Pendant que le Canada attend la date de la mise en Suvre de son Cadre de protection des consommateurs de produits et services financiers1 (CPCPSF), la Financial Conduct Authority (FCA) du R-U, a publié, le 14 mai dernier, un document de consultation sur de nouvelles normes de diligence que devront adopter les entreprises à l'égard des consommateurs. La FCA continue ses consultations et projette de publier de nouvelles règles en juillet 2022.

Fondement du devoir de protection des consommateurs

L'approche de la FCA est axée sur les consommateurs et a pour objectif de permettre à ceux-ci de prendre les meilleures décisions financières possibles pour répondre à leurs besoins. Des mesures sont nécessaires, d'après la FCA, pour aborder les questions courantes liées au déséquilibre du pouvoir de négociation, les asymétries d'information, le manque de compréhension des consommateurs, les préjugés comportementaux, les pratiques pas toujours fiables2 et les besoins spécifiques des consommateurs vulnérables. La FCA préconise que sans ces mesures, les consommateurs risquent d'acheter des produits qui ne conviennent pas à leurs besoins, de dépenser leur argent inutilement et d'éprouver plus de difficultés à faire des choix plus éclairés, de passer d'une entreprise à l'autre ou d'obtenir le meilleur prix.

Nouveau devoir proposé

La FCA pense résoudre ces problèmes de longue date en établissant de nouvelles normes relatives à un devoir à l'égard des consommateurs auxquelles les entreprises devront se conformer et qui comprendraient les mesures suivantes :

  • un principe de protection du consommateur exprimé dans un langage qui décrit clairement la norme de conduite générale que les entreprises devront suivre. Les entreprises devront tenir compte des attentes raisonnables de l'ensemble de leur clientèle, plutôt que de viser ce qui serait le plus souhaitable pour chaque client;
  • des règles transversales qui expliquent et clarifient les attentes générales en matière de conduite issues du principe de protection du consommateur et énoncent comment le principe doit s'appliquer dans la pratique. Les règles dicteront le comportement auquel on doit s'attendre de la part des entreprises et prévoiront qu'il leur incombe d'agir de bonne foi et de prendre toutes les mesures raisonnables pour éviter de porter préjudice aux consommateurs, permettant ainsi à ceux-ci de réaliser leurs objectifs financiers; et
  • quatre résultats liés aux éléments clés de la relation entreprise-client, à savoir les communications, les produits et services, le service à la clientèle, ainsi que le prix et la valeur. À titre d'exemples, la FCA présente les conclusions suivantes :
  1. Communications: Lescommunications aident les consommateurs à prendre des décisions relatives à l'achat de produits et services financiers qui sont opportunes, efficientes et suffisamment éclairées. 

Les entreprises doivent communiquer de façon juste, claire et non trompeuse, et être compréhensible pour faciliter la prise de décisions éclairées. En outre, les entreprises doivent évaluer leur plans de communications pour s'assurer d'une bonne compréhension de la part des consommateurs. Et si cela ne s'avère pas le cas, les entreprises devront alors adapter leurs communications afin d'atteindre l'objectif visé.

  1. Produits et services: Les produits et services sont spécifiquement conçus pour répondre aux besoins des consommateurs et pour être vendus à ceux qui en ont besoin.

L'objectif visé est d'assurer que les produits et services soient conçus pour le bénéfice des consommateurs et offrent le rendement prévu.

  1. Service à la clientèle: Le service à la clientèle répond aux besoins des consommateurs en leur permettant de réaliser les avantages prévus par les produits et services et en agissant dans leur intérêt sans causer d'entraves injustifiées.

La FCA souligne que ce résultat est essentiel pour assurer la satisfaction des besoins des consommateurs pendant la durée complète de leur relation avec une entreprise donnée. À titre d'exemple, la FCA affirme qu'il devrait être tout aussi facile de mettre fin à l'usage d'un produit ou d'un service qu'il l'est de le procurer.

  1. Prix et valeur: Le prix des produits et services représente une juste valeur pour les consommateurs.

Le résultat visé dans ce cas doit être combiné avec les autres résultats suggérés afin d'offrir une juste valeur aux consommateurs. C'est pourquoi on s'attendra à ce que les entreprises soient en mesure de démontrer que les avantages tirés de leurs produits et services soient satisfaisants, par rapport à leur prix. La FCA affirme que s'il est bien appliqué, ce principe pourrait ultérieurement réduire son besoin d'intervenir pour fixer les prix ou imposer des prix plafonds.

Impacte potentiel du nouveau devoir de protection du consommateur

La FCA souligne les incidences potentielles que pourrait avoir un nouveau devoir de protection du consommateur sur les entreprises, sur les consommateurs eux-mêmes, ainsi que sur elle-même à titre d'authorité réglementaire. 

  1. Entreprises

En ce qui concerne les entreprises, la FCA est d'avis qu'une nouvelle obligation aurait pour effet de :

  • mettre davantage l'accent sur les intérêts des clients et les résultats attendus, ce qui dépasserait l'approche restrictive de conformité avec les règles;
  • tenir compte de l'obligation de protection du consommateur à chacune des étapes des processus et à chaque niveau des structures organisationnelles;
  • s'efforcer de « faire les choses correctement dès le départ », particulièrement en ce qui a trait à la conception des produits et services;
  • définir les responsabilités et les résultats attendus de façon claire et compréhensible;
  • faire preuve d'un meilleur jugement en déterminant quels comportements, quelles politiques et quels processus pourraient avoir une incidence sur la capacité à parvenir à de tels résultats;
  • surveiller, mettre à l'essai (au besoin) et adapter régulièrement les pratiques et les processus pour s'assurer de parvenir aux résultats attendus;
  • fournir des renseignements et des données à la FCA pour appuyer les résultats des activités de surveillance et d'essais; et
  • réduire tout « désavantage du premier arrivé » qui pourrait empêcher de « placer le client au centre des priorités ».
  1. Consommateurs

D'après la FCA, les mesures proposées avantageraient les consommateurs, qui pourraient :

  • avoir davantage la conviction que les entreprises agissent de bonne foi, en tenant compte de leur intérêt;
  • être en mesure de choisir parmi un vaste éventail de produits et de services correspondant à leurs besoins et qui ont été précisément conçus pour répondre aux besoins d'un marché cible spécifique;
  • recevoir des renseignements clairs et compréhensibles, adaptés au moyen de communication qu'utilisent les consommateurs pour interagir avec les entreprises et qui permettent d'évaluer quels produits et services seraient les plus susceptibles de répondre à leurs besoins;
  • bénéficier des avantages prévus des produits et services qu'ils achètent en s'attendant de façon raisonnable à ce qu'il en soit ainsi;
  • recevoir le service qui répond toujours à leurs besoins et n'empêche pas les entreprises d'agir dans leur intérêt; et
  • obtenir une juste valeur pour les produits et services financiers qu'ils se procurent.

Points de vue sur un éventuel droit privé d'action en justice

Dans le cadre du processus de consultation, la FCA a également lancé une invitation pour obtenir des commentaires sur la façon dont le droit privé d'action en justice pour les violations du devoir de protection du consommateur pourrait aider ou nuire au succès des propositions et à leurs effets sur les entreprises, les consommateurs et les marchés. La FCA est d'avis que le droit privé d'action en justice potentiel fait partie d'une plus vaste gamme de mesures au moyen desquelles les entreprises pourraient être tenues responsables de violations aux règlements. 

Le recours dont il est question dans le document de consultation serait un ajout aux autres recours disponibles aux consommateurs, y compris les propres mesures de recours de l'entreprise, les activités de mise en Suvre de la FCA, le redressement par l'intermédiaire du Financial Ombudsman Service du R-U et le recours au Financial Services Compensation Scheme du R-U.

Pourquoi ces nouvelles propositions sont-elles pertinentes ?

Bien qu'innovateur, le devoir de protection du consommateur de la FCA, ainsi que ses règles et les objectifs visés, cherchent néanmoins à résoudre l'éternelle question liée au déséquilibre du pouvoir de négociation entre les consommateurs et les institutions financières, les asymétries d'information et le manque de compréhension des consommateurs en matière de produits et services financiers. En outre, l'objectif ultime demeure inchangé : une prise de décision plus éclairée de la part des consommateurs qui convient mieux à leurs besoins. 

Les attentes, exprimées sous forme d'exemples de comportement et de résultats, sont axées sur le principe de protection du consommateur, qui est proposé par le biais de deux énoncés potentiels :

Premier énoncé  : Une entreprise doit agir de façon à obtenir de bons résultats pour sa clientèle de détail.

Deuxièmeénoncé  : Une entreprise doit agir dans le meilleur intérêt de sa clientèle de détail.

Si l'on examine plus attentivement l'objectif des « communications » proposé par la FCA, cela exige qu'en plus d'être justes, claires et non trompeuses, les communications qui visent les consommateurs doivent être compréhensibles. Tel que mentionné ci-dessus, les entreprises devrontt démontrer à l'autorité réglementaire que leurs communications sont bien comprises par leurs clients. Pour sa part, le nouveau CPCPSF exige que les communications avec les consommateurs, sous forme d'information, de divulgation ou de publicité, ou encore celles qui cherchent à obtenir le consentement exprès des consommateurs, soient rédigées dans un langage clair, simple et de façon à ne pas induire en erreur. Il n'y a, toutefois, aucune obligation législative pour les institutions financières de mettre à l'essai ces communications pour s'assurer qu'elles soient bien comprises par les consommateurs. 

Le résultat proposé par la FCA lié aux « produits et services », qui prévoit que les produits et services soient « spécifiquement » conçus pour répondre aux besoins des consommateurs, n'est plus axé sur le but purement lucratif traditionnel du développement de produits mais vise plutôt à combler les manquements au niveau des besoins des consommateurs. De plus, les produits et services lancés sur le marché du R-U devront avoir le rendement prévu, forçant ainsi les entreprises à fournir et à confirmer les évaluations de rendement des produits auprès de la FCA. Au Canada, la législation sur le nouveau CPCPSF s'applique à la divulgation et aux ventes de produits et à leur convenence3 pour les consommateurs.

En outre, la fonction de « service à la clientèle » au sein des entreprises devra s'efforcer, selon les résultats proposés par la FCA, d'« agir dans l'intérêt des consommateurs » pendant la durée complète de la relation entreprise-client, élargissant ainsi la portée de ce « devoir » au domaine des services à la clientèle. 

Finalement, la FCA présente le fait que « le prix et la valeur » en tant que résultat proposé, et comme l'indique la rubrique à cet effet, vise à assurer que les consommateurs en aient pour leur argent. Pour parvenir à ce résultat, les entreprises devront démontrer que les avantages dérivés d'un produit soient satisfaisants, par rapport à son prix. Ce dernier résultat sert en quelque sorte d'avertissement aux entreprises pour éviter une intervention éventuelle visant la fixation de prix et de prix plafonds par l'autorité réglementaire. 

Même si l'on peut s'interroger sur la pertinence de suivre les développements sur la protection financière des consommateurs à l'étranger, il est important de se rappeler que plusieurs développements récents au Canada dans ce domaine, y compris le nouveau CPCPSF, ont été inspirés par les pratiques internationales provenant de pays comme le R-U. S'il est éventuellement considéré comme étant une pratique exemplaire par les organismes internationaux de réglementation ou de standardisation, le nouveau devoir de protection du consommateur de la FCA pourrait, un jour, se voir adopté plus largement par les organismes de réglementation de conduite du marché à l'échelle mondiale, y compris le Canada.

Footnotes

1 Consultez notre série d'articles sur le nouveau Cadre de protection des consommateurs de produits et services financiers.

2 Définies par la FCA comme « un point de friction excessif qui empêche les consommateurs de prendre des décisions dans leur propre intérêt, puisque cela s'appuie sur leurs préjugés comportementaux ». Le document donne en exemple une entreprise qui n'afficherait pas clairement le processus à suivre pour annuler un produit, ce qui complique la situation du client puisqu'il ne peut alors pas faire affaire avec une autre entreprise. Cela fait la différence entre des pratiques pas toujours fiables et les frictions, puisque dans le cas de certaines frictions, tels les délais de réflexion ou les contrôles de fraude, il s'agit plutôt de protéger le consommateur.

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Originally published 23, June 2021

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