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30 May 2025

Secrets d'Affaires: Evolutions Récentes et Enjeux Actuels

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Schellenberg Wittmer Ltd

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Les secrets d'affaires, qu'il s'agisse de formules et processus exclusifs, de stratégies commerciales uniques ou encore de listes de clients...
Switzerland Intellectual Property

Key Take-aways

  1. La protection des secrets d'affaires ne cesse de gagner en importance en pratique. Identifier les mécanismes de protection adaptés constitue un enjeu stratégique majeur pour toute entreprise.
  2. La Suisse ne dispose pas de législation spécifique sur les secrets d'affaires. Leur protection repose sur des dispositions éparses, relevant par exemple du droit pénal ou de la concurrence déloyale.
  3. Instaurer un cadre de protection global, par la conclusion, par exemple, d'accords de nondivulgation, est essentiel pour assurer la protection des secrets d'affaires dans l'économie numérique.

1 Introduction

Les secrets d'affaires, qu'il s'agisse de formules et processus exclusifs, de stratégies commerciales uniques ou encore de listes de clients, sont des actifs inestimables qui permettent aux entreprises de se distinguer de leurs concurrents.

Selon le droit suisse, une information est protégée au titre de secret d'affaires si (1) elle n'est pas facilement accessible, (2) elle possède une valeur commerciale, (3) son détenteur a un intérêt légitime à en conserver l'exclusivité et (4) il manifeste son intention de la garder secrète.

Cette contribution met en lumière l'importance croissante de la protection des secrets d'affaires dans l'environnement économique actuel, marqué par des menaces de plus en plus nombreuses, ainsi que les stratégies que les entreprises peuvent adopter pour préserver de tels secrets tout en maintenant leur avantage concurrentiel.

2 Tendances actuelles

2.1 Importance croissante des secrets d'affaires

Au cours des dernières années, les secrets d'affaires n'ont cessé de gagner en importance.

Tout d'abord, l'intelligence artificielle (IA) connaît un développement rapide et occupe une place croissante dans les processus d'innovation. Or, selon le droit des brevets, lesquels sont traditionnellement utilisés pour protéger des inventions pendant une période limitée en échange de la divulgation de celles-ci au public, l'IA ne peut être reconnue comme inventeur, ce statut étant par définition réservé à l'être humain. Dans un tel cas, les inventions entièrement générées par l'IA ne peuvent pas, en l'état actuel du droit, bénéficier d'une protection par brevet. En revanche, lorsqu'une personne utilise l'IA comme simple outil pour inventer, elle reste l'inventeur, et son invention pourra être brevetée.

Cette situation juridique – empreinte d'incertitudes – peut dissuader certains inventeurs de déposer une demande de brevet, et plutôt les inciter à privilégier la protection offerte par les secrets d'affaires, ce d'autant plus que celle-ci est, en principe, perpétuelle, à condition, bien entendu, que la confidentialité et la valeur commerciale des secrets en cause soient maintenues.

Par ailleurs, le rythme rapide de l'innovation souligne l'importance de garder secrètes les informations techniques essentielles, en particulier dans les secteurs à forte évolution technologique. En effet, dans un tel contexte, une invention n'est commercialisable que pendant une courte période, et la durée de protection relativement longue offerte par un brevet ne justifie pas le temps, les dépenses et les risques associés à une procédure de demande de brevet.

Enfin, les technologies de numérisation représentent un véritable changement de paradigme dans la génération et la collecte de grandes quantités de données. Issues d'activités commerciales et techniques, ces données constituent la pierre angulaire du développement dans l'économie numérique. Comme elles ne sont, en elles-mêmes, pas éligibles à la protection par brevet, la protection par les secrets d'affaires s'impose comme un rempart efficace contre l'accès non autorisé et l'exploitation indue de telles données.

Les secrets d'affaires constituent un actif inestimable pour toute entreprise

2.2 Menaces grandissantes sur les secrets d'affaires

Parallèlement, les secrets d'affaires se trouvent exposés à une vulnérabilité croissante. Les collaborations internationales entre entreprises en matière de R&D et de supply chain, ainsi que les fusions et acquisitions, sont désormais des pratiques courantes. Ces deux scénarios impliquent de facto la divulgation d'informations confidentielles, exposant les entreprises à un risque significatif d'utilisation abusive, en particulier lorsque la transaction envisagée n'aboutit pas.

En outre, les espaces de travail collaboratif ainsi que les modalités de travail à distance inspirées de la pandémie se sont installés dans les pratiques des entreprises, exposant ainsi les secrets d'affaires à des risques de divulgation.

De la même manière, la mobilité accrue des salariés, qui quittent de plus en plus fréquemment leur entreprise pour fonder leur propre société, amplifie également ces risques. Cette tendance expose l'ancien employeur au danger de voir ses secrets d'affaires divulgués à des concurrents, tandis que le nouvel employeur pourrait se voir accusé de détourner ces informations, risquant ainsi une perte de réputation.

Enfin, le cyber espionnage (p. ex., l'accès non autorisé aux données d'une entreprise) constitue également une menace sérieuse pour les informations confidentielles stockées sous forme numérique.

Ces tendances soulignent par conséquent la nécessité – pressante – d'une protection robuste des secrets d'affaires.

2.3 Cadre juridique et enjeux actuels

À l'heure actuelle, la Suisse ne dispose pas d'une législation spécifique sur les secrets d'affaires.

La protection repose sur un ensemble de dispositions éparses, prévues notamment par le droit pénal (avec la criminalisation de la soustraction de données ou encore de la violation de secrets de fabrication ou de commerce), mais également par des législations spécifiques, telles que celles relatives aux services financiers, ou encore par le droit de la concurrence déloyale (au travers – notamment – de la répression de l'incitation à trahir ou surprendre des secrets de fabrication ou d'affaires de l'employeur ou d'un mandant) (voir notre Newsletter 04/2020).

En outre, et contrairement à la Directive de l'UE sur la protection des secrets d'affaires (2016/943) qui vise à fixer des normes minimales pour ses États membres, la notion de secret d'affaires en droit suisse est définie par des exigences essentiellement déterminées par la jurisprudence.

Cela étant, et même si la législation de l'UE ne s'applique pas directement en Suisse, les entreprises suisses peuvent facilement être concernées par cette législation, notamment si elles ont des succursales dans l'UE ou font des affaires au sein de l'UE (voir notre Newsletter 04/2020).

L'un des défis pratiques des litiges judiciaires relatifs aux secrets d'affaires réside dans la nécessité, parfois inévitable, de divulguer à l'autre partie des informations confidentielles en procédure. A cet égard, le droit suisse offre une série de mesures pour protéger les secrets d'affaires, notamment en permettant à une partie au procès de demander des mesures propres à sauvegarder des intérêts dignes de protection, ou de se prévaloir d'un secret de fabrication ou d'affaires, cas échéant, par voie de mesures provisionnelles.

La Suisse n'a pas de législation spécifique sur les secrets d'affaires

Toutefois, si les mesures de protection peuvent être appliquées dans les cas où les secrets d'affaires ne sont qu'une question secondaire dans le litige (p. ex., dans le cadre d'une offre de preuve), la question devient plus complexe lorsque le secret d'affaires lui-même est au centre du litige. Ce défi découle du conflit inhérent entre le maintien de la confidentialité et la garantie du droit de l'autre partie d'être entendue.

Ainsi, des obstacles importants subsistent pour les entreprises qui cherchent à faire respecter leurs droits en matière de secrets d'affaires, en particulier dans les cas d'appropriation illicite de ceux-ci.

Si l'utilisation de données non personnelles est essentielle au déploiement de l'IA et au développement de nouvelles activités de recherche dans l'économie numérique, la restriction de l'accès à de telles données par leur(s) propriétaire(s) préoccupe les législateurs depuis plusieurs années.

Pour compléter le Règlement sur les services numériques (DSA) et celui sur les marchés numériques (DMA), tous deux adoptés dans le but de créer un espace numérique plus sûr, fondé sur un accès et un échange de données plus équitable, le Conseil de l'UE a entériné le Règlement sur l'équité de l'accès aux données et de l'utilisation des données (2023/2854). Ce texte prévoit notamment un niveau adéquat de protection des secrets d'affaires en cas de divulgation de données.

A l'heure actuelle, il n'existe pas de législation équivalente en Suisse, ni même de démarches législatives qui iraient dans cette direction. Tout au plus, en février 2025, le Conseil fédéral a recommandé de ratifier la Convention du Conseil de l'Europe sur l'IA et, en conséquence de cela, d'apporter les modifications nécessaires au droit suisse. L'approche suisse en matière d'IA devrait rester sectorielle, avec un accent mis sur des domaines spécifiques tels que la santé ou les transports. Il reste à voir dans quelle mesure la protection des secrets d'affaires sera, dans ce contexte, prise en compte.

3 Conseils aux entreprises

Tout d'abord, il est essentiel de mettre en place un cadre général assurant la protection des secrets d'affaires, ceci en limitant l'accès aux informations, en renforçant la confidentialité et en formant régulièrement les employés à l'identification et à la gestion des risques relatifs. Dans ce cadre, les entreprises devraient également adopter des politiques spécifiques concernant les secrets d'affaires pour les employés entrants et sortants, telles que des contrats de travail rigoureux, le principe du “need to know” et des contrôles d'accès appropriés. Il est aussi important d'organiser une réunion d'information avec chaque nouvel employé pour l'informer sur la politique de l'entreprise en la matière et les risques associés aux secrets d'affaires de tiers. Par ailleurs, des accords de confidentialité et de non-concurrence post-contractuels distincts peuvent être envisagés avec les employés quittant l'entreprise, dans la mesure où la législation le permet.

Les entreprises doivent non seulement assurer la protection de leurs propres secrets d'affaires, mais aussi prendre des mesures appropriées pour réduire le risque de litige (p. ex., en évitant l'utilisation non autorisée de secrets d'affaires de tiers).

En outre, lors d'une collaboration avec d'autres entreprises, il est essentiel de formaliser la confidentialité au moyen d'accords de non-divulgation (AND) afin de protéger les secrets d'affaires partagés dans le cadre de partenariats ou de projets communs pendant et après ceux-ci. Dans ce contexte, les accords de non-divulgation doivent être aussi précis que possible en ce qui concerne les informations à maintenir confidentielles (p. ex., les listes de clients) et les limites de leur utilisation autorisée, afin de faciliter leur application ultérieure.

Les entreprises doivent instaurer une protection globale des secrets d'affaires

Par ailleurs, dans le cadre des fusions et acquisitions, une approche “Clean Team” peut aider à garantir un partage d'informations sensibles de manière contrôlée et sécurisée, uniquement avec les personnes autorisées. Cette pratique revêt une importance particulière lors de la phase de due diligence, au cours de laquelle un volume important de données confidentielles est par définition échangé, alors même que l'issue de la transaction demeure incertaine.

Enfin, il est essentiel de disposer d'une stratégie d'application pour réagir efficacement en cas de violation, de détournement ou de menace de divulgation de secrets d'affaires. Dans ce cadre, il est recommandé qu'une entreprise désigne une personne responsable de la coordination et du soutien des mesures internes, tout en gardant la possibilité de faire appel à un avocat externe pour prendre des mesures urgentes lorsque nécessaire. En effet, le facteur temps est souvent déterminant dans de telles situations et peut permettre de limiter les dommages.

4 Conclusions

La bonne gestion des secrets d'affaires est une question clé pour toute entreprise et nécessite une stratégie juridique adaptée. En adoptant une approche à la fois proactive et réactive, les entreprises peuvent réduire le risque que leurs secrets d'affaires soient détournés ou divulgués au public, tout en maintenant la confiance et la coopération dans leurs activités commerciales. Pour toute entreprise, il est essentiel de convenir d'obligations de confidentialité avec les employés et de veiller à leur respect.

The content of this article is intended to provide a general guide to the subject matter. Specialist advice should be sought about your specific circumstances.

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