ARTICLE
4 April 2025

Tracer la voie stratégique à suivre dans le cadre d'un différend en matière de prix de transfert

MT
McCarthy Tétrault LLP

Contributor

McCarthy Tétrault LLP provides a broad range of legal services, advising on large and complex assignments for Canadian and international interests. The firm has substantial presence in Canada’s major commercial centres and in New York City, US and London, UK.
Les contribuables peuvent facilement commettre des erreurs en naviguant dans un différent en matière de prix de transfert s'ils n'ont pas examiné...
Canada Tax

Les contribuables peuvent facilement commettre des erreurs en naviguant dans un différent en matière de prix de transfert s’ils n’ont pas examiné de manière stratégique leurs choix d’exercer des recours prévus par la législation nationale ou d’exercer des recours prévus aux conventions fiscales, une fois qu’une nouvelle cotisation en matière de prix de transfert a été reçue.

Il est essentiel pour un contribuable de comprendre les avantages et les risques de chaque option afin d’être en mesure de faire des choix stratégiques dans le cadre de ces processus.

Les recours prévus par la législation nationale consistent généralement à déposer un avis d’opposition auprès de l’Agence du revenu du Canada (l’« ARC »), puis soit à suivre la procédure d’appel administrative de l’ARC et, en cas d’échec, saisir la Cour canadienne de l’impôt, soit à attendre 90 jours après le dépôt de l’avis d’opposition et saisir directement la Cour canadienne de l’impôt.

Les recours prévus aux conventions fiscales consistent généralement à présenter une demande d’allègement de la double imposition aux autorités compétentes dans le cadre de la procédure amiable (la « PA ») prévue à la convention fiscale pertinente à laquelle est partie le Canada. Les autorités compétentes ont le pouvoir de résoudre les enjeux de double imposition, notamment en déterminant le prix de pleine concurrence entre des parties liées, prix que l’ARC doit respecter. Si un contribuable souhaite exercer un recours auprès de l’autorité compétente, il existe des exigences de notification prévues par les conventions fiscales conclues par le Canada avec d’autres pays, et le manquement de notifier la juridiction étrangère dans le délai imparti peut faire en sorte qu’aucun allègement de la double imposition ne puisse être obtenu.

Cet article met en évidence les éléments clés à prendre en compte pour trouver la voie vers un règlement approprié dans l’objectif de maximiser les options et protéger le contribuable.

1. Protéger ses droits

En vertu de la Loi de l’impôt sur le revenu, lorsqu’un contribuable reçoit un avis de nouvelle cotisation, il doit déposer un avis d’opposition dans un délai de 90 jours. Le non-respect de ce délai peut entrainer la perte de tout droit d’appel prévu par la loi. Nous recommandons à un contribuable de toujours déposer un avis d’opposition afin de protéger ses droits.

2. Mettre en attente ou poursuivre l’avis d’opposition

Une fois qu’un avis d’opposition a été déposé, la prochaine décision stratégique consiste à déterminer s’il faut mettre en attente ou poursuivre le recours prévu par la législation nationale.

Cette décision dépendra d’un certain nombre de facteurs stratégiques :

  1. Existe-t-il une convention fiscale avec le pays du non-résident?

    Même si le Canada a conclu des conventions fiscales avec de nombreux pays, il n’a pas de convention fiscale avec tous les pays. En l’absence de convention fiscale, les recours prévus par la législation nationale peuvent être le seul recours possible, car aucun allègement de la double imposition ne peut être obtenu par voie de négociation bilatérale.
  1. La position de l’ARC lors de la vérification est-elle déraisonnable?

    Lorsque la position de l’ARC lors de la vérification est déraisonnable (par exemple, en essayant d’attribuer tous les bénéfices du système au Canada) et que le contribuable estime qu’il a de bonnes chances d’obtenir gain de cause devant la cour, il est souvent préférable d’exercer les recours prévus par la législation nationale et, dans certains cas, de contourner la procédure d’appel de l’ARC en s’adressant directement à la Cour canadienne de l’impôt. Il peut parfois s’avérer futile d’exercer les recours prévus aux conventions fiscales et de laisser les deux pays négocier en fonction d’ajustements déraisonnables de prix de transfert.

    Lorsque la position de l’ARC lors de la vérification se situe dans une fourchette raisonnable, il peut s’avérer plus avantageux d’exercer les recours prévus aux conventions fiscales afin d’obtenir un allégement de la double imposition, étant donné que le revenu aura déjà été imposé dans la juridiction étrangère.
  1. Des pénalités de prix de transfert sont-elles prévues?

    L’ARC peut imposer des pénalités de prix de transfert lorsqu’elle détermine qu’un contribuable n’a pas déployé les efforts raisonnables pour déterminer des prix de pleine concurrence. Les pénalités de prix de transfert ne sont généralement pas traitées dans le cadre de la PA. Les recours prévus par la législation nationale sont les seuls recours permettant d’annuler des pénalités de prix de transfert, lesquelles sont habituellement fondées sur l’existence (i) d’une documentation contemporaine raisonnable et (ii) d’analyses raisonnables et reproductibles remises à l’ARC.
  1. Quels sont les autres facteurs stratégiques à prendre en compte?

Même lorsqu’il existe une convention fiscale, il n’est peut-être pas dans le meilleur intérêt stratégique du contribuable d’utiliser les recours prévus dans la convention :

  • Maintenir le statu quo : Un contribuable peut ne pas vouloir alerter l’autorité fiscale étrangère au sujet d’une question de prix de transfert, car celle-ci pourrait alors déclencher une vérification dans le pays étranger ou accroître la surveillance de la partie non-résidente ayant un lien de dépendance, qui pourrait connaître d’autres enjeux fiscaux plus importants.
  • Aucun avantage quant aux déboursés d’impôts. Lorsque la partie ayant un lien de dépendance avec le contribuable est en situation de perte, exercer les recours prévus par les conventions fiscales pourrait ne pas améliorer la situation sur le plan des déboursés d’impôts. L’augmentation de l’ajustement des prix de transfert au Canada, par exemple, peut entraîner des décaissements supplémentaires d’impôts, mais il se peut qu’il n’y ait pas de diminution correspondante des déboursés d’impôts dans la juridiction étrangère si l’entité avec laquelle le contribuable a un lien de dépendance est déjà en situation de perte.
  • L’autorité compétente étrangère dispose de peu d’expertise ou de ressources : Si l’autorité compétente étrangère dispose de peu d’expertise ou de ressources pour traiter les différends en matière de prix de transfert et négocier un allégement fondé sur une convention fiscale, le contribuable n’obtiendra probablement pas de bons résultats. Lorsqu’une autorité compétente étrangère dispose de l’expérience et des ressources nécessaires pour traiter des recours prévus à des conventions fiscales en matière de prix de transfert, il est plus facile pour un contribuable de donner à cette autorité compétente les moyens d’annuler ou de réduire les ajustements.
  • Les grandes sociétés paient pour jouer : Pour les grandes sociétés (capital imposable utilisé au Canada supérieur à 10 millions de dollars), l’ARC peut percevoir jusqu’à 50 % de l’impôt, des intérêts et des pénalités cotisés, même si un avis d’opposition a été déposé. Le ministre peut accepter une lettre de crédit dans certains cas, évitant ainsi la nécessité d’un paiement en argent immédiat. Si le contribuable réussit à obtenir un allègement de la double imposition ou à réduire l’impôt payable en cour, il peut récupérer des intérêts sur le montant détenu par l’ARC.
  • Les recours prévus par la législation nationale et ceux prévus aux conventions fiscales prennent du temps, engendrent des coûts et comportent des risques 

    Le processus d’appel de l’ARC prend généralement de 2 à 3 ans. Le processus devant la Cour canadienne de l’impôt prend généralement de 5 à 7 ans et nécessite l’intervention d’experts en matière de prix de transfert, de nombreuses découvertes documentaires et orales, et une audience devant la Cour canadienne de l’impôt qui peut durer des semaines, ou des mois. L’un des risques les plus importants est que les personnes ayant participé à la transaction ne soient plus chez le contribuable plusieurs années plus tard. Les frais légaux et les débours dans la récente décision Cameco  sur les prix de transfert se sont élevés à environ 57 millions de dollars, avec des dépens accordés à Cameco ne s’élevant qu’à environ 10 millions de dollars (voir 2019 CCI 92). Les actes de procédure déposés devant la Cour canadienne de l’impôt sont accessibles au public et, en l’absence d’une ordonnance de confidentialité, tout ce qui est fourni à l’audience de cette cour est accessible au public.

    Le ministère de la Justice peut soulever un nouvel argument qui n’avait pas été envisagé lors de la vérification portant sur les prix de transfert. Par exemple, dans la récente décision Lehigh Hanson Materials Limited, la question soumise à la Cour canadienne de l’impôt était la juste valeur marchande d’une société affiliée non-résidente. Cette dernière avait été vendue par un non-résident ayant un lien de dépendance à un acquéreur canadien ayant un lien de dépendance moyennant une contrepartie comprenant un billet à ordre. L’ARC a établi une nouvelle cotisation en se fondant sur une juste valeur marchande inférieure pour refuser la déduction d’une partie des intérêts payés sur le billet à ordre (en fonction d’un principal du billet à ordre inférieur), sans modifier d’autres modalités et conditions. La Cour canadienne de l’impôt a permis au ministère de la Justice de soulever un nouvel argument selon lequel les modalités et conditions du billet à ordre différaient de celles qui auraient été convenues entre des personnes n’ayant aucun lien de dépendance, remettant ainsi en cause le taux d’intérêt du billet à ordre. Cette décision fait actuellement l’objet d’un appel devant la Cour d’appel fédérale.

    Le processus de la PA peut durer de 2 à 3 ans. Selon le rapport Procédure amiable ꟷ Rapport sur le programme ꟷ 2023, les cas de prix de transfert initiés par le Canada ont durés en moyenne 27,79 mois. Étant donné que les négociations dans le cadre de la PA ne se déroulent qu’entre les autorités compétentes et sont donc très opaques, les contribuables sont souvent laissés dans l’ignorance sans être parties prenantes à la table des négociations. Les contribuables sont tenus d’accepter ou de rejeter l’entente de PA, sans avoir leur mot à dire sur ses modalités et conditions. Même après la conclusion réussie d’une entente de PA, il peut rester des enjeux à résoudre avec l’ARC qui peuvent prendre du temps supplémentaire, notamment (i) les questions de déductibilité, (ii) l’allégement des intérêts, (iii) les crédits d’impôt étrangers ou (iv) les pénalités supplémentaires que l’ARC peut choisir d’imposer.

    Dans certaines conventions fiscales, il existe une disposition d’arbitrage obligatoire (p. ex., aux États-Unis et au Royaume-Uni) qui s’applique dès qu’un dossier est accepté dans le cadre de la PA, ce qui contribue à la réduction des délais.

3. Obtenir une certitude et une prévisibilité pour l’avenir

Les contribuables peuvent tenter d’obtenir une certitude pour l’avenir dans le cadre du programme d’arrangement préalable en matière de prix de transfert (l’« APP »), qui permet aux contribuables de demander l’acceptation de leur dossier au programme d’APP afin d’obtenir une entente négociée sur les prix de transfert pour une période donnée. L’APP implique que l’ARC effectue une vérification diligente approfondie, négocie avec l’autorité compétente étrangère et produise des documents à l’appui de l’APP.

L’ARC a récemment révisé la circulaire d’information 94-4R2 sur les exigences que les contribuables doivent satisfaire pour participer au programme d’APP et sur les critères que l’ARC tiendra compte pour refuser l’entrée au programme d’APP.

Dans l’ensemble, il semble que l’obtention d’un APP nécessite une charge de travail et des coûts initiaux importants pour le contribuable en raison de l’obligation de fournir d’emblée des renseignements plus détaillés (dont divulguer l’ensemble des vérifications, appels et litiges en cours ou à venir dans toutes les juridictions concernées par l'APP et pour toutes les entités relevant du champ d’application de l’APP, une analyse fonctionnelle, la méthode de prix de transfert proposée et une analyse économique), avant même que le contribuable ne soit accepté dans le cadre de l’APP. Les renouvellements d’APP requièrent la même rigueur sur le plan de la production de documents que les demandes initiales.

Selon le rapport intitulé Arrangements préalables en matière de prix de transfert ꟷ Rapport sur le programme 2023), la durée moyenne pour compléter un APP bilatéral est d’environ 40 mois. L’ARC prend environ 18 mois pour la vérification diligente, 12 mois pour les négociations et 10 mois pour le travail postérieur aux négociations.

4. Conseils stratégiques

Les contribuables qui font l’objet d’une vérification concernant les prix de transfert doivent :

  • faire appel à des professionnels compétents dès le début pour déterminer la bonne stratégie et la bonne approche à suivre;
  • protéger le secret professionnel en retenant les services d’avocats afin que la correspondance relative à la stratégie juridique ne puisse faire l’objet d’une divulgation;
  • réfléchir soigneusement aux stratégies à adopter pour les entrevues orales, compte tenu des récents pouvoirs de l’ARC en matière d’entrevues, et mettre en place des mécanismes de protection;
  • documenter les interactions avec l’ARC afin de monter un dossier précis et exact.

To view the original article click here

The content of this article is intended to provide a general guide to the subject matter. Specialist advice should be sought about your specific circumstances.

 

Mondaq uses cookies on this website. By using our website you agree to our use of cookies as set out in our Privacy Policy.

Learn More