Le 29 juillet 2020, le Bureau de la concurrence a publié une ébauche de ses Lignes directrices sur la collaboration entre concurrents révisées, sollicitant les commentaires des parties intéressées jusqu'au 28 septembre 2020. Il s'agit de la première mise à jour des Lignes directrices sur la collaboration entre concurrents – l'un des seuls documents d'orientation fondamentaux qui fait partie du cadre législatif en droit canadien de la concurrence – depuis leur première publication en 2009.

Chose remarquable, peu de changements ont été apportés dans le projet révisé. De toute évidence, le Bureau demeure convaincu de l'efficacité de ses lignes directrices dans ce domaine. Toutefois, quelques ajouts et suppressions méritent d'être signalés, car ils pourraient faire ressortir certains thèmes de l'approche évolutive du Bureau en matière d'application de la loi dans ce domaine, notamment en ce qui concerne les fusions comportant des accords anticoncurrentiels entre concurrents, les cartels sous forme de réseau en étoile, le parallélisme aidé par l'IA, les préférences correctives en matière d'accords civils et l'étendue de la concurrence potentielle.

Les nouvelles lignes directrices n'apportent aucun changement majeur à l'approche actuelle

Les Lignes directrices sur la collaboration entre concurrents ont été publiées initialement en 2009 dans le cadre d'une révision majeure de la Loi sur la concurrence (la « Loi »). Cette révision a, entre autres, créé une nouvelle approche à deux volets visant les accords entre concurrents et offrant deux options d'application : un cadre civil fondé sur la règle intégrale de la raison susceptible d'entraîner des mesures correctives lorsque l'effet anticoncurrentiel requis est prouvé, et une nouvelle disposition relative aux infractions criminelles en soi applicable aux accords injustifiables, lesquels peuvent être punissables au moyen d'une peine d'emprisonnement et d'une amende considérable.

Au moment de cette révision, les avocats en droit de la concurrence et le milieu des affaires craignaient fortement que le nouveau cadre pour les infractions criminelles en soi puisse non pas se limiter aux activités qui empêchent ou réduisent « indûment » la concurrence (soit l'ancien critère), mais plutôt être injustement sévère, pénaliser les pratiques commerciales normales et décourager la collaboration proconcurrentielle, tandis que d'autres étaient d'avis que les limites du régime civil étaient trop vagues ou que le système « à deux volets » pouvait prêter à confusion et entraîner injustice et retards.

Onze ans plus tard, cependant, ces critiques ont été largement dissipées, la plupart des gens s'accordant à dire que le système fonctionne assez bien, ou du moins qu'il n'a pas fait en sorte qu'un grand nombre de collaborations légitimes entre concurrents à vocation proconcurrentielle fassent l'objet de poursuites au criminel. Au contraire, certains ont fait valoir que les dispositions civiles pourraient faire l'objet d'un certain degré de sous-application, étant donné que le Bureau n'a intenté que très peu de poursuites depuis la révision de 2009. On prévoyait que les nouvelles dispositions civiles souples seraient utiles dans la mise à l'essai et l'analyse de collaborations présentant un mélange de caractéristiques favorables et défavorables à la concurrence; cela ne s'est pas produit.

Dans l'ensemble, bien que le Bureau ait été disposé à demander des modifications législatives dans d'autres domaines de la Loi, il semble être en grande partie satisfait des dispositions sur la collaboration entre concurrents. Étant donné le bon fonctionnement de la Loi dans ce domaine, le nouveau projet de lignes directrices n'envisage pas de changement majeur dans la façon d'aborder son application. Au lieu de cela, la grande majorité des modifications proposées sont de nature purement esthétique, comme les mises à jour nécessaires apportées aux références et au libellé législatif ou les modifications mineures servant à clarifier le libellé. Cela laisse entendre que le Bureau croit que ses lignes directrices ont atteint le bon équilibre au premier essai et qu'il est peu probable qu'elles changent radicalement dans un avenir prévisible.

Quelques domaines ont été mis à jour pour tenir compte des expériences récentes du Bureau

Néanmoins, les lignes directrices révisées contiennent certains changements intéressants, y compris des mises à jour qui reflètent presque certainement l'approche du Bureau dans certains cas précis, que les avocats reconnaîtront immédiatement.

Application de la Loi aux cartels dans les cas de fusion

Par exemple, les lignes directrices précisent maintenant que, bien que les fusions soient généralement évaluées en vertu de l'article 92 de la Loi plutôt qu'en vertu de dispositions civiles ou criminelles sur la collaboration entre concurrents, « [l]orsque des parties concluent tout accord allant au-delà de l'acquisition, de la fusion ou de l'association d'intérêts, que ce soit à l'intérieur ou à l'extérieur dudit accord, le Bureau déterminera la ou les dispositions de la Loi en vertu desquelles l'enquête ou l'examen devrait être poursuivi. » Cette directive semble viser l'enquête que le Bureau mène actuellement sur une opération réalisée en 2017 par Torstar et Postmedia, qui portait sur le transfert réciproque de 41 journaux locaux, dont 36 ont été fermés. Cette enquête a été ouverte en vertu des dispositions sur les fusions de la Loi, mais est devenue une enquête au criminel sur les complots.

Portée des complots sous forme de « réseau en étoile »

De même, dans la disposition criminelle sur les complots, l'énoncé général selon lequel « [l]orsqu'un accord intervient entre des parties qui sont des concurrentes et des parties qui ne le sont pas, le fait que certaines parties ne se livrent pas concurrence ne met pas les parties qui sont des concurrentes à l'abri d'une poursuite en vertu de l'article 45 » s'accompagne maintenant de l'énoncé plus précis selon lequel « un commerçant de gros qui facilite un complot de fixation des prix entre ses clients détaillants peut être considéré comme ayant participé au complot même s'il ne livre pas concurrence à ceux-ci sur le marché de détail. » Ce nouveau libellé semble clairement tenir compte de l'enquête en cours du Bureau sur une possible fixation des prix des produits de pain, dans laquelle les fournisseurs sont soupçonnés d'avoir facilité un accord sous forme de « réseau en étoile » entre des détaillants concurrents.

D'autres nouveaux libellés expliquent que « [l]e comportement parallèle, lorsqu'il est combiné à des pratiques facilitantes comme la mise en commun de renseignements délicats sur le plan de la concurrence ou des activités qui aident les concurrents à surveiller réciproquement leurs prix, peut suffire à prouver qu'un accord a été conclu entre les parties » et peuvent également être motivés en partie par l'affaire du pain. Un nouvel exemple hypothétique inclus dans les lignes directrices révisées semble également viser ce type d'accord.

Clauses de non-concurrence et accords injustifiables avec des clients

Il convient également de noter que le projet de lignes directrices comporte, en ce qui concerne les clauses de non-concurrence, un nouvel avertissement selon lequel, « dans de rares cas », ces accords peuvent constituer des accords visant l'attribution des marchés qui pourraient faire l'objet d'un examen en vertu des dispositions criminelles. De façon générale, le Bureau est d'avis que les accords injustifiables avec des clients (c.-à-d. les accords visant à coordonner l'achat ou l'approvisionnement de biens et de services) ne relèvent pas de la disposition criminelle, ce qui semble logique compte tenu du texte législatif réel de la disposition criminelle, et le projet de lignes directrices ne laisse pas clairement présager un changement dans cette approche. Étant donné l'importance éventuelle de cette question, il serait toutefois utile que le Bureau fournisse des indications supplémentaires sur les situations où une clause de non-concurrence (ou un autre accord injustifiable avec des clients) pourrait constituer un accord visant l'attribution des marchés.

Se préparer à la collusion algorithmique

Certaines des modifications proposées aux lignes directrices tiennent également compte des priorités du Bureau en matière d'application de la loi de façon prospective. En particulier, une nouvelle note de bas de page indique ce qui suit : « Les dispositions canadiennes sur les cartels font de tout cartel des infractions en soi et interdisent les accords entre concurrents et concurrents potentiels visant notamment à fixer ou à contrôler les prix. L'utilisation d'algorithmes (l'intelligence artificielle ou "IA") pourrait constituer le fondement d'une infraction de cartel, mais l'existence d'un accord – réel ou tacite – visant à fixer ou contrôler les prix est nécessaire, et le comportement équivalant à du parallélisme conscient n'est pas suffisant. »

Cependant, comme le précise un autre passage, « lorsqu'un tel "parallélisme conscient" est combiné à des pratiques facilitantes comme la mise en commun de renseignements délicats sur le plan de la concurrence ou d'activités qui aident les concurrents à surveiller réciproquement leurs prix, un comportement parallèle pourrait suffire à prouver qu'un accord a été conclu entre les parties. » Bien que le Bureau n'ait pas encore annoncé publiquement une affaire mettant en cause une théorie algorithmique de fixation des prix, l'ajout d'un tel libellé et les observations publiques du Bureau démontrent clairement son intérêt dans ce domaine.

Changement potentiel pour concurrents potentiels

Enfin, les nouvelles lignes directrices semblent envisager une façon possiblement plus générale d'aborder l'identification des concurrents potentiels et donnent donc une plus grande portée à l'identification d'accords potentiellement inappropriés. En particulier, une nouvelle section explique comment le Bureau tiendra compte « des plans d'entreprise ou plans stratégiques préparés dans le cours normal des activités, de la commercialisation et les communications avec les clients potentiels ainsi que des éléments de preuve établissant l'existence d'une concurrence réelle à l'égard de clients semblables dans des régions avoisinantes ou à l'égard de produits semblables », y compris des « documents préparés dans le cours normal des activités qui précisent qui les parties perçoivent comme leurs concurrents et la mesure dans laquelle les parties surveillent et/ou répondent au comportement concurrentiel de l'autre ».

Une autre modification remplace une déclaration selon laquelle la disposition relative aux accords civils pourrait s'appliquer aux parties qui sont « des concurrents potentiels à l'égard des produits visés par l'entente » par une référence plus générale aux concurrents potentiels « à l'égard d'un ou plusieurs produits ». Cette vision plus générale est conforme à la pratique récente et sert de rappel de la portée éventuelle des dispositions sur la collaboration entre concurrents.

Conclusion

Comme nous l'avons noté au début, ce que l'on remarque le plus au sujet des lignes directrices révisées, c'est le peu de changements que le Bureau propose d'y apporter. Toutefois, puisque de tels documents d'orientation fournissent des indications précieuses sur les changements possibles dans l'approche du Bureau, ils méritent souvent d'être lus attentivement. Nous suivrons de près les autres changements qui pourraient éventuellement être apportés en réponse aux commentaires reçus par le Bureau avant que les nouvelles lignes directrices ne soient finalisées.

Originally published 9 septembre 2020

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