Comme on pouvait s'y attendre, les difficultés rencontrées sur le plan économique, au Luxembourg comme ailleurs, suscitent un contentieux important eu égard aux entreprises en difficulté. Celles-ci, au lieu de prolonger vers le service de recettes de l'État les retenues à la source opérées sur les salaires versés aux employés, utilisent trop souvent ces fonds pour rembourser d'autres créanciers. Dans le cas où l'entreprise fait faillite, l'État en fait typiquement les frais, en ce sens que l'entreprise ne dispose plus de moyens financiers pour régler sa dette fiscale. Du coup, la question de la responsabilité du dirigeant social se pose : comme le dirigeant est tenu, sur base du § 103 AO, non seulement de prélever la retenue à la source sur les salaires, mais également de virer la somme ainsi retenue aux caisses de l'État, l'omission de payer constitue dans ces conditions une inexécution fautive des obligations imposées par la loi fiscale.
Il en résulte une responsabilité solidaire du dirigeant, ensemble avec l'entreprise-employeur, au regard du paiement de l'impôt en souffrance (§ 109 AO).
Mais un simple manquement à l'obligation de paiement ne suffit pas d'après les textes. Il faut en sus une « inexécution fautive » ("schuldhafte Verletzung") afin que sa responsabilité puisse être mise en action. Le bureau d'imposition, s'il désire recouvrir l'impôt ainsi dû auprès du dirigeant, devra émettre un bulletin d'appel en garantie (§ 118 AO), dans le cadre de l'exercice de son pouvoir discrétionnaire. Il lui faudra donc prouver à suffisance de droit, non seulement le non-versement de l'impôt (preuve facile à rapporter), mais également l'existence d'un comportement fautif dans le chef du dirigeant. Par le passé, le juge de l'impôt faisait preuve de retenue en la matière, en ce sens qu'il ne se contentait pas d'induire un comportement fautif du simple fait du non-paiement de l'impôt : il fallait par ailleurs démontrer en quoi le comportement du dirigeant vis-à-vis du fisc avait été inexcusable. Avec l'arrêt du 22 mai 2013 il est permis de se demander si ces propositions ne doivent pas dorénavant être renversées.
Il s'agissait en l'espèce d'un gérant
administratif d'une société à
responsabilité limitée tombée en faillite. Ce
gérant avait certes prélevé la retenue
à la source sur les salaires, mais avait
négligé d'en effectuer le virement au profit du
fisc. Ayant été actionné en
responsabilité par le bureau d'imposition, le
gérant pensait pouvoir échapper à sa mise en
responsabilité en arguant qu'il n'aurait commis
aucune faute au sens du § 109 AO. Le juge de l'impôt
balaie cet argument d'un revers de main : «quant
à l'appréciation de la faute commise du fait du
défaut de paiement plus spécifiquement des
impôts sur traitements et salaires, il convient encore de
relever que lorsque le débiteur du revenu a
opéré la retenue sans la continuer au fisc et a de ce
fait nécessairement détourné les sommes
retenues à d'autres fins, son comportement est en
règle générale à considérer
comme fautif puisque celui qui opère des retenues ne peut
ignorer que la loi qui l'oblige à effectuer les retenues
l'oblige également de transférer ces fonds au
receveur». On ne pouvait être plus clair : le
dirigeant qui opère la retenue à la source est
supposé virer la somme retenue au Trésor public ;
s'il ne le fait pas, il sera présumé fautif. A
lui de prouver l'absence de faute. Ce renversement de fait de
la charge de la preuve réjouira le fisc, car les praticiens
le savent fort bien : le point difficile dans tout litige est moins
d'avoir raison en droit que d'être en mesure d'en
rapporter la preuve.
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