Dans une récente décision, The Owners, Strata Plan EPS 677 c. ASPAC Developments Ltd., la Cour suprême de la Colombie-Britannique a précisé les balises encadrant la recevabilité des demandes formulées par des tierces – et même des quatrièmes – parties dans le contexte d'un litige de construction mettant en cause plusieurs parties, et a rappelé l'application des principes de la responsabilité conjointe et individuelle.
Rejet de la faute sur autrui
La plaignante, un syndicat de copropriétaires, a intenté des poursuites contre plusieurs parties fondées sur des allégations de défauts dans la conception, l'aménagement et la construction d'un complexe d'immeubles en copropriété. L'une des parties défenderesses, la société O Inc., a déposé un avis de mise en cause contre la société C Ltd., en vue d'obtenir la part de responsabilité et l'indemnisation prévues par le Negligence Act de la Colombie-Britannique (la « Loi »). La société C Ltd. a ensuite déposé un avis de mise en cause contre la société D Corp. pour obtenir également une part de la responsabilité et une indemnisation en vertu de cette même Loi. De ce fait, la société D. Corp. est devenue une « quatrième partie ». Dans un effort de protection contre toute éventuelle responsabilité, la société D Corp. a demandé au tribunal l'autorisation de déposer son propre avis de mise en cause contre la société O Inc. qui était déjà une partie défenderesse nommée et une tierce partie.
La société D Corp. a qualifié les demandes de la plaignante et de la société C. Ltd. de vagues, imprécises et sans fondement clair quant aux fautes alléguées. Le tribunal a convenu que le recours progressait très lentement et que la société D Corp. demeurait [TRADUCTION] « dans l'incertitude quant à l'étendue de sa responsabilité ». La société D Corp. a soutenu que, compte tenu de ces incertitudes, elle n'avait d'autre choix que d'aller de l'avant avec la demande comme moyen de préserver son recours contre la société O Inc. avant l'expiration du délai de prescription pour le dépôt d'un avis de mise en cause. La société O Inc. a contesté la demande.
Arguments invoqués à l'appui de la demande
Le tribunal devait se prononcer sur la question de savoir si l'avis de mise en cause projetée par la société D Corp. à l'égard de la société O Inc. reposait sur une cause d'action recevable. La société D Corp. a fait valoir que la décision de la déclarer conjointement et individuellement responsable en vertu de la Loi relèverait entièrement du juge de première instance. La société D Corp. s'exposait ainsi au risque de devoir assumer une part des dommages supérieure à sa part réelle de responsabilité. La société O Inc. a soutenu que les craintes exprimées par la société D Corp. étaient dénuées de fondement juridique, puisque cette dernière ne pourrait jamais être contrainte de verser un montant supérieur à sa part proportionnelle établie par le juge de première instance, et ne pourrait donc pas intenter des poursuites contre la société O Inc. à l'égard du partage de responsabilité et de l'indemnisation.
Motifs retenus par le tribunal
Après avoir examiné les articles applicables de la Loi, le tribunal a rappelé que l'article 4-2(a) de la Loi permet à une personne physique ou morale qui a subi des dommages ou des pertes d'engager des recours judiciaires contre plusieurs parties conjointement et individuellement responsables. Ceci signifie que la plaignante peut poursuivre n'importe laquelle de ces parties défenderesses pour obtenir la totalité du montant accordé. L'article 4-2(b) précise que, lorsque plusieurs parties défenderesses sont fautives, chacune ne peut être tenue responsable et être appelée à verser une indemnisation qu'à hauteur de sa part relative de responsabilité. La partie mise en cause pour une part de responsabilité ou d'indemnisation ne peut être tenue responsable qu'individuellement. En d'autres termes [TRADUCTION] « une tierce partie n'est responsable qu'à titre individuel, dans la mesure où elle contribue à la responsabilité conjointe et individuelle imputée à la partie défenderesse ».
Comme la société D Corp. ne figure pas dans la liste des parties défenderesses, elle ne peut être tenue conjointement et individuellement responsable à l'égard de la plaignante. De plus, puisque la société D Corp. ne pouvait être tenue responsable, il n'était pas fondé qu'elle demande une part de responsabilité ni une indemnisation à la société O Inc. Dès lors, le tribunal ne disposait d'aucun fondement juridique pour autoriser la société D Corp. à présenter un avis de mise en cause contre la société O Inc. La société D Corp. a soutenu que le tribunal devrait accorder l'autorisation afin d'éviter une multiplication des procédures. Toutefois, ce dernier a estimé qu'autoriser la société D Corp. à engager des poursuites contre une cinquième partie dans une tentative de recouvrement de sommes impossibles à récupérer ne ferait qu'ajouter à la complexité existante.
Points à retenir
Cet arrêt confirme que seules les parties figurant dans la liste des parties défenderesses – et donc ayant potentiellement une responsabilité conjointe et individuelle envers la plaignante – peuvent demander à d'autres parties de prendre en charge une part de la responsabilité et de l'indemnisation. Une tierce partie ne peut déposer un avis de mise en cause contre une « quatrième partie » que si elle est elle-même tenue à une responsabilité conjointe et individuelle en vertu de la Loi.
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