- BARRER LA ROUTE
C'est le slogan du jour, incontestablement. Impossible
à commenter, bien sûr : outre que ce n'est pas la
vocation de cette rubrique, autant jouer avec des allumettes dans
l'arrière-boutique d'un artificier, ce serait moins
dangereux. Impossible à commenter, donc, mais pas à
référencer car l'expression est de celles que
l'on entend régulièrement dans de nombreux
domaines et depuis longtemps. Il n'est donc pas inutile de la
mettre en perspective de quelques unes de ses nombreuses
utilisations au cours des siècles.
Stoïque (IIe siècle)
Si tu ne juges tien que ce qui l'est vraiment [...], jamais
personne ne saura te contraindre ni te barrer la route (Manuel
d'Epictète).
Paradoxale (XVIIe siècle)
Ce qui barre la route fait faire du chemin (Jean de La
Bruyère, Les Caractères).
Optimiste (XXe siècle)
Les organisations défensives des frontières dont nous
voulons l'exécution n'ont pas d'autre but que de
barrer la route à l'invasion toujours possible
(André Maginot).
Déterminée (XXe siècle)
Au nom de la France, j'ordonne que tous les moyens, je dis tous
les moyens, soient employés pour barrer partout la route
à ces hommes-là, en attendant de les réduire
(Ch. de Gaulle, Discours du 23 avril 1961).
Délinquante (XXIe siècle)
A la veille d'un week-end de retour de vacances,
l'autoroute A1 est bloquée dans le sens Paris-Lille ce
vendredi soir, par des gens du voyage au niveau de Roye dans la
Somme, quelques jours après qu'une fusillade a
éclaté dans un camp voisin faisant quatre morts et
trois blessés mardi (BFM TV, 29 août
2015).
Et comme, en France, pour l'instant, tout finit par une
chanson, un auteur que l'on n'aurait jamais pensé
citer dans ces colonnes, mais qui se révèle
particulièrement pertinent ici, Gérald de Palmas
:
Car j'étais sur la route
Toute la sainte journée
Je n'ai pas vu le doute en toi s'immiscer
J'étais sur la route
Toute la sainte journée
Si seulement j'avais pu lire
Dans tes pensées
SOURCES
- JURISPRUDENCE
Compétence du juge administratif pour mise en cause de la
responsabilité délictuelle en cas d'entente. La
régularité de 241 marchés publics conclus par
la Région Ile de France conclus dans les années 90
avait été mise en cause entrainant la condamnation
pénale d'acteurs publics et privés pour ententes
anticoncurrentielles. La CA de Paris avait également
confirmé la décision du Conseil de la concurrence. La
Région avait alors saisi le juge judiciaire d'une
demande visant à condamner solidairement plusieurs
intervenants de ces marchés en réparation du
préjudice subi du fait des ententes. La CA de Paris
s'est déclarée compétente pour connaitre
du litige et le Préfet a élevé le conflit
devant le TC. Celui-ci a jugé que "les litiges relatifs
à la responsabilité de personnes auxquelles sont
imputés des comportements susceptibles d'avoir
altéré les stipulations d'un contrat
administratif, notamment ses clauses financières, dont la
connaissance relève de la juridiction administrative, et
d'avoir ainsi causé un préjudice à la
personne publique qui a conclu ce contrat, relèvent de la
compétence de la juridiction administrative". Il
revient donc au juge administratif de connaître d'un
litige par lequel une personne publique met en cause la
responsabilité délictuelle d'entreprises et de
leurs préposés en raison des ententes dont ils ont
été les auteurs lors de la passation de
marchés publics (TC, 16 novembre 2015, Région
Ile-de-France, n°4035).
Principe général du droit européen et action
en dommages et intérêts. La Fédération
des organismes autrichiens de sécurité sociale avait
conclu avec la caisse salariale des pharmaciens un contrat relatif
à l'exécution d'un projet concernant la
gestion électronique de la prescription de
médicaments. La société MedEval avait fait un
recours devant la juridiction administrative autrichienne aux fins
de faire annuler la décision de l'Office
fédéral des adjudications qui avait rejeté son
recours préalable. Le juge avait alors formé une
question préjudicielle devant la CJUE, portant sur
l'interprétation de la directive 89/665/CEE du Conseil
du 21 décembre 1989. La CJUE devait déterminer si une
législation nationale subordonnant l'action en
réparation à la constatation préalable de
l'illégalité de la procédure soumise
à un délai de forclusion de six mois était
contraire au droit de l'Union. Selon la Cour, le principe
d'effectivité « s'oppose à une
réglementation nationale qui subordonne l'introduction
d'un recours, aux fins de l'obtention de dommages et
intérêts pour violation d'une règle du
droit des marchés publics, à la constatation
préalable de l'illégalité de la
procédure de passation du marché concerné en
raison de l'absence de publication préalable d'un
avis de marché, lorsque cette action en constatation
d'illégalité est soumise à un délai
de forclusion de six mois commençant à courir
à compter du lendemain de la date de l'attribution du
marché public en cause, et ce indépendamment du point
de savoir si le demandeur à l'action était en
mesure ou non de connaître l'existence de
l'illégalité affectant cette décision du
pouvoir adjudicateur » (CJUE 26 novembre 2015, aff.
C-166/14).
Illégalité d'une transaction visant à
prolonger les effets de marchés
irrégulièrement passés. La Commune de
Corbeil-Essonnes avait confié à la
société STB deux marchés de "finalisation
de vestiaires-douches au stade Robinson" puis, à la
suite d'un déféré préfectoral
exercé par le préfet de l'Essonne devant le TA de
Versailles, le conseil municipal avait retiré sa
première délibération et autorisé la
signature d'un protocole transactionnel entre la commune et la
société STB concernant des travaux des vestiaires de
douches du stade Robinson. Sur nouveau déféré
préfectoral, le TA avait annulé le protocole
transactionnel. Sur appel de la commune, la CAA a rappelé
que lorsqu'il est saisi d'un déféré
préfectoral contre une transaction, le juge vérifie
notamment qu'elle ne méconnaît pas des
règles d'ordre public. Or une transaction faisant
revivre les effets d'un contrat annulé par le juge ou
résolu par les parties méconnaît une
règle d'ordre public, a fortiori lorsque cette
résolution fait suite à un
déféré préfectoral pour
méconnaissance des règles de publicité et de
mise en concurrence. Sur les conséquences de
l'illégalité du protocole transactionnel, la CAA
a jugé que la gravité du vice entachant la
transaction justifiait l'annulation sans effet
différé du protocole d'accord dans la mesure
où il ne résultait pas de l'instruction
qu'une telle annulation constituait une atteinte excessive
à l'intérêt général ou aux
droits des contractants (CAA Versailles, 26 novembre 2015,
Commune de Corbeil-Essones,
n°14VE02778-14VE02781).
Loyauté des relations contractuelles et exécution du
marché. L'office public de l'habitat (OPH) de la
Haute-Garonne, avait conclu en 1999 avec la société
CIS un contrat de "location, maintenance et relevés de
compteur de gaz avec facturation - encaissement des charges de gaz
sans prise en charge des impayés" et il a pris la
décision de le résilier en 2005. La
société CIS avait alors demandé au TA de
Toulouse le paiement, par l'OPH, des impayés
avancés par la société durant les sept
années de relations contractuelles. Le TA ayant
rejeté sa demande, la société a relevé
appel du jugement. La CAA a rappelé que lorsque les parties
soumettent au juge un litige relatif à
l'exécution du contrat qui les lie, il incombe en
principe à celui-ci, eu égard à l'exigence
de loyauté des relations contractuelles, de faire
application du contrat. Toutefois, dans le cas seulement où
il constate une irrégularité invoquée par une
partie ou relevée d'office par lui, tenant au
caractère illicite du contenu du contrat ou à un vice
d'une particulière gravité relatif notamment aux
conditions dans lesquelles les parties ont donné leur
consentement, il doit écarter le contrat et ne peut
régler le litige sur le terrain contractuel. En
l'espèce, la CAA a jugé que le contrat de 1999 et
ses renouvellements successifs devaient être regardés
comme ayant été conclus au terme d'une
procédure irrégulière car ils auraient
dû être précédés d'une
procédure du publicité et de mise en concurrence.
Cependant elle a considéré que ce seul vice ne
saurait être regardé, eu égard à
l'exigence de loyauté des relations contractuelles,
comme d'une gravité telle qu'il s'opposerait
à ce que le litige né de leur exécution soit
réglé sur le terrain contractuel, dès lors que
la société requérante était à
l'origine des contrats en cause et que l'OPH n'en avait
pas contesté l'exécution. Toutefois,
s'agissant de la prise en charge des impayés, la CAA a
relevé que compte-tenu du non respect de ses obligations
contractuelles par la société requérante,
l'OPH n'avait commis aucune faute de nature à
engager sa responsabilité contractuelle (CAA Bordeaux, 23
novembre 2015, Société CIS, n°12BX01180).
- GOUVERNEMENT
Concessions. La DAJ a publié le 30 novembre la synthèse de la consultation ouverte surles projets d'ordonnance et de décret relatifs aux contrats de concessions établi sur la base des 70 contributions reçues. Elle confirme notamment le maintien de la loi Sapin pour les contrats ayant un prix inférieur au seuil européen et pour certains secteurs comme l'eau ou les transports collectifs.
PRATIQUE
- L'ENTREPRISE EN DIFFICULTÉ TITULAIRE D'UN MARCHÉ PUBLIC
Le placement d'une entreprise titulaire d'un
marché public dans une procédure destinée aux
entreprises en difficultés est possible et ne peut pas
être écarté a priori par le contrat. En effet,
une clause qui prévoirait la résiliation automatique
du contrat pour cette raison serait nulle. Cependant, une telle
situation emporte certaines conséquences qui varient selon
la position dans laquelle se trouve le titulaire. Il existe
plusieurs situations identifiables d'entreprises en
difficulté. L'entreprise peut d'abord se trouver en
procédure de sauvegarde (articles L.620-1 et suivants du
code de commerce) destinée à faciliter la
réorganisation d'une entreprise qui justifie de
difficultés insurmontables bien qu'elle ne soit pas en
cessation de paiement, afin de permettre la poursuite de
l'activité, le maintien de l'emploi, etc. Elle peut
également se trouver en procédure de redressement
judiciaire, définie aux articles L.631-1 et suivant du code
de commerce et ouverte à tout débiteur qui est en
cessation de paiement. Dans ces deux premier cas, la personne
publique peut interroger l'administrateur judiciaire sur la
poursuite du contrat par une mise en demeure. S'il ne
répond pas dans un délai d'un mois, le
marché est résilié de plein droit.
L'entreprise peut ensuite être placée en
liquidation judiciaire (L.640-1 et suivants du code de commerce),
procédure destinée à mettre fin à son
activité. L'entreprise ne remplit plus ses obligations
et en informe la personne publique contractante. Cette
dernière met alors en demeure le liquidateur pour qu'il
se prononce sur la poursuite du contrat. Elle pourra
résilier de plein droit le contrat en cas d'absence de
réponse au bout d'un mois ou si le liquidateur confirme
que l'entreprise n'est plus en mesure d'exécuter
les prestations du marché (sauf si la liquidation judiciaire
s'accompagne d'une période de maintien de
l'activité puisque le liquidateur judiciaire peut alors
exiger la poursuite du contrat).
Enfin, il est possible que, dans le cas d'entrepreneurs
individuels dont l'actif est inférieur à un
certain seuil, l'entreprise soit en procédure de
rétablissement professionnel afin de permettre un effacement
de dettes. Cette procédure est, contrairement aux
précédentes, sans incidence sur la poursuite des
contrats. Elise Mommessin.
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