Le droit de la preuve a connu en France une évolution récente significative, susceptible d'apparaitre également devant les juridictions monégasques et qui impose aux acteurs des entreprises, employeurs comme salariés, d'adapter leur comportement.
La position classique des juridictions françaises consistait jusqu'à présent à rejeter des débats tout élément de preuve collecté de manière déloyale. Ainsi, un salarié comme son employeur, ne pouvait valablement se prévaloir, de l'enregistrement illicite d'une conversation téléphonique ou encore d'un entretien préalable, dans le cadre d'un contentieux.
Ce principe de loyauté de la preuve, faisant obstacle à ce genre de pratiques, a pourtant reçu un coup d'arrêt à travers plusieurs décisions de la haute juridiction française, rendues au visa de l'article 6 de la convention européenne des droits de l'homme, convention également ratifiée et applicable en Principauté.
La série de décisions publiées par la Cour depuis cet arrêt interroge quant à la prudence qu'il conviendra d'adopter dans les rapports entre salariés et employeurs.
A la lecture de ces arrêts, pourraient être jugés admissibles un enregistrement clandestin réalisé à l'occasion d'entretiens, ou encore des images de vidéosurveillances, alors même que le dispositif n'aurait pas été mis en place par l'employeur de manière licite...
Naturellement, cette nouvelle jurisprudence fixe des limites, parmi lesquelles la nécessité de démontrer que la production de l'élément est indispensable au succès de la demande et que l'atteinte que constitue cette production est proportionnée.
Ainsi, une décision récente a considéré irrecevable l'enregistrement illicite d'un délégué du personnel par un salarié, dès lors que les autres éléments versés au débat permettaient déjà de faire présumer l'existence du harcèlement qui était allégué.
De la même manière, lorsqu'a été admise la production d'image de vidéosurveillances non valablement installées par l'employeur, la juridiction a apprécié la proportionnalité de l'atteinte au regard des faits de l'espèce, en l'occurrence notamment en analysant le contexte de disparition de stocks, et le fait que des recherches infructueuses avaient été menées en amont.
A ce jour, les décisions monégasques publiées, ne révèlent pas de manifestations claires d'un renouvellement de ce « droit à la preuve », à l'exception peut-être d'une décision rendue par le Tribunal du travail du 6 février 2024 ayant admis la production d'un élément notamment en raison de ce qu'il était « nécessaire à la défense de ses intérêts », critère proche, bien que moins exigeant que celui visé par la Cour de cassation, qui évoque une production « indispensable ».
Toutefois, dans cette décision, l'admission de la preuve avait également été motivée par l'absence de démonstration par l'employeur, de ce que ce document lui appartenant avait été obtenu par le salarié de manière illicite. La portée de cette décision doit donc être nuancée, dès lors qu'il n'était pas établi, comme c'était le cas dans les décisions françaises évoquées ci-dessus, que la preuve avait effectivement été acquise de manière déloyale.
Mais elle laisse présager que les juridictions monégasques et à tout le moins, le Tribunal du travail ne sera pas insensible à cette évolution.
Une fois le garde-fou procédural de la déloyauté levé, il faudra être bien optimiste quant à la probité de son prochain, pour ne pas suspecter qu'il est en train de vous enregistrer, à l'occasion d'un entretien annuel ou encore d'un entretien préalable à licenciement... Au point qu'il en deviendra bientôt difficile de soutenir que l'on ignorait être enregistré à de telles occasions.
Il faudra compter sur une application exigeante par les juridictions du contrôle de proportionnalité, afin que l'admissibilité ne soit admise qu'en présence de demandes représentant des enjeux conséquents et pour lesquelles aucun autre moyen de preuve ne pourrait être considéré.
Il faudra aussi s'attendre à ce que les captations
illicites de l'image ou de la voix d'un collaborateur ou
supérieur hiérarchique, soient portées devant
les juridictions pénales, dont l'attitude pourra
conditionner à l'avenir le risque que se répande
ce type de comportement, étant
précisé qu'en France, certaines décisions
ont retenu que l'exercice des droits de la défense,
constituait un fait justificatif faisant obstacle au
prononcé d'une sanction pénale. Ce fut le cas
d'un salarié ayant produit, au préjudice de son
ancien employeur, des éléments en violation du secret
des correspondances et, qui échappa donc au prononcé
d'une sanction pénale.
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