du secteur financier (« LESF ») inapplicable aux membres de l'Ordre.

Selon l'Ordre, le libellé de cette disposition n'était pas suffisamment explicite pour écarter le droit au secret professionnel protégé par la Charte des droits et libertés de la personne (« Charte »). Introduit dans la LESF il y a quelques années, l'article 17.0.1 vise notamment à protéger les CPA qui souhaitent divulguer volontairement à l'Autorité des marchés financiers (« AMF ») des violations aux lois encadrant l'industrie financière. Cette disposition leur permet de lever leur secret professionnel pour ce faire.

Plus précisément, son troisième alinéa prévoit expressément une levée du secret professionnel pour ceux et celles qui choisissent de s'en prévaloir, à l'exception des avocats et avocates ou des notaires qui demeurent liés par leur secret professionnel.

Dans son jugement de première instance, la Cour supérieure a donné raison à l'Ordre professionnel des CPA. Elle a conclu que : 

  • le troisième alinéa de l'article 17.0.1 de la LESF constituait une disposition expresse autorisant la levée du secret professionnel des CPA au sens de l'article 9 de la Charte
  • cette disposition portait atteinte au droit à la vie privée des clients des CPA
  • cette atteinte n'était pas justifiée au sens de la Charte.

En conséquence, la Cour supérieure a ainsi déclaré l'article 17.0.1 inapplicable aux membres de l'Ordre professionnel des CPA.

L'AMFet le procureur général du Québec ont par la suite porté cette décision en appel.

 La Cour d'appel précise la portée du secret professionnel des CPA

La Cour d'appel a confirmé le raisonnement du juge de première instance selon lequel le troisième alinéa de l'article 17.0.1 de la LESF constitue une « disposition expresse » au sens de l'article 9 de la Charte autorisant la levée du secret professionnel des CPA.

Toutefois, contrairement au juge de première instance, la Cour d'appel a conclu que le troisième alinéa de cette disposition n'entraîne pas une violation du droit à la vie privée des clients des CPA.

Plus précisément, selon la Cour d'appel, le droit à la vie privée, qui fait partie intégrante du droit au secret professionnel, l'analyse d'une potentielle violation doit débuter par un 'examen contextuel de l'expectative raisonnable de vie privée. Or, pour les clients des CPA, cette expectative n'est pas élevée. 

Le tribunal rappelle que le nouveau mécanisme de protection des dénonciateurs instauré par la LESF « s'inscrit dans un régime législatif plus large impliquant notamment la surveillance par [l'AMF] de plusieurs aspects du domaine des services financiers » (Paragraphe 108 de la décision à l'étude.). Les acteurs exerçant une activité réglementée doivent donc s'attendre à pouvoir faire l'objet de vérifications, d'enquêtes, d'inspections ou de procédures administratives, ce qui réduit leur expectative de vie privée. 

La Cour d'appel souligne aussi que l'analyse d'une violation potentielle du droit au secret professionnel doit tenir compte de la nature des informations visées par le régime de divulgation et du but de leur communication. En l'espèce, seuls les renseignements indiquant un manquement survenu ou anticipé à une loi visée par l'article 7 de la LESF (ou une demande de commettre un tel manquement) sont concernés. Ces renseignements, principalement de nature commerciale ou financière, confèrent une 'expectative raisonnable de vie plus faible.

La Cour rappelle en outre que l'article 17.0.1 de la LESF n'impose aucune obligation de divulgation au CPA.

Enfin, la Cour d'appel insiste sur la distinction entre le secret professionnel des CPA et celui des notaires et des avocats et avocates. L'« intensité et la portée du droit au respect du secret professionnel varient selon la nature des fonctions exercées par les membres des ordres professionnels » et « le type de services qu'ils sont appelés à rendre » (Paragraphe 87 de la décision à l'étude). Le rôle du CPA, différent de celui du juriste, justifie donc une portée plus restreinte du secret professionnel.

La Cour d'appel conclut ainsi que l'article 17.0.1 de la LESF ne viole pas le droit au secret professionnel des clients des CPA garanti par l'article 9 de la Charte. L'article demeure donc valide et applicable.

Un rappel clair des limites du secret professionnel

En somme, les clients bénéficient bel et bien du secret professionnel lorsqu'ils font appel aux services d'un CPA. Toutefois, ce droit n'est pas absolu. Il ne peut empêcher un CPA de divulguer volontairement à l'AMF des renseignements pouvant démontrer qu'un manquement à une loi visée par l'article 7 de la LESF (notamment la Loi sur les valeurs mobilières et la Loi sur les assureurs) a été commis. 

En pratique, cette décision rappelle que le secret professionnel des CPA comporte des limites et qu'il s'exerce différemment de celui des avocats, avocates et des notaires. 

The content of this article is intended to provide a general guide to the subject matter. Specialist advice should be sought about your specific circumstances.

[View Source]
See More Popular Content From

Mondaq uses cookies on this website. By using our website you agree to our use of cookies as set out in our Privacy Policy.

Learn More