1. Compétence de la Cour de l'impôt et de la Cour fédérale : contribuables, prenez garde!
Dow Chemical Canada ULC c. Canada, 2024 CSC 23
Iris Technologies Inc. c. Canada, 2024 CSC 24
La Cour canadienne de l'impôt a compétence exclusive quant à l'exactitude d'une cotisation, soit la détermination non discrétionnaire de l'obligation fiscale d'un contribuable. La Cour fédérale, quant à elle, a compétence exclusive pour examiner les décisions discrétionnaires du ministre, à moins de stipulation contraire du Parlement.
Dans l'affaire Dow Chemical, la Cour suprême du Canada a conclu que la décision du ministre de refuser un redressement à la baisse du prix de transfert était une décision discrétionnaire sur laquelle seule la Cour fédérale avait compétence.
Dans l'affaire Iris Technologies, la Cour suprême du Canada a conclu que la nature du contrôle judiciaire recherché par le contribuable constituait une contestation de la validité de la cotisation et que seule la Cour de l'impôt avait compétence en la matière. Bien que la Cour fédérale avait techniquement compétence pour traiter l'allégation du contribuable selon laquelle la ministre avait agi à une fin illégitime, les faits pertinents au soutien d'une telle position n'avaient pas été allégués dans sa demande.
Pour de plus amples renseignements sur cette affaire, consultez l'article de McCarthy Tétrault.
2. Aucun évitement fiscal abusif lorsque des opérations alternatives auraient donné lieu à des résultats fiscaux semblables
3295940 Canada Inc., 2024 CAF 42
Miscau détenait des actions dans une entreprise de médicaments génériques (Opco) qui devait être vendue à un tiers. Miscau détenait ses actions par l'intermédiaire du contribuable (3295), une société de portefeuille. Comme le prix de base rajusté des actions de 3295 était plus élevé que le prix de base rajusté des actions d'Opco, Miscau souhaitait vendre la 3295 directement pour réaliser un gain en capital moins élevé. Comme le tiers ne souhaitait pas acheter 3295, Miscau a entrepris une série d'opérations afin de reproduire le résultat fiscal plus avantageux qu'aurait engendré la vente directe de 3295.
La Cour d'appel fédérale a conclu que le fait de contourner l'application du paragraphe 55(2) par l'entremise d'un rachat croisé d'actions (de façon à réduire le gain en capital sur une vente ultérieure) n'a pas donné lieu à un évitement fiscal abusif. Plus précisément, la Cour d'appel fédérale s'est appuyée sur la disponibilité d'opérations alternatives qui auraient permis d'obtenir des résultats fiscaux semblables.
La Cour suprême du Canada a rejeté l'autorisation d'appel le 21 novembre 2024.
Pour de plus amples renseignements sur cette affaire, consultez l'article de McCarthy Tétrault.
3. Les indemnités de rupture (« Break fees ») représentent du revenu à titre de paiements incitatifs
Glencore Canada Corporation c. Canada, 2024 CAF 3
En 1996, Falconbridge Limited a offert d'acquérir des actions cotées en bourse de Diamond Fields Resources Inc. L'accord de fusion prévoyait une commission d'engagement de 28 millions de dollars payable à la conclusion de l'accord de fusion ainsi qu'une indemnité de rupture de 73 millions de dollars payable uniquement si une offre concurrente était acceptée. Une offre concurrente a finalement été acceptée, de sorte que Falconbridge s'est vue remettre l'indemnité de rupture de 73 millions de dollars.
La Cour d'appel fédérale a conclu ce qui suit : (1) l'indemnité de rupture était de nature capitale, et n'était donc pas à inclure dans le calcul du revenu d'entreprise en vertu du paragraphe 9(1), notamment parce que l'entreprise de Falconbridge n'avait pas pour activité l'acquisition d'autres entreprises et que l'indemnité de rupture était liée à une acquisition d'actions; (2) l'indemnité de rupture n'était pas un produit de disposition pouvant donner lieu à un gain en capital étant donné que les conditions de l'accord prévoyaient que l'indemnité de rupture serait versée non pas pour la résiliation de l'accord de fusion, mais en cas d'acceptation d'une offre concurrente; (3) l'indemnité de rupture représentait un revenu d'entreprise à titre de paiement incitatif en vertu de l'alinéa 12(1)(x), car elle visait à inciter la participation de soumissionnaires, et ce même si elle n'était versée qu'en cas d'échec de la soumission en question.
La Cour suprême du Canada a rejeté l'autorisation d'appel le 8 août 2024.
4. Les opérations « REPO » ne sont pas UN trompe-l'Sil et NE sont PAS abusives
Agence du revenu du Québec c. Kone inc., 2024 QCCA 678
Le contribuable a emprunté des fonds pour acheter des actions privilégiées d'une société affiliée résidente des États-Unis détenues par une société affiliée néerlandaise. Le contribuable a également conclu un accord de rachat en vertu duquel la société affiliée néerlandaise rachèterait ces mêmes actions ultérieurement. Le contribuable a reçu des dividendes sur les actions, qui étaient entièrement déductibles comme ils provenaient des surplus exonérés de la société affiliée résidente des États-Unis. Le contribuable a également déduit les intérêts payés sur son emprunt pour acheter les actions.
Aux fins de l'impôt des États-Unis, l'opération d'achat et de rachat d'actions (ou « Repo ») a été traitée comme un prêt consenti par le contribuable à la société affiliée néerlandaise, garanti par les actions. L'Agence du revenu du Québec a contesté les opérations sur la base qu'elles étaient un trompe-l'Sil et alternativement, sur la base qu'elles étaient assujetties à la RGAÉ, notamment parce que selon l'Agence, l'opération Repo était équivalente à un prêt.
La Cour d'appel du Québec a confirmé d'une part que vu la teneur juridique des obligations contractuelles, l'opération Repo n'était pas un trompe-l'Sil et d'autre part, que la RGAÉ ne s'appliquait pas non plus en l'absence d'un évitement fiscal abusif. En somme, le contribuable avait le droit de choisir la structure de financement qui lui offrait le résultat fiscal le plus avantageux.
L'Agence du revenu du Québec a présenté une demande d'autorisation d'en appeler à la Cour suprême du Canada.
Pour de plus amples renseignements sur cette affaire, consultez l'article de McCarthy Tétrault.
5. Des opérations Ne Générant aucun gain économique étaient abusives
Magren Holdings Ltd. c. Canada, 2024 CAF 202
Les appelantes étaient des sociétés contrôlées par un particulier résidant au Canada (le « particulier ») dont le REER détenait 58 % des parts d'un fonds commun de placement coté en bourse (le « fonds commun »). Alors qu'une réorganisation du fonds commun s'apprêtait à être mise en Suvre, le particulier a envisagé une série d'opérations afin d'optimiser le résultat fiscal de la réorganisation, le tout en impliquant la participation des appelantes.
Les parts du particulier dans le fonds commun ont été transférées dans une fiducie d'investissement à participation unitaire (la « fiducie »). Les appelantes ont ensuite acquis les parts du fonds commun détenue par la fiducie en contrepartie de billets à ordre. Ultimement, par suite d'une série d'opérations très complexe, des dividendes excédant 110 millions de dollars ont pu être versés à titre de dividendes en capital en faveur du particulier, sans que les appelantes n'aient d'impôt à payer et ce malgré les gains significatifs ayant été réalisés dans le cadre de la réorganisation du fonds commun.
La Cour d'appel fédérale a conclu que l'objectif unique de la série d'opérations était de générer une augmentation de la valeur du compte de dividendes en capital (CDC) des appelantes de manière à pouvoir verser des dividendes autrement imposables en franchise d'impôts. La Cour a également conclu que les dispositions relatives aux gains et pertes en capital et au CDC avaient fait l'objet d'un abus étant donné que la participation des appelantes aux opérations internes n'avaient aucun objectif commercial. Les appelantes n'avaient dans les faits réalisé aucun gain ni aucune perte véritable sur le plan économique : leur « pouvoir économique » demeurant totalement inchangé malgré leur participation dans la réorganisation du fonds commun. Les contribuables ont depuis présenté une demande d'autorisation d'en appeler à la Cour suprême du Canada.
6. LES INTÉRÊTS facturés SUR un retard de paiement d'impôt cessent de S'ACCUMULER AU MOMENT DE LA PRÉSENTATION D'UNE DEMANDE DE REPORT rétrospectif DE PERTE
Banque de la Nouvelle-Écosse c. Canada, 2024 CAF 192
Le ministre et la Banque de la Nouvelle-Écosse ont conclu un règlement le 13 mars 2015 pour procéder à un rajustement en matière de prix de transfert de 54,9 millions de dollars pour l'année d'imposition 2006. Un jour avant, la Banque de la Nouvelle-Écosse demandait le report rétrospectif d'une perte autre qu'en capital de 54 millions de dollars qu'elle avait subie au cours de l'année d'imposition 2008. Malgré que le report de perte visait à compenser l'inclusion au revenu découlant du rajustement, le ministre a facturé des intérêts s'élevant à 7,9 millions de dollars, en effectuant un calcul à partir de la date d'exigibilité du solde pour l'année d'imposition 2006 jusqu'au 12 mars 2015, soit le jour de la demande de report rétrospectif. La Banque de la Nouvelle-Écosse a fait appel de cette nouvelle cotisation, estimant que les intérêts devaient plutôt cesser de s'accumuler à compter de la date de production de sa déclaration de revenus pour l'année 2008.
La Cour d'appel fédérale a donné raison au ministre : les intérêts commençaient à s'accumuler à partir de la date d'exigibilité du solde pour l'année d'imposition 2006 et cessaient de s'accumuler à la date à laquelle le contribuable a demandé le report rétrospectif de pertes, et ce même si la demande de report était en réponse à un ajustement découlant d'une vérification.
La Banque de la Nouvelle-Écosse a présenté une demande d'autorisation d'en appeler à la Cour suprême du Canada.
Pour de plus amples renseignements sur cette affaire, consultez l'article de McCarthy Tétrault.
7. La Couronne peut soulever de nouveaux arguments subsidiaires, MAIS NE PEUT PAS AUGMENTER LA COTISATION
TPine Leasing Capital Corporation c. Canada, 2024 CAF 83
Dans sa déclaration de revenus pour l'année 2015, le contribuable a demandé à la fois une déduction relative au coût des marchandises vendues (CMV) et une déduction pour amortissement (DPA). Le ministre a initialement établi une nouvelle cotisation pour refuser la DPA au motif qu'elle était attribuable à un équipement pour lequel le contribuable avait déjà demandé une déduction relative au CMV. Le ministre a plus tard tenté de soulever un nouvel argument en indiquant que si le contribuable avait véritablement droit à la DPA, il ne devrait pas également avoir droit à la déduction relative au CMV.
La Cour d'appel fédérale a conclu que le ministre pouvait soulever ce nouvel argument, et ce même s'il était contraire aux fondements factuels de la position initiale (le ministre prétendait d'abord qu'aucune DPA n'était disponible parce que l'équipement avait été vendu; et subsidiairement, que la déduction relative au CMV ne pouvait être demandée parce que l'équipement avait été conservé). Dans ce contexte, la Cour d'appel fédérale a rappelé qu'un nouvel argument ne pouvait cependant pas faire augmenter le montant de cotisation établi pour le contribuable.
Pour de plus amples renseignements sur cette affaire, consultez l'article de McCarthy Tétrault.
8. Les actionnaires sont responsables de la dette d'impôt des sociétés vendues
Harvard Properties Inc. c. Le Roi, 2024 CCI 139
Le contribuable était le copropriétaire d'un centre commercial. Les copropriétaires ont reçu une offre d'un acquéreur potentiel, Abacus, leur proposant un plan fiscal comprenant la vente du centre commercial à un tiers. Le plan fiscal visait à permettre aux copropriétaires de recevoir une prime sur le prix de vente par rapport au montant après impôt qu'ils auraient normalement perçu si le centre commercial avait été vendu directement à un tiers et que les contribuables avaient supporté l'impôt en découlant. Selon le plan fiscal, la responsabilité fiscale serait plutôt supportée par Abacus, qui financerait la prime à même l'évitement de cette responsabilité.
Ainsi, le contribuable a constitué une nouvelle société (Newco) et y a transféré les parts qu'il détenait dans le centre commercial sur une base de roulement, en échange d'actions avec et sans droit de vote. Une filiale d'Abacus a acheté les actions avec droit de vote de Newco détenues par le contribuable en échange d'un billet à ordre de 7 millions de dollars et de 0,7 million de dollars en espèces.
Newco a vendu le centre commercial à un acheteur tiers. La filiale d'Abacus a remboursé le billet à ordre de 7 millions de dollars en demandant à Newco de payer le contribuable à partir des fonds provenant de la vente du contre commercial. Newco a augmenté le capital déclaré des actions sans droit de vote du montant de l'augmentation de la valeur du compte de dividendes en capital résultant de la vente du centre commercial et a désigné les dividendes réputés comme étant des dividendes en capital. Le contribuable a ultimement vendu les actions sans droit de vote à la filiale d'Abacus pour 8,7 millions de dollars en espèces. Le résultat escompté était que les obligations fiscales découlant de la vente demeurent dans Newco, qui n'avait alors aucun actif pour les supporter.
La Cour canadienne de l'impôt a conclu que le contribuable était responsable, en vertu de l'article 160 de la Loi de l'impôt sur le revenu, de payer les impôts dus par Newco découlant de la vente du centre commercial. Le contribuable a sciemment reçu une prime sur le prix de vente qui n'était viable que si les impôts dus par Newco demeuraient impayés et que ses liquidités étaient distribuées. Par conséquent, le contribuable et la filiale d'Abacus avaient un lien de dépendance et l'article 160 s'appliquait. De plus, puisque le contribuable n'avait fourni aucune preuve de la juste valeur marchande des actions et du billet à ordre, la Cour a conclu qu'il pouvait être tenu responsable des impôts à payer pour la totalité de la somme reçue de 8.7 millions de dollars, et non seulement jusqu'à concurrence de la prime sur le prix de vente.
Le contribuable a porté la décision en appel à la Cour d'appel fédérale.
Pour de plus amples renseignements sur cette affaire, consultez l'article de McCarthy Tétrault.
9. La modification intentionnelle du statut de SPCC ne représente pas un évitement fiscal abusif
DAC Investment Holdings Inc. c. Le Roi, 2024 CCI 63
Le contribuable était une société privée sous contrôle canadien (SPCC). En prévision de la vente des actions d'une filiale, la société a été prorogée dans les Îles Vierges britanniques de sorte qu'elle s'est vu réputée avoir été constituée en dehors du Canada. Par le fait même, le contribuable a cessé de se qualifier à titre de SPCC. Cependant, le contribuable est demeuré résident canadien étant donné que son centre de direction et de contrôle était toujours au Canada. Le contribuable a vendu les actions de la filiale et réalisé un gain en capital imposable. Comme il n'était plus une SPCC, le contribuable a pu éviter l'impôt remboursable de 10 2/3 % sur son revenu de placement total.
La Cour canadienne de l'impôt a conclu que l'obtention de cet avantage fiscal ne résultait pas en un abus des définitions de SPCC et de société canadienne, les critères précis prévus par ces dispositions ayant été respectés de façon conforme à l'intention du législateur. Le Parlement a prévu différents régimes fiscaux pour différents types de sociétés. Ainsi, le fait de ne plus être une SPCC et d'être imposé en conséquence ne constitue pas un abus de la Loi de l'impôt sur le revenu.
Le Parlement a par la suite adopté des mesures législatives pour empêcher la réalisation d'avantages fiscaux similaires à ceux réalisés par l'appelant pour les années d'imposition se terminant après le 7 avril 2022.
La Couronne a porté la décision en appel à la Cour d'appel fédérale.
Pour de plus amples renseignements sur cette affaire, consultez l'article de McCarthy Tétrault.
10. Le secret professionnel ne s'applique pas dans le cas des comptables
Coopers Park Real Estate Development Corporation c. Le Roi, 2024 CCI 122
La Cour canadienne de l'impôt a ordonné à un contribuable de produire des documents au motif qu'il n'avait pas fourni les renseignements adéquats pour établir l'existence du privilège des communications entre client et avocat (ou « secret professionnel »). Le secret professionnel ne s'applique que dans le cadre des communications essentielles à la relation entre un client et son avocat, et non aux conseils fiscaux indépendants formulés par des cabinets de comptables. Pour soutenir les revendications relatives au secret professionnel, les relations juridiques doivent être documentées de manière appropriée; dans la présente affaire, le fait que le cabinet de comptables n'agissait pas explicitement et uniquement à titre de mandataire du client dans le but de faciliter l'obtention de conseils juridiques a fait en sorte que les documents n'étaient pas protégés par le secret professionnel.
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