Résumé
Dans sa décision récente Bank of Montreal v The King1, la Cour canadienne de l'impôt a refusé que des intérêts payables aux autorités fiscales américaines sur une somme d'impôt étranger impayé soient déductibles en vertu de la Loi de l'impôt sur le revenu (la « LIR »)2. Cette décision applique le principe Roenisch3, selon lequel les dépenses occasionnées par le fait d'avoir gagné du revenu ne sont pas des dépenses engagées pour tirer un revenu. La Cour a statué que le fait qu'une dépense soit une conséquence de l'exploitation d'une entreprise ne veut pas dire qu'elle a été engagée en vue d'en tirer un revenu.
Contexte
Au cours des années d'imposition 1997 à 2001, la Banque de Montréal (« BMO ») a exploité une entreprise aux États-Unis par l'intermédiaire d'un établissement stable situé à New York. En raison de ses activités commerciales aux États-Unis, BMO était assujettie à l'impôt sur le revenu fédéral américain quant à ses bénéfices attribuables à son établissement stable aux États-Unis. BMO a payé promptement tous les impôts qu'elle estimait devoir pour les années en question, tel qu'établi selon ses déclarations de revenus produites aux États-Unis .
En 2004, l'Internal Revenue Service (l'« IRS ») a effectué une vérification fiscale de la succursale américaine de BMO pour ses années d'imposition 1997 à 2000. De même, en 2006, l'IRS a effectué une vérification similaire cette fois pour son année d'imposition 2001. L'IRS a cotisé BMO pour lui réclamer des sommes supplémentaires au titre de l'impôt sur le revenu fédéral américain, et les intérêts y afférents. BMO a également été cotisée pour des sommes supplémentaires au titre de l'impôt sur le revenu municipal, et intérêts y afférents, de la Ville de New York.
Dans le calcul de son revenu aux fins fiscales canadiennes, BMO a réclamé une déduction pour les intérêts étrangers payables aux autorités fiscales américaines pour ses années d'imposition 2004 et 2006. Le ministre du Revenu national (le « Ministre ») a refusé ces déductions, en se fondant sur l'article 9 et l'alinéa 18(1)a). BMO a interjeté appel de cette décision devant la Cour canadienne de l'impôt au motif que la déduction des intérêts étrangers en 2004 et en 2006 permettait de refléter fidèlement son revenu pour ses années-là, et au motif que le choix de payer le minimum qu'elle croyait dû, tout en acceptant le risque d'avoir à supporter des intérêts, relève d'une décision d'affaires. Rien n'interdit expressément la déduction des intérêts étrangers, d'autant plus que l'impôt étranger sur le revenu d'une entreprise peut lui-même être déductible en vertu de la LIR4.
Décision de la Cour canadienne de l'impôt
La Cour canadienne de l'impôt a confirmé le refus des déductions. La Cour de l'impôt a suivi la décision de la Cour d'appel fédérale dans Potash Corporation of Saskatchewan Inc. v The King[5], qui a elle-même confirmé le principe Roenisch : le paiement de l'impôt sur le revenu n'est généralement6 pas considéré comme étant fait dans le but de tirer ou de produire un revenu, mais constitue plutôt une conséquence du processus de création de revenu. Tel que le soulignait le Ministre dans ses représentations, les intérêts en cause sont « [traduction] une dépense faite après coup »7. Ainsi, tout comme l'impôt sur le revenu étranger ayant généré les intérêts, les intérêts ne peuvent pas être déduits en vertu de l'alinéa 18(1)a)8.
La Cour de l'impôt a également conclu que l'alinéa 18(1)a) constitue une disposition d'application générale qui peut chevaucher une interdiction de déduction plus spécifique prévue ailleurs dans la LIR. Par exemple, l'alinéa 18(1)t) interdit spécifiquement la déduction de toute somme payée ou à payer en vertu de la LIR9. Dans les circonstances particulières de BMO, le fait que l'alinéa 18(1)t) soit silencieux sur la possibilité de déduire l'impôt étranger et les intérêts y afférents n'empêchait pas que l'alinéa 18(1)a) puisse s'appliquer afin de refuser la déduction d'une dépense considérée comme n'ayant pas été engagée en vue de tirer un revenu.
Points d'intérêt
La décision Banque de Montréal confirme que, à moins d'une autorisation expresse de la LIR, les intérêts étrangers ne sont pas déductibles, même s'il existe par ailleurs des dispositions permettant la déduction d'une partie de l'impôt étranger sous-jacent. Cette décision maintient en quelque sorte la symétrie par rapport à la politique fiscale interne, soit la non-déductibilité des intérêts courus sur une dette fiscale, même si l'interdiction de l'alinéa 18(1)t) ne couvre explicitement que les intérêts courus sur l'impôt canadien.
Footnotes
1. Bank of Montreal v The King,2025 TCC 113 (disponible en anglais seulement) [Banque de Montréal].
2. Loi de l'impôt sur le revenu, SRC 1985, c. 1 (5e suppl.), en sa version modifiée. Tout renvoi à une disposition législative dans les présentes constitue un renvoi à la LIR.
3. Roenisch v Minister of National Revenue, 1930 CarswellNat 26 [Roenisch].
4. Voir les par. 126(2), 20(11), 20(12) et 20(12.1).
5. Potash Corporation of Saskatchewan Inc. v The King, 2024 CAF 35 [Potash].
6. Le report du paiement de l'impôt sur le revenu en souffrance pourrait, dans certaines circonstances, constituer une décision relative à l'entreprise. Les éléments de preuve n'ont pas étayé cette conclusion dans les circonstances de l'affaire. Voir Banque de Montréal, au par. 58.
7. Banque de Montréal, au par. 24.
8. Banque de Montréal, aux par. 60 et 61.
9. Banque de Montréal, au par. 70.
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