Le droit de la société anonyme modifié au 1 janvier 2023 comporte des atoutset quelques potentiels écueils pour les établissements financiers.

Le 1 janvier 2023, le droit suisse de la société anonyme a subi une grande réforme. Voici uneprésentation de quatre modifications légales qui peuvent présenter un intérêt concret pourdes sociétés non cotées:

1. LES MONNAIES ÉTRANGÈRES

Le capital social peut être libellé en EUR, GBP, USD ou JPY pour autant qu'il s'agisse de lamonnaie la plus importante au regard des activités de l'entreprise. Si le capital social estlibellé dans une de ces monnaies, les comptes doivent être présentés dans cette mêmemonnaie et, dans ce cas, les contre-valeurs en francs suisses doivent aussi être indiquées.

Le droit de la SA n'oblige pas la société à augmenter son capital social.

Le capital social doit être de 100'000 francs au moins, ou de sa contre-valeur en monnaieétrangère, lors de la constitution de la société. A supposer qu'une société soit fondée avec uncapital en EUR et que cette monnaie se dévalue, la société aura, de fait, un capital socialinférieur à 100'000 francs. Le droit de la SA n'oblige pas la société à augmenter son capital social. Cette situation peut toutefois poser des problèmes réglementaires. Pour les gérants defortune, l'article 22 LEFin prescrit que le capital minimal de 100'000 francs «doit êtremaintenu en permanence». La Finma pourrait exiger une augmentation de capital sous peinede mesures administratives.

2. LES DIVIDENDES INTERMÉDIAIRES

Une société anonyme peut distribuer des dividendes à ses actionnaires en cours d'exercicesocial. Pour cela, la société doit dresser des comptes intermédiaires et au besoin faire réviserces comptes selon le régime applicable aux comptes annuels (opting-out, contrôle restreint ouordinaire). Le versement de dividendes intermédiaires présente en particulier un intérêtlorsque la société est vendue par ses actionnaires et qu'elle est censée être exempte debénéfices reportés au jour de la vente.

3. RENSEIGNEMENT DES ACTIONNAIRES

Dans des sociétés non cotées, des actionnaires représentant ensemble au moins 10% ducapital-actions ou des voix peuvent demander par écrit en tout temps des renseignements auconseil d'administration sur les affaires de la société. Le conseil d'administration est tenu defournir les renseignements dans un délai de quatre mois. Le nouveau droit permet ainsi auxactionnaires d'obtenir des renseignements sur la marche des affaires sans avoir à attendre uneassemblée générale.

4. ASSEMBLÉE GÉNÉRALE

Les modalités concrètes de tenue de l'assemblée générale sont élargies. Les assembléesgénérales peuvent désormais être tenues (i) sur plusieurs sites simultanément avecretransmission en direct entre les sites, (ii) sans lieu de réunion physique (visioconférenceuniquement) si les statuts le prévoient, ou (iii) à l'étranger si les statuts le prévoient.

En fin de compte, on garde l'impression générale que le droit de la SA est devenuencore plus complexe, sans que le législateur ait vraiment atteint un but clair.

La réforme est bien plus ample et il y aurait bien plus à écrire; il faudrait présenter les règlesde représentation des genres, ou de limitation des rémunérations, applicables aux entreprisescotées. Il faudrait évoquer également l'obligation du Conseil d'administration de surveiller lasolvabilité de la société.

Cette réforme poursuivait des buts divers: offrir des conditions plus souples aux entreprises,mieux protéger les actionnaires, assurer la responsabilité ESG des grandes entreprises. En finde compte, on garde l'impression générale que le droit de la SA est devenu encore pluscomplexe (et plus volumineux), sans que le législateur ait vraiment atteint un but clair.

Par ailleurs, toute réforme comporte son lot de difficultés liées au changement lui-même. Enl'occurrence, l'entrée en vigueur du nouveau droit de la SA s'insère difficilement dans leprocessus de licence LEFin. Certaines entités ont élaboré leur dossier de licence en 2021 ou2022. Dans ce contexte, elles ont proposé des modifications de leurs propres statuts, sanspouvoir anticiper le nouveau droit de la SA. Il est probable que ces entités devront revoir leurcopie et amender leurs statuts pour tenir compte du nouveau droit. En effet, le Registre ducommerce refuse les statuts qui ne sont pas conformes au droit en vigueur au moment de laréquisition d'inscription. Certaines sociétés ont pu se retrouver dans une situation kafkaïenneoù le Registre du commerce refusait des nouveaux statuts alors même que la Finma avaitapprouvé, en 2023, ces projets de nouveaux statuts.

Par exemple, les deux éléments suivants inscrits dans les statuts ont été considérés commebloquants par le Registre du commerce:

  • Mention que les actionnaires représentant 10% du capital social peuvent demanderl'inscription d'un objet à l'ordre du jour de l'assemblée générale, alors que le nouveau droitprévoit que ce droit revient aux actionnaires représentant 5% du capital social.
  • Liste prétendument exhaustive des compétences intransmissibles du Conseild'administration fondée sur l'ancien droit, qui ne tient donc pas compte des nouvellescompétences intransmissibles du Conseil d'administration.

En conclusion, l'adoption de nouveaux statuts présente depuis le 1 janvier 2023 des enjeuxparticuliers; les conseils d'un professionnel peuvent s'avérer utiles dans ce contexte.

Originally published 6 Feb 2023

The content of this article is intended to provide a general guide to the subject matter. Specialist advice should be sought about your specific circumstances.