La procédure est enfin définie !

Un Décret du 17 avril dernier marque l'entrée en vigueur du dispositif de présomption de démission en cas d'abandon de poste par le salarié. Il a pour objet de préciser la procédure à mettre en œuvre afin d'activer ce nouveau mécanisme. Si le Questions/Réponses publié par le Ministère du Travail dans la foulée permet de compléter le Décret, il laisse malgré tout planer quelques zones d'ombre.

Pour mémoire, la présomption de démission en cas d'abandon de poste était l'une des mesures phares de la loi dite « Marché du travail », qui avait fait couler beaucoup d'encre.

L'article L.1237-1-1 du Code du travail dispose désormais que : « Le salarié qui abandonne volontairement son poste et ne reprend pas le travail après avoir été mis en demeure de justifier son absence dans le délai fixé par l'employeur est présumé avoir démissionné. ».

Concrètement, jusqu'à présent, le salarié qui abandonnait son poste de travail faisait l'objet d'un licenciement disciplinaire (pour faute grave), ce qui lui permettait de prétendre au versement d'allocations chômage. Avec ce nouveau mécanisme, dont l'objectif affiché est de limiter drastiquement les abandons de poste injustifiés, le salarié présumé démissionnaire ne peut plus, en principe, percevoir d'allocations chômage.

Un Décret était toutefois attendu pour l'entrée en vigueur de cette mesure. Il est paru fin avril, de même qu'un Questions/Réponses (« Q/R ») rédigé par le Ministère du travail, censé combler certaines interrogations.

Ainsi, dorénavant, l'employeur faisant face à un abandon de poste, doit, s'il souhaite se prévaloir d'une présomption de démission, mettre en demeure le salarié de reprendre son poste de travail et de justifier de son absence dans un délai d'au moins 15 jours.

Cette mise en demeure devra être adressée par LRAR. On oubliera la lettre remise en main propre, pourtant prévue par le Décret, qui peut s'avérer difficile à délivrer à un salarié absent (sic).

Au préalable, l'employeur devra, bien évidemment, s'assurer du respect des délais applicables (notamment issus du Règlement Intérieur de l'entreprise) accordés pour justifier de l'absence.

En outre, la lettre de mise en demeure doit être rédigée avec soin et :

  • Enjoindre au salarié de reprendre son poste de travail et préciser dans quel délai ;
  • Demander au salarié de justifier la raison de son absence, dans un délai plancher de 15 jours calendaires à compter de la date de présentation de la lettre de mise en demeure ;
  • Préciser qu'en l'absence de reprise de poste à l'issue du délai imparti, le salarié sera présumé démissionnaire.

Il est, par ailleurs, vivement recommandé d'indiquer les conséquences d'un refus de reprise de poste, à savoir :

  • La privation de l'indemnisation chômage ;
  • Le respect d'un préavis ; le silence du salarié pouvant être considéré comme un refus d'exécution.

Le salarié peut faire valoir un motif légitime de nature à faire obstacle à la présomption de démission. Il doit alors l'indiquer dans sa lettre de réponse à la mise en demeure.

Les exemples de motifs légitimes cités par le nouvel article du Code du travail sont : les raisons médicales, l'exercice du droit de retrait ou du droit de grève, le refus d'exécuter une instruction contraire à la réglementation, ou une modification du contrat de travail à l'initiative de l'employeur, cette liste n'étant pas exhaustive.

En revanche, le salarié est présumé démissionnaire :

  • S'il ne répond pas dans le délai imparti ;
  • S'il répond qu'il ne reprendra pas son poste de travail ;
  • Si ses justifications n'apparaissent pas comme étant de nature à remettre en cause la présomption de démission.

Dans ces cas, comme pour une démission, le salarié est censé effectuer un préavis. En pratique, il est fort probable qu'il ne revienne pas travailler au sein de l'entreprise et l'employeur n'aura donc pas à verser d'indemnité de préavis. En revanche, le salarié a droit au versement d'une indemnité compensatrice de congés payés, correspondant aux jours acquis, mais non pris. Le sort de la clause de non-concurrence devra également être scellé, mais quand ? Dans la lettre de mise en demeure sans que cette lettre ne devienne lettre de rupture ?! Ce point n'est pas abordé par le Q/R du Ministère du travail et devra faire l'objet d'une attention particulière.

La présomption de démission étant une présomption simple, elle peut faire l'objet d'une contestation par le salarié dans le cadre d'une saisine directe du bureau de jugement du Conseil de prud'hommes qui disposera (en théorie) d'un délai d'un mois pour statuer :

  • Soit le motif d'absence est légitime, la rupture produira les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse (barème Macron), voire nul (indemnité dont le montant ne pourra être inférieur aux salaires des six derniers mois) ;
  • Soit le motif d'absence est illégitime, la rupture produira alors les effets d'une démission.

En tout état de cause, il s'agira d'être prudent dans la mise en œuvre de cette procédure, notamment selon le contexte entourant l'absence du salarié (non-reprise du travail à l'issue d'une absence justifiée telle qu'un arrêt de travail pour maladie ou encore des congés payés ? Absence suite à un différend ? …).

L'employeur devra décider s'il agit ou non. Il n'a en effet aucune obligation d'engager cette nouvelle procédure en cas d'abandon de poste. S'il décide de ne pas agir, le contrat de travail sera suspendu, et, par voie de conséquence, le versement de la rémunération aussi, le salarié demeurant alors dans les effectifs de l'entreprise.

L'inaction de l'employeur pourrait cependant s'avérer problématique à l'avenir et empêcher l'employeur de sanctionner le salarié, bien que cette position serait à notre sens contraire au principe fondamental de la liberté d'entreprendre.

Une interrogation demeure quant à la validité d'une procédure de licenciement pour faute à l'encontre du salarié. Le Q/R du Ministère du travail, n'apporte aucun éclaircissement sur ce point.

A terme, l'employeur qui licencierait un salarié abandonnant son poste de travail s'exposerait-il au risque de voir ce licenciement remis en cause ? La jurisprudence nous éclairera certainement, affaire à suivre donc…

S'agissant d'une procédure à la fois récente et spécifique Grant Thornton Société d'Avocats reste à votre disposition afin de vous accompagner dans la mise en œuvre de ce nouveau dispositif dans le cadre de votre politique RH.

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