Après de longs mois de négociation, le règlement européen sur les marchés de crypto-actifs (dit « Règement MiCA » pour « Markets in Crypto-Assets ») a été adopté au printemps dernier.

Le règlement complet est disponible ici. Nous vous expliquons ci-dessous les principaux points à retenir du Règlement MiCA.

Issu d'un ensemble de mesures portant sur la finance numérique (le « Digital finance package »), le Règlement MiCA dote l'Union européenne d'un cadre harmonisé en matière de crypto-actifs. Nous avions dressé un panorama du régime posé par le Règlement MiCA lors d'un précédent article.

La France a été précurseur en la matière en adoptant une réglementation définissant et encadrant les actifs numériques dès 2019 avec la loi PACTE1. Pour autant, le Règlement MiCA représente un important pas en avant dans la régulation.

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Des PSAN aux PSCA : la montée en puissance de la régulation

La réglementation sur les crypto-actifs procède d'un renforcement continu des exigences envers les acteurs du secteur. Si une réglementation de l'activité a rapidement paru nécessaire, le législateur n'a pas voulu « tuer l'innovation » en imposant aux nouveaux acteurs des contraintes trop lourdes.

Un régime initial soucieux de préserver l'innovation

Les exigences posées initialement par la loi PACTE pour obtenir l'enregistrement PSAN se limitaient schématiquement à un contrôle de l'honorabilité des dirigeants et à la mise en place de mesures de lutte contre le blanchiment des capitaux et le financement du terrorisme (LCB-FT).

Si le processus d'enregistrement auprès des autorités (AMF et ACPR) a pu paraître lourd à de nombreux acteurs, ces exigences étaient considérées comme le minimum attendu d'entités souhaitant fournir des services sur actifs numériques. Cet enregistrement, dit « simple », a suffi dans un premier temps pour fournir les services réglementés définis par la loi.

La loi PACTE a néanmoins mis en place une autre procédure, beaucoup plus exigeante : l'agrément. Ce dernier n'est pas nécessaire pour fournir les services réglementés, mais seulement optionnel. Il permet à l'entité agréée d'accéder à certains avantages dont ne bénéficient pas les sociétés qui ont été simplement enregistrées. En particulier, l'agrément facilite la commercialisation par le prestataire de ses services en permettant la publicité en ligne et le démarchage.2

L'enregistrement PSAN a rencontré un grand succès : pas loin d'une centaine de sociétés l'ont obtenu à ce jour, dont beaucoup de nouveaux acteurs. L'agrément, quant à lui, n'a été obtenu que par une seule société à date : Société Générale - Forge.

La réaction aux scandales : l'enregistrement renforcé

Le monde crypto a été touché par de nombreux scandales. La faillite spectaculaire de FTX a particulièrement marqué les esprits. M. Sam Bankman-Fried, dirigeant déchu de FTX, a d'ailleurs récemment été reconnu coupable de sept chefs d'accusation. Si sa peine n'a pas encore été prononcée, il encourt jusqu'à 110 ans de réclusion criminelle.

En réaction à ces scandales, le législateur français a élevé le niveau d'exigence envers les PSAN. Après avoir un temps envisagé d'imposer l'agrément à tous les PSAN, le Parlement a opté pour un enregistrement renforcé à travers la loi DDADUE du 9 mars 20233.

Cet enregistrement est plus exigeant que le précédent. Outre ce qui était déjà demandé, les autorités contrôlent à présent que les prestataires disposent en permanence :

  • d'un dispositif de sécurité et de contrôle interne adéquat ;
  • d'un système de gestion des conflits d'intérêts ;
  • d'un système informatique résilient et sécurisé.

Un certain nombre d'autres mesures sont également attendues des PSAN souhaitant obtenir l'enregistrement renforcé. Pour plus de détails à ce sujet, nous vous invitons à lire notre précédent article.

Vers l'agrément MiCA

La dernière étape de cette montée en puissance de la régulation du monde crypto arrive avec l'entrée en application du Règlement MiCA.

Relevons que ce règlement utilise une nouvelle terminologie : alors que la loi française parle d' « actifs numériques », le règlement MiCA parle lui de « crypto-actifs ». Ainsi, les prestataires de services sur ces actifs ne sont plus appelés des PSAN (prestataires de services sur actifs numériques) mais des PSCA (prestataires de services sur crypto-actifs).

Le Règlement MiCA impose l'obtention d'un agrément aux PSCA souhaitant fournir dans l'Union Européenne un certain nombre de services énumérés à l'article 3, §16 du règlement (dans la définition de la notion de « service sur crypto-actifs »). Il convient de noter que cette liste est plus exhaustive que celle donnée aujourd'hui par le code monétaire et financier. Plus précisément, les services énumérés au 5° de l'article L. 54-10-2 du code monétaire et financier, qui sont aujourd'hui exemptés d'enregistrement nécessiteront l'obtention d'un agrément en application du Règlement MiCA.

Sont notamment concernés :

  • la réception et la transmission d'ordres sur actifs numériques pour le compte de clients ;
  • la fourniture de services de gestion de portefeuille de crypto-actifs ;
  • la fourniture de conseil en crypto-actifs ;
  • le placement de crypto-actifs.

En outre, l'agrément mis en place par le Règlement MiCA, inspiré de celui imposé aux prestataires de services d'investissement (PSI) de la finance classique, est bien plus exigeant que l'enregistrement PSAN, simple ou renforcé.

Les sociétés ayant aujourd'hui obtenu un enregistrement vont donc devoir fournir un effort important pour atteindre le niveau d'exigence requis par le Règlement MiCA.

Une entrée en application du règlement MICA progressive

Enregistrement simple, enregistrement renforcé, agrément optionnel, agrément MiCA : l'enchevêtrement de ces différents régimes introduit une certaine complexité. Pour y voir plus clair, il est important de déterminer l'ordre chronologique de l'entrée en application de ces différents régimes.

De l'enregistrement simple à l'enregistrement renforcé

En application de la loi DDADUE, les dispositions relatives à l'enregistrement renforcé entreront en vigueur à partir du 1er janvier 2024.

Plus précisément, le régime de l'enregistrement simple est applicable aux PSAN ayant déposé avant le 1er juillet 2023 une demande d'enregistrement considérée comme complète par l'AMF. Pour les demandes déposées après cette date, le régime de l'enregistrement renforcé s'applique.

Attention néanmoins : l'AMF a eu l'occasion de préciser dans sa doctrine « Questions-réponses relatives au régime des prestataires de services sur actifs numériques » que lorsqu'un PSAN dispose d'un enregistrement simple et demande par la suite une extension de son enregistrement à un nouveau service, il devra se conformer au régime de l'enregistrement renforcé pour l'ensemble des services proposés, y compris ceux pour lesquels il avait obtenu un enregistrement simple.4

Vers l'agrément MiCA

En application de son article 149, le Règlement MiCA entrera en application à partir du 30 décembre 2024.5

Un article du règlement est néanmoins consacré aux mesures transitoires.

Ainsi, en application de l'article 143, les PSCA qui fournissent leurs services conformément au droit applicable avant le 30 décembre 2024 peuvent continuer à le faire jusqu'au 1er juillet 2026.

La loi DDADUE est venue préciser que les PSAN enregistrés ou agréés en France avant l'entrée en application du règlement MiCA pourraient continuer de fournir leurs services jusqu'à la fin de la période transitoire.

Ainsi, en France, les prestataires ayant obtenu l'enregistrement simple, l'enregistrement renforcé ou l'agrément optionnel pourront continuer à exercer leurs activités jusqu'au 1er juillet 2026.

Il en va de même pour les PSAN fournissant les services mentionnés au 5° de l'article L. 54-10-2 du code monétaire et financier, qui ne requièrent pas aujourd'hui d'autorisation préalable des autorités.

Le schéma ci-après synthétise la chronologie de l'entrée en application des différents textes :

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Pour finir, il convient de noter qu'un certain nombre de modifications sont attendues avant l'entrée en application du Règlement MiCA. Ainsi, les articles relatifs à l'agrément PSAN du code monétaire et financier sont appelés à évoluer.

La loi DDADUE habilite le Gouvernement à prendre par voie d'ordonnance, dans le délai d'un an à compter de la promulgation de la loi, toute mesure pour assurer la cohérence du droit français avec le Règlement MiCA.

L'AMF a déjà commencé à modifier son règlement général et sa doctrine pour prendre en compte l'entrée en application de l'enregistrement renforcé puis du Règlement MiCA. Dans ce cadre, un certain nombre d'exigences de l'enregistrement renforcé et de l'agrément optionnel ont été alignées sur celles du Règlement MiCA.

Enfin, de nombreux textes d'application sont attendus au niveau européen, pour préciser la mise en Suvre pratique du Règlement MiCA.

Les autorités de régulation insistent sur le fait qu'il convient de se préparer dès maintenant pour les prochaines étapes.

Pour une société qui aurait obtenu l'agrément simple – ou même renforcé – la mise à niveau nécessaire afin de se conformer aux dispositions du Règlement MiCA représente une marche considérable, qui doit être anticipée.

Footnotes

1. Loi n° 2019-486 du 22 mai 2019 relative à la croissance et la transformation des entreprises

2. Articles L. 222-16-1 et L. 222-16-2 du code de la consommation ; article L. 341-10 du code monétaire et financier.

3. Loi n° 2023-171 du 9 mars 2023 portant diverses dispositions d'adaptation au droit de l'Union européenne dans les domaines de l'économie, de la santé, du travail, des transports et de l'agriculture

4. Position-Recommandation 2020-07

5. Il convient de noter que les dispositions relatives aux stablecoins entreront en vigueur plus tôt, dès le 30 juin 2024.

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