Où la Commission des sanctions rappelle une fois de plus que le distributeur est autant responsable que le producteur de la documentation précontractuelle
(Commission des sanctions AMF, 11 avril 2018)
Personne morale condamnée à une sanction
pécuniaire de 300.000 euros
Co-gérants personnes physiques condamnés à
une sanction pécuniaire de 1000.000 euros, et 30.000
euros
Les décisions de la Commission des sanctions rendues
à l'égard des CIF sont toujours très
attendues par la place, pour la simple raison qu'elles sont
rares : moins d'une dizaine de décisions concernent
ces professionnels.
Cette décision était doublement attendue,
puisqu'elle s'inscrit dans un contexte particulier
lié au produit qui était commercialisé
par le CIF mis en cause.
Que retenir de cette décision ?
Tout d'abord, qu'il est illusoire de chercher à s'exonérer de la compétence de la Commission des sanctions en prétendant exercer une simple activité de « gestion de patrimoine » et non une activité de CIF. La Commission des sanctions fait ici application de sa jurisprudence (Sanct. AMF, 7 juin 2016, Global Patrimoine Investissement, Kalys Investissements et autres ; Sanct. AMF du 9 juillet 2015, Hérios Finance et M. Stéphane Benhamou ; Sanct. AMF 12 octobre 2016, Atypik Patrimoine ; Sanct. AMF 7 juin 2016, Legendre Patrimoine). Elle rappelle une fois de plus, en le disant moins clairement que dans ses précédentes décisions, que l'inscription à l'ORIAS fait présumer l'exercice des activités en qualité de CIF. Elle se réfère par ailleurs à la méthode du faisceau d'indices qu'elle a déjà utilisée (Sanct. AMF 12 octobre 2016, Atypik Patrimoine), en relevant que les conventions de placement faisaient référence au statut de CIF. Du reste, des courriels envoyés aux clients matérialisaient des « recommandations personnalisées » qui caractérisent l'activité de CIF. Peu importe que le CGP indique, à la manière de Magritte, ceci n'est pas un « conseil en investissement ».
En tout état de cause, comme l'a jugé la
Commission des sanctions, si ce n'est un service de CIF, cela
reste donc un service de « conseil en gestion de
patrimoine », qui demeure de la compétence de la
Commission des sanctions (décision Hérios Finance
précitée).
On ne saurait donc que « conseiller » aux
CIF mis en cause de ne plus utiliser cet argument, rejeté
pour la 5ème fois consécutive.
Ensuite, que la Commission des sanctions est
encore contrainte de rappeler que le document d'entrée
en relation doit être remis systématiquement au
client. Il est étonnant de constater, décision
après décision, que cette obligation doive encore
être rappelée par la Commission des sanctions. Ce
même constat peut être fait pour le rapport
écrit de conseil qui ne figurait pas toujours dans les
dossiers sondés par la mission de contrôle. Il
n'est pas utile de s'attarder sur ce grief qui était
notifié aux établissements mis en cause, tant il
relève de l'évidence. Tout au plus
précisera-t-on que de simples comptes rendus
d'échanges ne suffisent pas à faire office de
lettre de mission, dont du reste le modèle type est fourni
par les associations professionnelles.
Plus inhabituelle est l'analyse de la Commission des
sanctions sur la fourniture de recommandations non adaptées
à la situation des clients. C'est
l'une des premières fois – si ce n'est
la première à notre connaissance – que la
Commission se prononce sur cette question. On le sait, le juge
judiciaire, lorsqu'il est saisi de cette problématique,
ne met pas, en général (pour une application
toutefois plus stricte de ce principe, Cass., com, 23 sept. 2014,
n° 13-22.763), à la charge du CIF une obligation de
résultat et n'engage la responsabilité civile du
professionnel que lorsque le conseil était manifestement
inadapté à la situation du client. En
l'occurrence, la Commission des sanctions semble s'inscrire
dans cette jurisprudence et considère que les clients
avaient accepté une part de risque et qu'ils en avaient
été informés. Il est toutefois permis de se
demander ici si la Commission des sanctions ne confond pas
obligation de mise en garde, c'est-à-dire avertir les
clients des risques auxquels ils s'exposent, de
l'obligation de fournir un conseil adapté à
l'issue du test d'adéquation, ce qui est une toute
autre chose. Mais il est vrai que le débat était en
l'occurrence perturbé par le fait que la mission de
contrôle n'avait pas pu identifier le poids réel
de l'investissement recommandé au regard de la situation
patrimoniale globale des clients. C'est regrettable tant
l'analyse de la Commission des sanctions est attendue sur cette
question.
Par ailleurs, la Commission des sanctions a
statué sur la perception d'inducements par le
CIF sous l'angle des conflits d'intérêts. Il
faut noter ici un paradoxe : la réglementation relative
aux inducements est – et de loin – le sujet
principal de préoccupation des CIF et les sanctions rendues
sur ce point sont extrêmement rares et souvent
décevantes, puisqu'elles statuent sur la simple
obligation de révélation des inducements au
client, qui ne pose aucune difficulté d'application
(à titre d'illustration, Sanct. AMF, 4 déc. 2013,
Société X). En revanche, aucune décision
n'a été rendue sur la condition
d'éligibilité des inducements
posée par la Position AMF 213-10 et précisée
désormais par la directive déléguée de
MIF II, à savoir la condition d'amélioration du
service rendu au client.
Malheureusement, cette décision ne comblera pas les
attentes de la place, puisque la Commission des sanctions se
contente d'une part, de rappeler la règle posée
par la position AMF précitée qui impose de mentionner
ces inducements au sein du registre des conflits
d'intérêts (lequel complète le registre des
inducements qui doit également être mis en
place) et d'autre part, de sanctionner le défaut
d'information du client. Deux règles formelles qui ne
posent guère de difficulté d'application.
Enfin, la Commission des sanctions rappelle une
règle très importante : le CIF est autant
responsable de l'information précontractuelle que ne
l'est le producteur. Cela avait déjà
été jugé dans la décision Hérios
Finance et la Commission le rappelle :
« La circonstance, à la supposer
établie, que CPF se soit bornée à relayer
l'information transmise par [le producteur],
seul rédacteur des plaquettes commerciales, est
indifférente à la caractérisation du grief
dès lors que l'obligation
[d'information exacte, claire et non trompeuse]
s'applique à toutes les informations
adressées par un CIF sans distinction, que celui-ci en soit
ou non l'auteur ».
Dès lors, de deux choses l'une : soit le CIF ne
relaye pas les plaquettes qu'il devra avoir analysées au
préalable car il ne les juge pas conformes, soit il les
complète par des avertissements et mises en garde
adressés à ses clients.
Elément intéressant, c'est la première fois que la Commission fait application de l'obligation professionnelle applicable à toute personne contrôlée, notamment un CIF, d'apporter son concours avec diligence et loyauté à la mission de contrôle de l'AMF, laquelle avait donné lieu à des réserves (pour ne pas dire plus) de la doctrine (S. Tork, Droit des sociétés n° 6, juin 2013, repère 6, « Même pas peur ! »). En l'occurrence les réponses apportées par le CIF à la mission de contrôle avaient varié, trop manifestement pour que la Commission y voit la loyauté à l'égard de la mission de contrôle. Les praticiens de la matière disciplinaire savent déjà que nul besoin de ce manquement pour connaître l'effet dévastateur de réponses contradictoires ou incohérentes sur les circonstances du contrôle et la mansuétude des contrôleurs.
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