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La décision de la Cour supérieure de l'Ontario, 2501373 Ontario Inc. et al. v. Selfe et al., 2025 ONSC 52161 (« Selfe »), est une bonne illustration de la raison pour laquelle l'appel de sentences arbitrales est l'exception et non la règle. En Ontario, une clause compromissoire prévoyant que les sentences sont « définitives et exécutoires » peut suffire à exclure un appel sur des questions de droit. Même si un tel appel est susceptible d'être interjeté, l'autorisation d'appel exige que l'on cerne une question de droit isolable. Les tribunaux ne le feront pas facilement.
Le différend
Un différend est survenu entre les parties à une convention d'achat d'actions (la « CAA ») après la clôture de l'opération. La CAA comprenait une clause compromissoire prévoyant ce qui suit :
La décision de l'arbitre est définitive et exécutoire pour les parties et ne peut faire l'objet d'un appel, que ce soit sur une question de droit, ou sur une question mixte de fait et de droit. Le jugement sur la sentence ou la décision rendue par l'arbitre peut être déposé auprès de tout tribunal compétent[2].
La partie qui n'a pas eu gain de cause à l'arbitrage a demandé l'autorisation de faire appel de la sentence arbitrale sur des questions qui, selon elle, étaient des questions de droit.
L'appel
Les appelants potentiels ont fait valoir que la clause compromissoire contenue dans la CAA ne s'appliquait pas. Ils ont soutenu que l'arbitrage était plutôt régi par les Modalités de nomination de l'arbitre, lesquelles étaient muettes sur la question des droits d'appel1. En vertu de la Loi de 1991 sur l'arbitrage de l'Ontario, une clause compromissoire qui ne traite pas de la possibilité d'interjeter appel relativement à des questions de droit permet de tels appels, mais uniquement sur autorisation du tribunal judiciaire2.
Le juge des requêtes a rejeté l'argument des appelants potentiels. Il s'est appuyé sur une interprétation littérale des Modalités de nomination, qui stipulaient que les parties soumettaient des différends en lien avec la CAA3. La Cour a noté que, lorsque les parties conviennent d'un arbitrage « définitif et exécutoire », comme elles l'avaient fait dans la clause compromissoire figurant dans la CAA, cela traduit une intention d'exclure un droit d'appel4.
Les appelants potentiels ont également soutenu qu'ils n'avaient pas envisagé la renonciation aux droits d'appel durant la négociation de la CAA. La Cour a conclu que cela n'était pas pertinent pour l'interprétation juridique de la clause5. Pour en arriver à cette conclusion, la Cour a tenu compte de la sophistication des parties et du fait qu'elles avaient dû recevoir des conseils juridiques6.
Le juge des requêtes a également déclaré que même si la clause compromissoire n'avait pas expressément exclu les appels, il n'aurait pas été possible d'interjeter un appel parce que les appelants potentiels n'avaient pas soulevé une question de droit isolable découlant des erreurs alléguées de l'arbitre7. Il y a « question de droit isolable » lorsqu'une question de droit peut être séparée entièrement du fondement factuel8. La Cour suprême du Canada a mis en garde les tribunaux contre le fait qu'il est trop facile de cerner des questions de droit isolables dans les différends contractuels9. La Cour de l'Ontario ne l'aurait pas fait ici.
En conséquence, la demande d'autorisation d'appel a été rejetée et la sentence arbitrale a été homologuée comme un jugement du tribunal10.
Points clés à retenir
La décision Selfe offre deux points clés à retenir pour les parties qui négocient des conventions d'arbitrage :
- Il faut veiller à exclure les appels. Dans Selfe, la Cour a conclu que le libellé de la clause compromissoire excluait les appels sur des questions de droit, mais elle a également noté que le simple fait d'indiquer que les sentences sont « définitives et exécutoires » pourrait suffire à exclure les appels sur des questions de droit en Ontario en vertu du par. 45(1) de la Loi de 1991 sur l'arbitrage. La preuve subjective de ce que les parties croyaient accepter n'évitera pas l'effet de ce libellé contractuel, surtout lorsque la convention d'arbitrage est conclue par des parties sophistiquées en matière commerciale.
- Les questions de droit isolables sont difficiles à cerner. Les tribunaux ne sont pas généreux lorsqu'ils interprètent les erreurs alléguées dans une sentence arbitrale comme soulevant des questions de droit isolables. En l'absence de telles questions, l'autorisation d'appel ne sera pas accordée, même si les appels ne sont pas exclus par contrat.
Footnotes
1 Selfe, au par. [18].
2 Loi de 1991 sur l'arbitrage, L.O. 1991, chap. 17, au par. 45(1).
3 Selfe, aux par. [19] à [21].
4 Selfe, aux par. [15] et [16].
5 Selfe, au par. [28].
6 Selfe, au par. [28].
7 Selfe, au par. [29].
8 Sattva Capital Corp. c. Creston Moly Corp., 2014 CSC 53, aux par. [53] et [54].
9 Selfe, aux par. [30] et [31]; Teal Cedar Products Ltd. c. Colombie‑Britannique, 2017 CSC 32, au par [45]; Ontario Minister of Transportation v. Link 427 General Partnership 2025 ONSC 2375, aux par. [17] et [18]; Earthco Soil Mixtures Inc. c. Pine Valley Enterprises Inc., 2024 CSC 20, au par. [28].
10 Selfe, aux par. [4], et [37] à [41].
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