ARTICLE
19 August 2025

Revue trimestrielle des causes en appel (juillet 2025) — Points d'intérêt

MT
McCarthy Tétrault LLP

Contributor

McCarthy Tétrault LLP provides a broad range of legal services, advising on large and complex assignments for Canadian and international interests. The firm has substantial presence in Canada’s major commercial centres and in New York City, US and London, UK.
Le 23 juillet 2025, le groupe national de Litiges en appel de McCarthy Tétrault a organisé son troisième webinaire trimestriel de l'année sur les dossiers en appel...
Canada Litigation, Mediation & Arbitration

Le 23 juillet 2025, le groupe national de Litiges en appel de McCarthy Tétrault a organisé son troisième webinaire trimestriel de l'année sur les dossiers en appel, présentant six arrêts récents susceptibles d'avoir un impact sur les milieux juridiques et d'affaires de l'ensemble du Canada. Kara Smyth, Kosta Kalogiros, Sajeda Hedaraly, Patrick Williams et Brandon Kain ont discuté de ces développements jurisprudentiels et des tendances à surveiller pour chaque région.

Les dommages-intérêts sont présumés en cas d'atteinte à la vie privée (Colombie-Britannique)

Dans l'arrêt Insurance Corporation of British Columbia v. Ari2025 BCCA 131, la Cour d'appel de la Colombie-Britannique a confirmé l'octroi de dommages-intérêts pour atteinte à la vie privée sans qu'il soit nécessaire de prouver l'existence d'un préjudice.

Un employé de l'ICBC a vendu des renseignements privés sur des assurés à des criminels. Certains assurés ont été la cible d'incendies criminels et de fusillades. Ils ont intenté une action collective contre l'ICBC. Le tribunal de première instance a estimé que l'employé avait enfreint l'article 1 de la Privacy Act de la Colombie-Britannique et que l'ICBC était responsable du fait d'autrui pour le fait d'avoir créé « [traduction] un risque prévisible d'actes répréhensibles ». La Cour a accordé 25 000 $ en dommages-intérêts à chaque membre du groupe. L'ICBC a fait appel du jugement accordant des dommages-intérêts, soutenant que seuls des dommages-intérêts nominaux pouvaient être accordés en l'absence de preuve d'un préjudice spécifique. La Cour d'appel a rejeté ce raisonnement. Elle a déclaré que lorsque la violation est grave, délibérée et à des fins inappropriées, des dommages-intérêts plus élevés que des montants nominaux peuvent être nécessaires pour compenser le préjudice intrinsèque découlant de l'atteinte aux droits à la vie privée du plaignant1.

Points d'intérêt

  • Les organisations peuvent être tenues responsables du fait d'autrui pour les actes intentionnels de leurs employés portant atteinte aux droit à la vie privée, même lorsque ces actes ne sont pas précisément prévisibles;
  • une atteinte à la vie privée intentionnelle (ou imprudente) constitue un préjudice indépendant et peut donner lieu à des dommages-intérêts plus importants que des dommages-intérêts nominaux.

Les organismes de réglementation doivent faire preuve de prudence dans l'exercice de leurs pouvoirs d'enquête (Colombie-Britannique)

Dans l'affaire Lamarche v. British Columbia (Securities Commission)2025 BCCA 146, la Commission des valeurs mobilières de la Colombie-Britannique a exigé la production des courriels de M. Lamarche sur une période de trois ans dans le cadre d'une enquête portant sur des opérations effectuées par une personne non inscrite auprès de la Commission. M. Lamarche a intenté une action contre la Commission, alléguant qu'elle n'avait pas pris de mesures pour protéger les renseignements relatifs au secret professionnel de l'avocat et réclamant des dommages-intérêts en vertu du Privacy Act (C.-B.). La Cour a rejeté la demande de M. Lamarche concernant l'atteinte à la vie privée en se fondant sur l'immunité prévue à l'article 170(1) du Securities Act (C.-B.).

En appel, M. Lamarche a contesté l'immunité invoquée par la Commission. La Cour d'appel a estimé que la réclamation fondée sur l'atteinte à la vie privée n'était pas vouée à l'échec, suggérant que l'absence d'un protocole de protection pouvait témoigner d'un mépris inconsidéré à l'égard des normes juridiques pertinentes et de l'importance du secret professionnel de l'avocat2.

Points d'intérêt

  • La Commission doit exercer ses pouvoirs d'enquête avec prudence, sous peine de s'exposer à des poursuites civiles.
  • La Commission devrait mettre en œuvre un protocole efficace pour protéger les communications sous le sceau du secret professionnel.
  • Le protocole minimal efficace exige de la Commission qu'elle :
    • mette sous scellé les documents à examiner,
    • avise le titulaire du droit au secret professionnel de l'avocat;
    • présente une demande d'évaluation de la réclamation fondée sur le secret professionnel de l'avocat.
  • Ces obligations s'étendent probablement à d'autres organismes de réglementation dotés de larges pouvoirs d'enquête.

Le sens courant et ordinaire des mots demeure primordiale et les dommages-intérêts pour diffamation visant une société doivent être prouvés de manière crédible (Ontario)

Dans l'arrêt James Bay Resources Limited v. Mak Mera Nigeria Limited2025 ONCA 448, la Cour d'appel de l'Ontario a considérablement réduit le montant des dommages-intérêts accordés pour diffamation et rupture de contrat.

James Bay, une société ontarienne, s'est associée à Mak Mera, une société nigériane, pour saisir des opportunités liées à des ressources pétrolières et gazières au Nigéria. Les parties ont conclu deux contrats prévoyant la rémunération des services rendus par Mak Mera. Les deux contrats prévoyaient le paiement d'une somme d'argent pour services rendus et l'émission d'actions à l'acquisition d'actifs pétroliers et gaziers locaux. Des services ont été rendus et des paiements ont été effectués dans le cadre du premier contrat, mais aucune action n'a été émise, car aucun actif n'a été acquis. Le deuxième contrat a été conclu par la suite. Il indiquait qu'il remplaçait le premier contrat et, contrairement à ce dernier, prévoyait que le paiement d'une somme d'argent serait effectué « en même temps » (at the same time) qu'une émission d'actions (laquelle était subordonnée à l'acquisition d'actifs). James Bay a versé 405 000 $ US à Mak Mera pendant la durée des deux contrats, mais aucune action n'a été remise à Mak Mera, car les acquisitions d'actifs n'ont jamais eu lieu. Les parties se sont vivement disputées au sujet d'une opportunité visant des ressources pétrolières et gazières liées à Shell, ce qui a incité Mak Mera à envoyer des lettres de plainte au ministère des Ressources pétrolières du Nigéria (qui approuve tous les contrats visant des ressources pétrolières et gazières). En conséquence, James Bay n'a pas pu obtenir de participation dans le contrat de Shell.

James Bay a poursuivi Mak Mera pour rupture de contrat et diffamation. Le juge de première instance a ordonné à Mak Mera de restituer la somme de 405 000 $ US qui lui avait été payée, et a accordé à James Bay 200 000 $ en dommages et intérêts pour la lettre à caractère diffamatoire. La Cour d'appel a infirmé les deux conclusions. En ce qui concerne la rupture de contrat, la Cour a estimé que le juge de première instance avait mal interprété les contrats et avait laissé le contexte l'emporter sur le sens courant et ordinaire des mots des contrats. Les paiements ont été obtenus en échange de services rendus et n'étaient pas subordonnés à l'acquisition d'actifs. Ainsi, le juge de première instance avait à toutes fins pratiques réécrit les contrats en ordonnant le remboursement des sommes versées. En ce qui concerne la diffamation, la Cour a estimé que les dommages-intérêts accordés étaient démesurément élevés et n'étaient pas étayés par une preuve d'une atteinte à la réputation ou d'une perte économique. La Cour a souligné les différents facteurs pertinents dans les affaires de diffamation visant des sociétés et celles visant des particuliers. James Bay n'avait droit qu'à des dommages-intérêts nominaux (1 000 $).

Points d'intérêt

  • Le contexte ne doit pas l'emporter sur le sens courant et ordinaire des contrats. Si une transaction présente des caractéristiques uniques, elles doivent être clairement exprimées.
  • Une entreprise lésée par une campagne de diffamation recevra des dommages-intérêts élevés seulement si elle présente une preuve claire et convaincante (et non seulement anecdotique) que la diffamation a été généralisée et a eu un impact. Inversement, dans certaines circonstances, des excuses sans délai ou une rétractation de la part d'un défendeur peuvent servir à réduire le montant des dommages.

Le fardeau à remplir pour suspendre une loi est élevé et les jugements d'un juge d'appel peuvent être révisées dans trois situations seulement (Québec)

Dans l'arrêt Procureur général du Québec c. Gaspé Énergies inc.2025 QCCA 629, la Cour d'appel du Québecs'est penchée sur la Loi mettant fin à la recherche d'hydrocarbures ou de réservoirs souterrains, à la production d'hydrocarbures et à l'exploitation de la saumure (la « Loi »).La Loi interdit l'exploration pétrolière et la production de pétrole et de saumure au Québec, en révoquant tous les permis actifs. Des entreprises de l'industrie des hydrocarbures ont contesté la constitutionnalité de la Loietont demandé à la Cour supérieure de suspendre certaines de ses dispositions dans l'attente d'un jugement définitif sur le fond du litige. La Cour supérieure a accordé la suspension.

La Cour d'appel a expliqué que le gouvernement bénéficie d'une présomption selon laquelle la loi est adoptée pour le bien public. Il incombe à la partie qui demande la suspension de la loi de réfuter cette présomption et, à moins qu'elle ne le fasse, le gouvernement n'aura pas besoin d'établir autrement que la suspension entraînera un préjudice réel à l'intérêt public.

La Cour d'appel a également précisé une question procédurale importante, expliquant qu'elle peut réviser un jugement rendu par un juge sur une demande de permission d'appeler dans les 3 cas suivants :

  • lorsque le droit d'appel n'existe pas;
  • lorsque le juge n'est pas compétent pour accorder une permission d'appeler;
  • lorsque le juge rejette une demande de permission d'appeler alors que l'appel est de plein droit.

Contrairement à l'un de ses arrêts rendus en 2012 la Cour a estimé que l'évaluation des critères énoncés à l'article 31 du Code de procédure civile pour décider d'accorder ou non la permission d'appeler ne soulevait pas de question de compétence.

Les entreprises ont déposé une demande d'autorisation d'appel devant la Cour suprême du Canada.

Le premier ministre et le ministre de la justice ne peuvent être contraints de nommer des juges (fédéral)

Dans l'arrêt Canada (Premier ministre) c. Hameed2025 CAF 118, la Cour d'appel fédérale a souligné l'importance de maintenir un respect et une déférence réciproques entre les ordres de gouvernement. En mai 2023, le juge en chef Wagner a écrit au premier ministre Trudeau pour lui faire part de sa « très grande inquiétude » concernant le retard pris par le gouvernement pour pourvoir les postes vacants de juges de cours fédérales. Peu après, Yavar Hameed a intenté une action contre le premier ministre et le ministre de la justice. La Cour fédérale a estimé que la situation des vacances judiciaires était « intenable » et entraînait des retards au sein du système judiciaire, et a reconnu l'existence d'une convention constitutionnelle obligeant le premier ministre et le ministre de la justice à pourvoir les postes vacants dans un délai raisonnable.

Au moment de l'audience en appel, les postes vacants étaient passés de 79 à 15. La Cour d'appel a estimé que l'appel n'était pas sans objet — l'existence d'une obligation était toujours en litige. La Cour a accueilli l'appel sur la base de l'absence de compétence de la Cour fédérale. La Cour fédérale ne serait compétente que si le premier ministre et le ministre de la justice « étaient habilités à prodiguer des conseils en matière de nomination judiciaire par une loi fédérale ou par une ordonnance prise en vertu d'une prérogative royale3 ». Or, ils n'avaient pas de tels pouvoirs. En outre, la Cour a confirmé que les tribunaux peuvent reconnaître les conventions constitutionnelles, mais ne peuvent pas en forcer l'exécution. La Cour fédérale n'a pas appliqué le test applicable pour la reconnaissance de l'existence de nouvelles conventions constitutionnelles.

Le CRTC ne peut pas accorder aux entreprises de télécommunications l'accès aux lieux publics pour l'installation d'antennes petite cellule 5G (Cour suprême du Canada)

L'arrêt de la Cour suprême du Canada dans l'affaire Telus Communications Inc. c. Fédération canadienne des municipalités,2025 CSC 15, a d'importantes conséquences sur le déploiement national des réseaux 5G dans l'ensemble du pays.

Le Parlement a accordé aux entreprises de télécommunications un droit limité d'accès aux lieux publics en vertu de l'article 43 de la Loi sur les télécommunications (la « Loi »). Elle permet au CRTC d'autoriser la construction d'une « ligne de transmission » sur une autoroute ou dans un autre lieu public si la municipalité responsable ou une autre autorité publique refuse d'accorder aux transporteurs l'autorisation de le faire. Le régime s'applique traditionnellement à l'infrastructure de réseaux « filaires », plutôt que « sans fil », bien que le terme « ligne de transmission » ne soit pas défini dans la Loi. En 2021, le CRTC avait estimé que le régime d'accès ne s'appliquait pas aux antennes petite cellule 5G, car une « ligne de transmission » ne pouvait pas être interprétée comme englobant l'infrastructure sans fil. L'interprétation du CRTC a été confirmée par la Cour d'appel fédérale et la Cour suprême.

La majorité des juges de la Cour a estimé que le texte, le contexte et l'objectif de l'article 43 indiquaient que le Parlement n'avait pas l'intention d'appliquer le régime d'accès à l'infrastructure sans fil telle que les antennes petite cellule 5G. Dans son analyse, la majorité a confirmé que les tribunaux doivent tenir compte de l'intention du législateur à la date de l'édiction d'une loi. Mais cela n'empêche pas les tribunaux d'appliquer les lois à des circonstances nouvelles ou en évolution, y compris les nouvelles technologies, si le législateur l'a voulu en employant des mots généraux ou ayant une acception large dans la loi. Ce critère n'était pas rempli en ce qui concerne le terme « ligne de transmission » de l'article 43 de la Loi sur les télécommunications, étant donné qu'un certain nombre de caractéristiques de la Loi suggèrent que le Parlement voulait que ce terme soit limité à l'infrastructure filaire.

Points d'intérêt

  • En interprétant une loi, les tribunaux peuvent interpréter des termes généraux de manière dynamique, de sorte qu'ils peuvent être étendus à de nouvelles questions. La question de savoir si une loi doit être interprétée de cette manière dépend du texte, du contexte et de l'objectif de la législation.
  • Les entreprises de télécommunications qui souhaitent installer des antennes petite cellule 5G dans des lieux publics ne peuvent pas demander l'accès à ces lieux au CRTC. Elles doivent plutôt amorcer des négociations de bonne foi avec l'autorité publique responsable. Toutefois, le Parlement pourrait modifier la Loi sur les télécommunications pour donner un tel pouvoir au CRTC.

Footnotes

1. Insurance Corporation of British Columbia v. Ari2025 BCCA 131, au par. 60.

2. Lamarche v. British Columbia (Securities Commission)2025 BCCA 146, au par. 55.

3. Canada (Premier ministre) c. Hameed2025 CAF 118, au par. 38.

To view the original article click here

The content of this article is intended to provide a general guide to the subject matter. Specialist advice should be sought about your specific circumstances.

Mondaq uses cookies on this website. By using our website you agree to our use of cookies as set out in our Privacy Policy.

Learn More