Dans un jugement rendu le 4 août 2025, la Cour supérieure du Québec a annulé l'inscription d'une entreprise au Registre des entreprises non admissibles aux contrats publics (« RENA ») et a ordonné que le dossier soit retourné à l'Autorité des marchés publics (« AMP ») pour un nouvel examen des mesures correctrices prévues à la Loi sur les contrats des organismes publics1 (« LCOP »).
Le jugement de la Cour supérieure, rendu par l'Honorable Manon Lavoie, j.c.s., vient ainsi confirmer que l'imposition par l'AMP de mesures correctrices à une entreprise qui ne rencontre par les critères d'intégrité doit être la norme afin de favoriser la réhabilitation, et que ce n'est qu'exceptionnellement que l'AMP peut déroger à ce principe.
Contexte de l'affaire
Le pourvoi en contrôle judiciaire déposé par l'entreprise demanderesse faisait suite à une décision de l'AMP lui refusant l'autorisation de contracter ou de sous-contracter avec un organisme public et ordonnant son inscription au RENA pour une période de cinq ans. L'AMP estimait que l'entreprise ne remplissait pas les exigences d'intégrité requises par la LCOP pour deux motifs : (i) l'entreprise niait l'implication d'un individu à titre de dirigeant, alors que l'AMP considérait que cette personne occupait ce rôle, et (ii) l'AMP reprochait à l'entreprise d'avoir conclu, sans autorisation préalable, un sous-contrat public de construction dont la valeur dépassait le seuil réglementaire établi par la LCOP et de l'avoir camouflé à l'AMP.
Malgré les mesures correctrices proposées par l'entreprise – qui avait même mandaté une firme externe indépendante pour soumettre un plan – l'AMP avait conclu qu'aucune mesure correctrice ne permettrait à l'entreprise de satisfaire aux exigences d'intégrité, ce qui justifiait selon elle l'inscription de l'entreprise au RENA et une impossibilité de conclure des contrats publics pour une période de 5 ans.
Points saillants du jugement de la Cour supérieure
Bien qu'elle reconnaisse la large discrétion de l'AMP en matière d'intégrité, compte tenu de sa vaste expertise dans ce domaine, la Cour rappelle néanmoins que cette discrétion doit s'exercer à l'intérieur du cadre normatif prévu par la LCOP et dans le respect des règles d'équité procédurale.
La Cour souligne l'emploi du terme « doit » à l'article 21.48.4 de la LCOP et conclut que le législateur a voulu obliger l'AMP à considérer des mesures correctrices. Dans le présent dossier, même si l'AMP pouvait raisonnablement conclure à un manquement de la part de l'entreprise demanderesse aux exigences d'intégrité, elle ne pouvait pour autant refuser d'envisager des mesures correctrices.
La Cour précise aussi que l'AMP, en tant qu'autorité administrative, doit respecter les obligations procédurales prévues à l'article 5 de la Loi sur la justice administrative2. L'AMP doit donner l'occasion à l'entreprise de faire des représentations en l'informant à l'avance si elle juge non recevables toutes mesures correctrices pouvant être imposées en vertu de la LCOP.
Pour ces motifs, la Cour a retourné le dossier à l'AMP, en lui ordonnant de procéder à un nouvel examen individualisé des mesures correctrices possibles. Ce nouvel avis devra justifier de façon intelligible les raisons pour lesquelles, le cas échéant, l'AMP considère qu'aucune mesure correctrice ne peut être mise en place et référer au cadre juridique applicable.
L'AMP a toutefois porté ce jugement en appel. Il sera intéressant de suivre l'évolution de ce dossier.
Footnotes
1 RLRQ c C-65.1.
2 RLRQ c J-3.
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