Quelques propos introductifs

La présente Newsletter de Monfrini Bitton Klein vise à offrir, de manière hebdomadaire, un tour d'horizon de la jurisprudence rendue par le Tribunal fédéral dans les principaux domaines d'activité de l'Etude, soit le droit pénal économique et le recouvrement d'actifs (asset recovery).

Sans prétendre à l'exhaustivité, seront reproduits ci-après les considérants consacrant le raisonnement juridique principal développé par notre Haute juridiction sur les thématiques suivantes : droit de procédure pénale, droit pénal économique, droit international privé, droit de la poursuite et de la faillite, ainsi que le droit de l'entraide internationale.

I. PROCÉDURE PÉNALE

TF 6B_1357/2021 du 21 février 2023 | Absence de qualité de lésé de l'actionnaire d'une société (art. 115 CPP)

  • L'actionnaire d'une société n'est pas directement lésé en cas d'infraction contre le patrimoine de celle-ci. En l'absence de la qualité de lésé, l'actionnaire ne peut ainsi pas revêtir le statut de partie plaignante (art. 118 al. 1 CPP) et n'a donc pas la qualité pour recourir prévue à l'art. 382 al. 1 CPP (consid. 2.1.3).

TF 6B_267/2021 du 1er février 2023 | Qualité pour recourir au Tribunal fédéral (art. 93 al. 1 let. a et b LTF)

  • Les Recourants, frère et sSur, ont fait l'objet d'une poursuite pénale pour extorsion, chantage, subsidiairement escroquerie par métier, contrainte, faux dans les titres, vol et blanchiment d'argent. La plainte a été déposée par un autre membre de leur fratrie. Ce dernier les accusait d'avoir manipulé et fait pression sur leur mère avant qu'elle ne décède afin que celle-ci les avantage dans son testament.
  • Après une première ordonnance de non-entrée en matière et divers recours, la Chambre des recours du Tribunal cantonal vaudois a annulé l'ordonnance de classement et renvoyé l'affaire au Ministère public. Les Recourants ont agi contre cette décision devant le Tribunal fédéral.
  • Cet arrêt offre un rappel de quelques principes sur la qualité pour agir par devant notre Haute Cour.
  • Premièrement, les Recourants ont contesté l'exploitation d'une preuve (enregistrements audio) qu'ils considéraient illicite. Le Tribunal fédéral a rappelé que le seul fait qu'un moyen de preuve dont la validité est contestée demeure au dossier ne constitue en principe pas un préjudice irréparable au sens de l'art. 93 al. 1 let. a LTF, dès lors qu'il est possible de renouveler ce grief jusqu'à la clôture définitive de la procédure (consid. 2.4).
  • Deuxièmement, les Recourants ont fait valoir que l'arrêt attaqué aurait pour conséquence de prolonger de plusieurs années la procédure, violant ainsi le principe de célérité. Ils en déduisaient un droit de recours immédiat contre la décision incidente. Notre Haute Cour a rappelé qu'on ne saurait fonder la recevabilité d'un recours sur le risque d'une violation du principe de la célérité dans les étapes procédurales à venir (consid. 2.5.2).
  • Troisièmement, les Recourants ont prétendu subir un préjudice irréparable au sens de l'art. 93 al. 1 let. a LTF, du fait que la cour cantonale aurait admis à tort la qualité de « partie » de l'Intimé, alors qu'il n'aurait, selon eux, pas eu la qualité pour recourir devant l'instance cantonale. Selon la jurisprudence constante du Tribunal fédéral, la reconnaissance de la qualité de partie plaignante à un tiers dans une procédure pénale ne cause, en règle générale, au prévenu aucun préjudice irréparable qu'une décision finale ne ferait pas disparaître entièrement ; le simple fait d'avoir à affronter une partie de plus lors de la procédure ne constitue pas un tel préjudice (consid. 2.6).
  • Enfin, les Recourants ont estimé que leur recours était recevable en vertu de l'art. 93 al. 1 let. b LTF. Les conditions de cette disposition sont les suivantes : (i) l'admission du recours doit pouvoir conduire immédiatement à une décision finale et (ii) l'arrêt attaqué doit ouvrir la voie à une procédure probatoire longue et coûteuse. Pour que cette seconde condition soit réalisée, la procédure probatoire doit, par sa durée et son coût, s'écarter notablement des procès habituels, ce qui n'est pas le cas lorsque l'administration des preuves se limite à l'audition des parties, à la production de pièces ou à l'interrogatoire de quelques témoins (consid. 2.7.1).
  • In casu, les Recourants ont contesté l'exploitabilité des enregistrements litigieux en tant que moyens de preuve. Toutefois, si le Tribunal fédéral devait admettre le recours, il ne pourrait pas statuer sur le fond s'agissant du retranchement des enregistrements litigieux, mais pourrait tout au plus renvoyer la cause à l'autorité cantonale, afin que la question de l'exploitabilité des preuves soit examinée. Ainsi, la première condition prévue à l de l'art. 93 al. 1 let. b LTF n'est pas remplie (consid. 2.7.2).
  • Partant, en raison du défaut de la qualité pour recourir, le Tribunal fédéral a déclaré le recours irrecevable (consid. 3).

TF 1B_391/2022 du 17 février 2023 | Exploitabilité de preuves en cas de découverte fortuite (art. 278 CPP)

  • Dans les faits, une procédure pénale a été ouverte contre B. pour diverses infractions. Dans ce cadre, les appels téléphoniques de B. ont été mis sur écoute. La surveillance a fait apparaître que le Recourant, A., pouvait être impliqué dans un trafic de stupéfiants. Pour cette raison, le Ministère public cantonal Strada a décidé, le 21 octobre 2020, d'ouvrir une procédure pénale contre le Recourant.
  • Dans le cadre de la procédure contre le Recourant, les enregistrements des écoutes téléphoniques de B. ont été exploités à plusieurs reprises (ouverture de l'instruction, audition, désignation de l'avocat et envoi des citations à comparaître) entre octobre 2020 et février 2022. Or, ce n'est que le 3 mars 2022 que le Ministère public a déposé une demande d'autorisation d'exploiter le résultat des écoutes téléphoniques à l'encontre du Recourant, à titre de découvertes fortuites, auprès du Tribunal des mesures de contrainte du canton de Vaud (« TMC »).
  • Le TMC a accepté la requête du Ministère public. Suite au recours formé par le Recourant contre cette décision, le Tribunal cantonal vaudois a jugé que (i) certains passages du procès-verbal de l'audition du Recourant relatifs à ces écoutes devaient être retranchés et conservés à part. La juridiction a en revanche considéré que (ii) les écoutes téléphoniques pouvaient rester au dossier et (iii) demeuraient exploitables pour toutes les activités postérieures à l'obtention de l'autorisation.
  • Concernant l'annulation de certains passages du procès-verbal d'audition (cf. point i), notre Haute Cour a considéré que les charges contre le Recourant provenant exclusivement des écoutes découvertes fortuitement, si bien que la totalité du procès-verbal devait être écartée sur la base des art. 277 al. 2 et 278 al. 4 CPP (consid. 3.4).
  • En outre, quant à l'exploitabilité des écoutes téléphoniques (cf. point iii), le Tribunal fédéral a confirmé la décision de l'instance cantonale pour ce qui relève de l'inexploitation des écoutes survenues avant l'autorisation du TMC, en raison de la tardiveté de la requête du Ministère public (consid. 3.4).
  • Enfin, s'agissant du maintien des écoutes téléphoniques au dossier du Recourant (cf. point ii), le Tribunal fédéral n'a pas suivi l'argumentation développée par le TMC. En effet, le Ministère public avait formellement ouvert la procédure contre le Recourant le 21 octobre 2020 déjà, sur la base du résultat de ces écoutes. Compte tenu du délai écoulé, l'autorisation requise le 3 mars 2022 seulement n'aurait pas dû être accordée par le TMC. A fortiori, on ne saurait envisager qu'une nouvelle demande d'exploitation de ces preuves puisse être encore déposée dans un délai compatible avec les exigences de l'art. 278 al. 3 CPP (consid. 3.5).
  • Par conséquent, le recours a été admis en ce sens que le procès-verbal d'audition et les écoutes téléphoniques ne sont pas exploitables à l'encontre du Recourant et doivent être conservés séparément du dossier, puis détruits à la clôture de la procédure (consid. 4).

TF 1B_615/2022 du 23 février 2023 | Refus d'une seconde audition d'enfants – préjudice irréparable (art. 394 let. b et 154 al. 2 CPP)

  • Le Recourant a fait l'objet d'une procédure pénale pour diverses infractions d'ordre sexuel sur ses enfants âgés de quatre et six ans. Ces derniers ont été entendus une première fois en mars 2022. En mai de la même année, le Recourant a demandé une nouvelle audience contradictoire avec ses deux enfants. Le Ministère public a rejeté cette requête au motif qu'un enfant ne devait, en principe, pas être interrogé plus d'une fois et que le prévenu aurait pu, lors de différentes audiences, s'exprimer sur les déclarations de ses enfants. Au vu de l'atteinte psychique qui en résulterait vraisemblablement pour les enfants, une nouvelle audition ne se justifiait pas.
  • Le Recourant a recouru contre cette décision devant la Cour de justice du canton de Genève. Cette juridiction a toutefois déclaré le recours irrecevable en raison de l'absence de préjudice juridique (art. 394 let. b CPP), soit un risque de disparition de preuve. Elle a notamment estimé que la réquisition pouvait être renouvelée devant le Tribunal de première instance, voire devant les instances de recours. Les enfants vivant à Genève, rien ne permettait donc de considérer que leurs déclarations ne pourraient plus être recueillies ou qu'elles seraient altérées.
  • Le Tribunal fédéral a rappelé que la capacité de mémorisation des témoins en général était par nature limitée, plus encore lorsqu'il s'agissait d'enfants en âge préscolaire ou primaire. Lorsqu'il est requis que des enfants soient auditionnés, il convient de tenir compte du fait que les enfants sont particulièrement exposés à l'influence de leurs proches et des autres adultes impliqués (consid. 2.2).
  • Bien qu'il n'existe pas de limite temporelle au-delà de laquelle une seconde audition de la victime perdrait toute force probante, le risque d'altération de la mémoire est indéniable chez de très jeunes enfants, après plusieurs mois déjà (consid. 2.3).
  • Ainsi, le Tribunal fédéral a considéré que la cour cantonale ne pouvait pas retenir que la demande de nouvelle audition, s'agissant d'enfants de quatre et six ans, pourrait être renouvelée sans préjudice devant le Tribunal de première instance, voire en appel ou devant le Tribunal fédéral, soit après de nombreux mois, voire plusieurs années. Le refus d'entrer en matière viole donc, dans le cas particulier, le droit fédéral (consid. 2.3).
  • Partant, notre Haute Cour a admis le recours en raison du haut risque d'altération ou de perte du moyen de preuve requis (consid. 3).

TF 1B_564/2022 du 14 février 2023 | Demande de mise sous scellés tardive (art. 248 CPP)

  • L'arrêt traite de la question de la tardiveté des demandes de mise sous scellés (consid. 2.2).
  • Les Recourants reprochaient à l'autorité précédente d'avoir retenu à tort que leurs demandes de mise sous scellés auraient été déposées tardivement. Ils ont argué ne pas avoir été informés au cours de la perquisition de leur droit de demander la mise sous scellés des éléments saisis (consid. 3).
  • Le Tribunal fédéral a relevé que les Recourants avaient pu s'entretenir à plusieurs reprises avec une avocate lors de la perquisition et que leur connaissance du français était suffisante pour comprendre leurs droits et obligations figurant sur le procès-verbal de perquisition. Les Recourants ne pouvaient ainsi pas prétendre de bonne foi avoir ignoré leurs droits en matière de scellés au sens de l'art. 248 CPP (consid. 3.3).
  • Notre Haute Cour a donc considéré que le délai de 7 jours, respectivement 9 jours, pour requérir l'apposition des scellés après la perquisition était tardif, cela indépendamment d'éventuels jours non ouvrables (consid. 3.3).
  • Partant, le Tribunal fédéral a rejeté le recours (consid. 4)

TF 1B_626/2022 du 21 février 2023 | Protection de la bonne foi en cas d'absence d'indication du délai de recours dans la décision entreprise (art. 81 al. 1 let. d CPP)

  • Le Ministère public a rendu une décision déniant la capacité de postuler de l'avocat Me B. au nom de A. Cette décision a été notifiée à A. le 14 octobre 2022 et un recours a été déposé par A. le 25 octobre 2022, soit après l'échéance du délai de 10 jours prescrit par l'art. 396 al. 1 CPP. La décision entreprise ne précisait pas le délai légal de recours, en violation de l'art. 81 al. 1 let. d CPP (consid. 2.3).
  • Malgré cette indication incomplète, le Juge unique de la Chambre pénale du Tribunal cantonal du Valais a toutefois considéré que la Recourante ne pouvait bénéficier de la protection de sa bonne foi pour divers motifs. L'instance cantonale a notamment reproché à la Recourante de ne pas avoir lu l'art. 396 al. 1 CPP qui fixe le délai de recours à 10 jours. En outre, celui de 30 jours précédemment imparti à cette dernière par le Ministère public pour désigner un nouveau mandataire ne pouvait être interprété comme l'indication d'un délai de recours. La dernière instance cantonale avait finalement conclu que la Recourante aurait pu s'adresser à l'avocat Me B. ou demander que le Ministère public lui précise le délai de recours (consid. 2.3).
  • Le Tribunal fédéral n'a pas suivi l'argumentation de la dernière instance cantonale. Premièrement, notre Haute Cour a relevé qu'il était malvenu de faire grief à la Recourante de ne pas s'être adressée à son avocat, dans la mesure où la décision entreprise déniait la faculté de ce dernier à la représenter, la laissant sans conseil. Deuxièmement, ladite décision ne contenait aucune référence à l'art. 396 al. 1 CPP si bien qu'il ne pouvait pas être reproché à la Recourante de ne pas avoir pris connaissance de cette disposition légale. Troisièmement, le Tribunal fédéral a retenu que la décision du Ministère public impartissant à la Recourante un délai judiciaire de 30 jours pour désigner un nouveau mandataire était de nature à entretenir une confusion sur la durée du délai pour recourir. Le Ministère public aurait donc dû indiquer de manière complète et sans ambiguïté la voie de droit à disposition de la Recourante (consid. 2.3).
  • Dans ces conditions, notre Haute Cour a conclu que l'absence de précision du délai de recours ne devait en définitive pas porter préjudice à la Recourante, dont la bonne foi méritait protection. Dès lors, on ne saurait lui reprocher d'avoir tardé à déposer le recours (consid. 2.3).
  • Partant, le Tribunal fédéral a admis le recours au motif qu'il ne pouvait être reproché à la Recourante d'avoir déposé tardivement son recours. La décision entreprise a été annulée et la cause renvoyée à l'autorité précédente afin qu'elle déclare le recours recevable (consid. 2.3).

II. DROIT PÉNAL ÉCONOMIQUE

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III. DROIT INTERNATIONAL PRIVÉ

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IV. DROIT DE LA POURSUITE ET DE LA FAILLITE

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V. ENTRAIDE INTERNATIONALE

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