Quelques propos introductifs

La présente Newsletter de Monfrini Bitton Klein vise à offrir, de manière hebdomadaire, un tour d'horizon de la jurisprudence rendue par le Tribunal fédéral dans les principaux domaines d'activité de l'Etude, soit le droit pénal économique et le recouvrement d'actifs (asset recovery).

Sans prétendre à l'exhaustivité, seront reproduits ci-après les considérants consacrant le raisonnement juridique principal développé par notre Haute juridiction sur les thématiques suivantes : droit de procédure pénale, droit pénal économique, droit international privé, droit de la poursuite et de la faillite, ainsi que le droit de l'entraide internationale.

I. PROCÉDURE PÉNALE

TF 6B_1282/2021 du 7 septembre 2022 | Indemnité – réparation du tort moral (art. 429 al. 1 CPP) lorsque la procédure pénale entraîne un licenciement

  • En décembre 2020, le Ministère public du canton de Schwytz a ouvert une procédure pénale contre A., enseignante, au motif qu'elle n'avait pas porté de masque hygiénique lors d'une manifestation durant laquelle elle était intervenue en tant qu'oratrice. Disposant d'un certificat médical dispensant A. de porter un tel masque, le Ministère public a classé ladite procédure. A. a néanmoins recouru au Tribunal fédéral afin d'obtenir une indemnité pour les dépens occasionnés par la procédure ainsi qu'une réparation pour tort moral.
  • D'une part, le Tribunal fédéral s'est penché sur la conformité au droit fédéral du jugement de l'instance précédente en ce qui concerne le refus de verser une indemnité conformément à l'art. 429 al. 1 let. a CPP. En effet, le conseil scolaire de la commune qui employait la Recourante s'est explicitement référé à la plainte pénale dont elle était l'objet lorsque qu'il l'a informée de son intention de la licencier. En conséquence, la Recourante a été confrontée à la perte potentielle de son emploi. Dès ce moment, la plainte pénale a entraîné des répercussions importantes sur la situation professionnelle de la Recourante, ce qui a justifié l'intervention immédiate d'un représentant juridique pour toute la suite de la procédure, même si aucune complexité particulière n'émanait de l'affaire. Dans ces circonstances, le recours à un défenseur dès la réception de la menace de licenciement est apparu comme un exercice adéquat des droits procéduraux (consid. 4.4.3).
  • Dès lors, selon le Tribunal fédéral, l'instance précédente a violé le droit fédéral en rejetant la demande d'indemnisation pour les frais de la défense librement choisie par la Recourante. Le Tribunal fédéral a ainsi renvoyé la cause à l'instance précédente pour qu'elle examine la question d'une indemnisation de la Recourante (consid.4.5).
  • D'autre part, concernant une réparation morale au sens de l'art. 429 al. 1 let. c CPP, le Tribunal fédéral a constaté que dans la menace de licenciement déjà, le conseil scolaire de la commune avait expressément mentionné la plainte pénale contre la Recourante. Dans la lettre de licenciement un mois plus tard, il a répété qu'il ne tolérerait pas qu'un enseignant ne respecte pas sciemment les prescriptions légales et déclenche ainsi une procédure pénale. Même si d'autres motifs ont été mentionnés par l'établissement scolaire pour licencier la Recourante, il aurait fallu clarifier plus en détail si le licenciement avait effectivement eu lieu uniquement en raison de ces autres motifs, comme le mentionnait l'instance précédente, et si la plainte pénale ou la procédure pénale n'avait effectivement pas été un facteur causal dans la décision de licenciement. L'instance inférieure n'ayant pas suffisamment clarifié les faits déterminants, le Tribunal fédéral lui a renvoyé la cause en lui enjoignant de motiver davantage sa décision en ce qui concerne la causalité naturelle du licenciement prononcé afin de déterminer le bienfondé d'une éventuelle réparation pour tort moral (consid. 5.4.3).

TF 6B_776/2022 du 14 septembre 2022 | Nécessité d'un déni de justice pour recourir contre un prononcé d'annulation et de renvoi (art. 409 CPP)

  • Dans un précédent arrêt (ATF 148 IV 155), le Tribunal fédéral a retenu que le recours selon l'art. 93 al. 1 let. a. LTF contre les ordonnances de renvoi au sens de l'art. 409 CPP n'était pas ouvert, à moins que la partie recourante ne fasse valoir, de manière suffisamment motivée, un déni de justice (consid. 1.5.5).
  • Le cas d'espèce se distinguait des faits à l'origine de l'arrêt précité. Dans ce dernier, le Recourant s'opposait au renvoi à la première instance. In casu, le Recourant demandait précisément un tel renvoi. Le Tribunal fédéral a considéré que cela n'avait toutefois aucune incidence sur la question de l'entrée en matière. Si les décisions de renvoi rendues sur la base de l'art. 409 al. 1 CPP n'entraînent en principe pas de préjudice irréparable, cela vaut d'autant plus pour la situation inverse, dans laquelle aucune décision de renvoi n'a été rendue. Le recours au Tribunal fédéral n'est pas non plus ouvert lorsque l'instance inférieure renonce à un renvoi sur la base de l'art. 409 CPP. Le Tribunal fédéral a certes reconnu qu'un recours contre la décision de rejet de la demande de renvoi n'était pas exclu en soi, mais le Recourant aurait alors dû se plaindre d'un déni de justice avec des motifs suffisants, ce qu'il n'a pas fait (consid. 1.6).
  • Partant, le recours a été rejeté (consid. 2).

TF 1B_601/2021 du 6 septembre 2022 | Restriction d'accès au dossier (art. 108 al. 1 let. b CPP) à la partie plaignante ayant un caractère essentiellement étatique

  • En février 2018, D. SA (Intimée), une compagnie de pétrole vénézuélienne, a porté plainte contre A., B. et C. (Recourants) pour corruption d'agents public étrangers, blanchiment d'argent et soustraction de données. L'Intimée s'était portée partie plaignante.
  • Cet arrêt a pour objet une demande des Recourants tendant à ce que l'accès au dossier soit restreint à l'Intimée – et y compris à ses avocats – au vu de son statut essentiellement étatique et des risques encourus par les Recourants si des éléments du dossier venaient à être connus des autorités étatiques vénézuéliennes.
  • Le Tribunal fédéral a tout d'abord examiné la recevabilité du recours en se penchant plus spécifiquement sur la condition du préjudice irréparable (art. 93 al. 1 let. a LTF). Il a notamment admis que le fait que la société soit détenue entièrement par l'Etat du Venezuela et que cet Etat soit représenté au sein de la société par le Ministre du pétrole figurant sur la liste des personnes faisant l'objet de sanctions en réaction aux violations des droits de l'homme, ainsi qu'aux atteintes à l'État de droit et aux institutions démocratiques commises au Venezuela, suffisait pour admettre le risque d'un préjudice irréparable en cas d'accès inconditionnel au dossier (consid. 2.4).
  • S'agissant de la demande visant à restreindre l'accès au dossier aux avocats de l'Intimée, elle a été refusée car elle empêcherait une défense efficace de l'Intimée (consid. 3.2.2) et qu'aucun élément permettant de justifier une telle mesure n'avait été apporté (consid. 3.5).
  • En ce qui concerne la restriction visant la société elle-même, le Tribunal fédéral a considéré qu'une telle restriction au droit d'être entendu devait être imposée dans le respect des principes applicables en matière d'entraide judiciaire (art. 54 CPP) (consid. 3.2.3).
  • Dans son analyse, notre Haute Cour a indiqué que le classement de la procédure pénale au Venezuela contre les Recourants et l'absence de demande d'entraide adressée à la Suisse seraient d'ordre, en principe, à empêcher une telle restriction et donc maintenir l'accès au dossier (consid. 3.4).
  • Cela étant, le Tribunal fédéral a tout d'abord soulevé qu'il n'était pas exclu que la procédure classée soit rouverte et qu'une demande d'entraide soit, par la suite, adressée à la Suisse. Ensuite, outre ces réflexions hypothétiques, il a également mis en exergue la situation politique particulière régnant au Venezuela (répression des manifestants contre le régime, faible protection des droits humains, etc.) (consid. 3.4).
  • Le Tribunal fédéral est arrivé à la conclusion qu'accorder l'accès intégral au dossier à l'Intimée, société détenue à 100% par l'Etat vénézuélien, permettrait le contournement des règles en matière d'entraide pénale (consid. 3.4). Il a donc décidé d'accorder le droit de consulter le dossier uniquement aux avocats de l'Intimée, ces derniers pouvant l'informer du contenu mais en aucun cas lui transmettre des copies du dossier, sous quelques formes que ce soit (consid. 4).

TF 1B_483/2022 du 28 septembre 2022 | Refus de nomination d'un avocat d'office (art. 132 al. 1 let. b CPP) - rappel des principes

  • Dans cet arrêt, le Tribunal fédéral a rappelé les principes régissant la nomination d'un avocat d'office au sens de l'art. 132 al. 1 let. b CPP.
  • La disposition légale prévoit deux conditions cumulatives à cet effet : le prévenu ne dispose pas des moyens nécessaires et l'assistance d'un défenseur est justifiée pour sauvegarder ses intérêts. S'agissant de la seconde condition, elle s'interprète à l'aune des critères mentionnés à l'art. 132 al. 2 et 3 CPP. Ainsi, les intérêts du prévenu justifient une défense d'office notamment lorsque la cause n'est pas de peu de gravité et qu'elle présente, sur le plan des faits ou du droit, des difficultés que le prévenu ne pourrait pas surmonter seul (art. 132 al. 2 CPP). En tout état de cause, une affaire n'est pas de peu de gravité lorsque le prévenu est passible d'une peine privative de liberté de plus de quatre mois ou d'une peine pécuniaire de plus de 120 jours-amende (art. 132 al. 3 CPP).
  • Si les deux conditions mentionnées à l'art. 132 al. 2 CPP doivent être réunies cumulativement, il n'est pas exclu que l'intervention d'un défenseur soit justifiée par d'autres motifs, en particulier dans les cas où cette mesure est nécessaire pour garantir l'égalité des armes ou parce que l'issue de la procédure pénale a une importance particulière pour le prévenu, par exemple s'il encourt une révocation de l'autorisation d'exercer sa profession ou s'il risque de perdre la garde de ses enfants (consid. 3).
  • La désignation d'un défenseur d'office peut ainsi s'imposer, selon les circonstances, lorsque le prévenu encourt une peine privative de liberté de quelques semaines à quelques mois si, à la gravité relative du cas, s'ajoutent des difficultés particulières du point de vue de l'établissement des faits ou des questions juridiques soulevées, qu'il ne serait pas en mesure de résoudre seul. En revanche, lorsque l'infraction n'est manifestement qu'une bagatelle, en ce sens que son auteur ne s'expose qu'à une amende ou à une peine privative de liberté de courte durée, la jurisprudence considère que l'auteur n'a pas de droit constitutionnel à l'assistance judiciaire (consid. 3).
  • Pour évaluer ensuite si l'affaire présente des difficultés que le prévenu ne pourrait pas surmonter sans l'aide d'un avocat, il y a lieu d'apprécier l'ensemble des circonstances concrètes. La nécessité de l'intervention d'un conseil juridique doit ainsi reposer sur des éléments objectifs, tenant principalement à la nature de la cause, et sur des éléments subjectifs, fondés sur l'aptitude concrète du requérant à mener seul la procédure (consid. 3).
  • S'agissant de la difficulté objective de la cause, à l'instar de ce qu'elle a développé en rapport avec les chances de succès d'un recours, la jurisprudence impose de se demander si une personne raisonnable et de bonne foi, qui présenterait les mêmes caractéristiques que le requérant mais disposerait de ressources suffisantes, ferait ou non appel à un avocat. La difficulté objective d'une cause est admise sur le plan juridique lorsque la subsomption des faits donne lieu à des doutes, tant de manière générale que dans le cas particulier (consid. 3).
  • Pour apprécier la difficulté subjective d'une cause, il faut tenir compte des capacités du prévenu, notamment de son âge, de sa formation, de sa plus ou moins grande familiarité avec la pratique judiciaire, de sa maîtrise de la langue de la procédure, ainsi que des mesures qui paraissent nécessaires, dans le cas particulier, pour assurer sa défense, notamment en ce qui concerne les preuves qu'il devra offrir (consid. 3).
  • In casu, les arguments développés par le prévenu, qui soutenait (i) ne pas comprendre le français, (ii) être détenu pour une autre cause que la présente procédure et (iii) l'existence des irrégularités intervenues lors de sa première audition par la police n'ont pas convaincu le Tribunal fédéral. En effet, premièrement, la nomination d'un défenseur d'office ne s'impose pas à raison de la langue lorsque, comme le prévoit l'art. 68 al. 1 CPP, le prévenu peut faire appel aux services d'un interprète ou d'un traducteur. Deuxièmement, le fait que le prévenu soit détenu pour une autre cause ne rendait pas davantage l'affaire pendante devant le Ministère public complexe ou plus difficile à appréhender, au point de justifier une défense d'office. Troisièmement, en invoquant l'irrespect de l'art. 158 CPP, le prévenu s'était démontré apte à faire valoir ses droits sans l'aide d'un avocat (consid. 4).
  • C'était donc à bon droit que le Ministère public avait rejeté la requête du prévenu de nommer un avocat d'office. Nonobstant cela, le Tribunal fédéral a considéré que vu l'indigence et la situation personnelle du Recourant, qui était détenu et qui agissait seul, aucun frais ne serait perçu (consid. 5).

TF 1B_484/2022 du 28 septembre 2022 | Irrecevabilité du recours en matière pénale (art. 93 al. 1 let. a LTF) contre une ordonnance réglant les modalités d'une expertise de crédibilité

  • B., une enfant atteinte du syndrome de Down, a fait l'objet d'une audition filmée menée par une inspectrice de la police cantonale valaisanne en présence de sa mère dans laquelle elle a porté des accusations à l'encontre de A. Le jour suivant, une instruction pénale a été ouverte à l'encontre de A pour actes d'ordre sexuels avec des enfants. Presque quatre ans plus tard, le Procureur en charge du dossier a ordonné la mise en Suvre d'une expertise de crédibilité des déclarations de B. qui avait été auditionnée à nouveau et a mandaté le Dr D. pour sa réalisation en l'autorisant à poser des questions à la victime présumée. Par ordonnance du 13 juillet 2022, la Juge unique du Tribunal cantonal valaisan a partiellement admis le recours formé par B laquelle a obtenu que le Dr. D ne soit pas autorisé à l'entendre. A a formé un recours en matière pénale contre cette dernière ordonnance.
  • Dans cet arrêt, le Tribunal fédéral s'est questionné sur la recevabilité du recours au sens de l'art. 93 al. 1 let. a LTF (consid. 2).
  • Le Tribunal fédéral a considéré que l'ordonnance querellée, qui confirmait la mise en Suvre d'une expertise de crédibilité des déclarations de la victime présumée, ne portait aucune atteinte à la sphère privée du Recourant qui justifierait que celui-ci puisse faire valoir immédiatement tous ses griefs en lien avec cette mesure d'instruction. Aucun élément ne permettait en effet d'affirmer et de présumer que l'expertise qui serait rendue lui soit nécessairement défavorable dans l'hypothèse où l'expert devrait statuer sur la base du dossier, sans entendre la victime présumée, ni qu'il soit renvoyé en jugement. Si tel devait être le cas et si le Recourant devait estimer que l'impossibilité de s'entretenir avec son accusatrice avait exercé un rôle négatif dans le résultat de l'expertise et/ou avait empêché l'expert de parvenir à une conclusion probante, il pourrait requérir un complément d'expertise sous la forme d'une audition de la victime par l'expert ou requérir une nouvelle expertise de crédibilité des déclarations de B à l'ouverture des débats (cf. art. 339 al. 2 CPP); si cette requête devait être rejetée et s'il devait être condamné, il pourrait contester ce rejet dans le cadre d'un appel contre le jugement au fond. Il lui serait enfin loisible, le cas échéant, de déposer un recours en matière pénale auprès du Tribunal fédéral contre le prononcé d'appel en faisant valoir une appréciation arbitraire des preuves ou une violation de son droit d'être entendu ou des droits de la défense (consid. 2).
  • Les conditions de l'art. 93 al. 1 LTF n'étant pas réunies, l'ordonnance attaquée ne pouvait pas faire l'objet d'un recours immédiat auprès du Tribunal fédéral, si bien que le recours a été déclaré irrecevable (consid. 3).

II. DROIT PÉNAL ÉCONOMIQUE

TF 6B_1287/2021 du 31 août 20221 | Existence d'un risque de diffamation (art. 173 CP) pour des propos divulgués par un client à son avocat

  • En juillet 2017, A. a relaté à son conseil que B., en sa qualité d'administrateur de fait d'une société, avait détourné à des fins personnelles les sommes qu'il avait consenties (acomptes de EUR 25'000.- et EUR 750'000.-) pour l'achat d'un catamaran, puis qu'il l'avait frauduleusement incité à verser un montant de EUR 125'000.- pour en obtenir la livraison. Par la suite, l'avocat, agissant au nom et pour le compte de A., a adressé un courrier à B., par lequel il relevait en substance que son comportement, s'il était avéré, relèverait du droit pénal. Il lui a par ailleurs indiqué qu'« avant d'entreprendre une action contre [lui] devant les tribunaux suisses (lieu de [son] domicile et de celui de [s]on client ; for de l'appauvrissement au sens des dispositions pénales concernant les infractions contre le patrimoine), [A. était] disposé à analyser une proposition de [sa] part visant à obtenir la réparation de l'intégralité de son préjudice ».
  • A. a formé un recours au Tribunal fédéral contre l'arrêt de la Cour de justice du canton de Genève le condamnant pour diffamation : il a nié avoir proféré des propos attentatoires à l'honneur de B. lors de son entretien avec son avocat. En particulier, il a fait grief à la cour cantonale d'avoir considéré que le contenu du courrier constituait le reflet fidèle des déclarations faites à l'avocat lors de cet entretien.
  • Le Tribunal fédéral a relevé que dans son dernier arrêt rendu dans la présente cause (TF 6B_127/2019 du 9 septembre 2019, consid. 4.3.3 et 4.3.4) il avait été jugé que l'avocat revêtait en principe le statut de tiers au sens des art. 173 ch. 1 et 174 ch. 1 CP, le client de l'avocat ne pouvant en particulier pas se prévaloir de la seule qualité de « confident nécessaire » de celui-ci pour échapper à toute poursuite en raison de déclarations attentatoires à l'honneur qu'il aurait tenues à son avocat en évoquant par exemple une partie adverse (consid. 2.3.1.).
  • L'arrêt mentionné ci-avant avait également rappelé, sans remettre en cause cet aspect, qu'au moment d'apprécier si une déclaration est attentatoire à l'honneur, le juge doit procéder à une interprétation objective selon le sens que le tiers destinataire et non prévenu devait, dans les circonstances d'espèce, lui attribuer (consid.2.3.1).
  • De ce fait, le Tribunal fédéral a considéré qu'il ne saurait être fait abstraction, in casu, du contexte particulier dans lequel s'est inscrit l'entretien entre un avocat et son client (consid. 2.3.2).
  • Ainsi, notre Haute Cour a jugé qu'il fallait prendre en considération que, par la nature de ses activités de conseil juridique ainsi que par le secret professionnel auquel il est soumis (art. 13 LLCA), l'avocat assure à son client un climat de confiance leur permettant de communiquer d'une manière libre et spontanée. Le client peut ainsi se livrer en faisant part de sa version des faits, mais également de ses émotions, de son ressenti et de ses opinions. Ce dernier est d'ailleurs bien souvent en conflit avec la personne objet des déclarations litigieuses et se trouve alors animé par une certaine passion. Il en découle que les paroles tenues peuvent parfois dépasser sa pensée, tout comme une forme d'exagération est à cet égard prévisible, ce dont l'avocat, destinataire des propos en cause, est parfaitement conscient (consid. 2.3.2).
  • Au vu du cadre particulier, le sens de propos tenus à un avocat ne saurait dès lors être apprécié de la même manière que celui de déclarations exprimées à l'égard de n'importe quel autre tiers. Aussi, afin de ne pas compromettre l'exercice d'une communication libre et spontanée entre avocat et client, il se justifie, dans un tel contexte, de n'admettre une atteinte à l'honneur qu'avec retenue. Tel peut en particulier être le cas lorsque les propos en cause n'ont pas de lien avec l'affaire dans laquelle intervient l'avocat et que ceux-ci ne tendent en définitive qu'à exposer la personne visée au mépris (consid. 2.3.2).
  • In casu, le Tribunal fédéral a relevé que l'instruction n'avait pas permis d'établir la teneur et le contenu précis des propos effectivement utilisés par le Recourant au moment d'évoquer B. et le litige les opposant. Ainsi, dans la mesure où la cour cantonale fondait son raisonnement sur la teneur de la lettre du 8 août 2017, il a été observé que celle-ci use de diverses réserves (« il était avéré », « on doit dès lors craindre que », emploi du conditionnel) quant aux comportements pénalement répréhensibles que B. aurait adopté à l'égard du Recourant (consid. 2.5).
  • Dans ces conditions, notre Haute Cour a retenu qu'il était concevable qu'au moment de relater à son conseil les tenants et aboutissants de son différend avec B., le Recourant, pris d'agacement, ait exposé une version des faits empreinte d'exagération, qu'il tenait lui-même pour guère plausible. Il ne saurait néanmoins lui être reproché de l'avoir évoquée oralement à son conseil au moment précis de l'entretien, les actes reprochés à B. étant bien intervenus dans un contexte litigieux. Aussi, les réserves émises par l'avocat dans le courrier du 8 août 2017, adressé au seul B., dénotent que l'avocat avait bien conscience de l'éventualité que les propos tenus par le Recourant ne correspondaient pas nécessairement à la réalité et qu'ils pourraient avoir été guidés par la rancSur de son client (consid. 2.7).
  • Au regard de ce qui précède, le Tribunal fédéral a conclu que les éléments constitutifs d'une diffamation n'étaient pas réunis, les propos tenus à l'avocat par le Recourant, pris dans le contexte de son litige avec un tiers, n'étant pas attentatoires. La condamnation était donc contraire au droit fédéral (consid. 2.8).

III. DROIT INTERNATIONAL PRIVÉ

-

IV. DROIT DE LA POURSUITE ET DE LA FAILLITE

TF 5A_375/2022 du 31 août 2022 | Droit de rétention du bailleur – prise d'inventaire (art. 268ss, 299c CO, 283 LP)

  • Le Tribunal fédéral a rappelé qu'un bailleur qui requiert une prise d'inventaire pour exercer son droit de rétention doit valider cette mesure en introduisant une poursuite en réalisation du gage (art. 283 al. 3 LP). Il appartient ensuite au débiteur de former opposition contre la créance et contre le droit de rétention. Faute de précision, l'opposition se rapporte tant à la créance qu'au droit de rétention. En revanche, le créancier doit rester attentif au fait qu'il doit faire lever ces deux oppositions pour valider la mesure conservatoire, car la réalisation du gage ne peut avoir lieu si le droit de gage lui-même n'existe pas ou plus (consid. 5.1.2).

TF 5A_531/2022 du 8 septembre 2022 | For de la poursuite (art. 46 al. 1 LP et 23 al. 1 CC)

  • Le Tribunal fédéral a rappelé la notion du domicile qui permet de déterminer le for de la poursuite. Il s'agit du lieu où une personne physique « réside avec l'intention de s'y établir, ce qui suppose qu'elle fasse du lieu en question le centre de ses intérêts personnels et professionnels ». Cette définition suppose un élément objectif, la présence physique sur les lieux, et un élément subjectif, la volonté d'y demeurer durablement. Il a également été relevé que les documents administratifs (permis, attestations d'autorités fiscales ou d'assurances sociales, etc.) sont des indices sérieux pour permettre d'identifier le domicile mais ne sont néanmoins pas suffisants (consid. 3.1).
  • In casu, le Tribunal fédéral a estimé que le seul apport d'attestation de domicile, d'inscription au contrôle des habitants et de décision d'une caisse de compensation en lien avec la ville de V. ne permettait pas de donner raison au Recourant qui contestait la compétence de l'Office des poursuites du canton de Neuchâtel, lequel estimait que le domicile du Recourant se trouvant à T. En effet, ces documents purement administratifs ne démontraient pas en quoi le Recourant aurait ses centres d'intérêts ou activités dans la ville de V. Partant, le Recourant n'a pas su prouver l'élément subjectif du domicile (consid. 4.2).

V. ENTRAIDE INTERNATIONALE

-

Footnote

1. Destiné à publication

The content of this article is intended to provide a general guide to the subject matter. Specialist advice should be sought about your specific circumstances.