La Loi Pouvoir d'achat a créé un nouveau dispositif de prime exonérée de charges sociales s'apparentant à la précédente prime dite « PEPA », applicable à compter du 1er juillet 2022. Loin d'un engouement généralisé, les entreprises ont-elles attendu l'instruction du BOSS du 10 octobre avant de déployer ce dispositif ? De nombreuses questions demeurent.

 La PPV succède à la prime exceptionnelle de pouvoir d'achat (PEPA). Elle conserve les principales caractéristiques mais s'en différencie par sa pérennisation et les nouvelles possibilités de porter le montant maximal exonéré de charges fiscales et sociales de 3 000 € à 6 000 €.

L'employeur n'a aucune obligation de verser la PPV mais pour être éligible aux exonérations fiscales et sociales prévues, il devra en respecter les conditions légales.

Si la PPV contribue à améliorer le pouvoir d'achat des salariés, elle n'est pas à proprement dit un élément de la politique salariale des entreprises.

L'interdiction de substituer la PPV au salaire La PPV ne doit en aucun cas se substituer à :

  • un élément de rémunération qui est versé par l'employeur ou qui devient obligatoire en application de règles légales, contractuelles ou d'usage ;
  • une augmentation de rémunération ou prime prévue par un accord salarial, le contrat de travail ou un usage en vigueur dans l'entreprise ou l'établissement.

La PPV ne saurait non plus être versée sous la forme d'un supplément d'intéressement ou de participation.

Le versement de la prime n'est pas mensualisable mais peut être fractionné dans la limite d'une fois par trimestre au cours de l'année civile.

Les questions sur le montant de la prime

Pour bénéficier intégralement du régime social et fiscal de faveur, la PPV ne doit pas dépasser, quel que soit le niveau de rémunération du salarié :

  • 000 € par bénéficiaire et par année civile, ou;
  • 000 € par an en présence d'un accord d'intéressement pour les entreprises éligibles à la participation ou pour les entreprises de moins de 50 salariés non tenues de mettre en place la participation, la présence d'un dispositif volontaire de participation ou un accord d'intéressement.

Toutefois, le montant de la prime est librement déterminé par l'employeur. Il est possible de verser une prime supérieure ou inférieure. La PPV peut être versée à une partie seulement des salariés par l'exclusion de ceux dont la rémunération est supérieure à un plafond. Un même employeur peut attribuer des montants de prime différents selon l'établissement dont relèvent les salariés, voire attribuer la prime seulement aux salariés relevant d'un ou plusieurs établissements.

Il est possible de moduler la prime entre les bénéficiaires en fonction de la rémunération (étant précisé que rien n'empêcherait techniquement de privilégier les plus gros salaires), du niveau de classification, de l'ancienneté dans l'entreprise, de la durée de présence effective pendant l'année écoulée ou encore de la durée de travail prévue au contrat de travail. Si ces critères de modulation peuvent être combinés, aucun autre critère n'est en revanche admis.

Ces conditions s'apprécient sur les 12 mois précédant le versement de la prime à l'exception de celle de l'ancienneté.

Si la rémunération à retenir pour le plafond de rémunération requise pour bénéficier de l'exonération d'impôt sur le revenu et de CSG[1]CRDS est définie par la loi, ce n'est pas le cas de la rémunération servant de base au critère de modulation du montant de la prime. L'acte juridique instituant la prime (accord ou DUE) peut[1]elle le définir librement ?

Que faire lorsque l'acte ne précise rien ?

Si au cours des 12 mois précédant le versement de la prime, le salarié n'a perçu aucune rémunération (par exemple en cas d'arrêt maladie longue durée), la prime à verser sera-t-elle d'un montant nul ou faut-il fixer un montant plancher ?

Des questions restent en suspens. La PPV peut[1]elle aboutir pour certains salariés à une prime égale à zéro ? L'employeur doit-il fixer un plancher minimal de versement, quel que soit le critère retenu ? Et pourquoi apprécier l'ensemble de ces critères sur les 12 mois précédant le versement de la prime alors que la loi le prévoit uniquement pour le critère de la durée de présence effective ?

Nous ne pouvons que conseiller aux employeurs de clarifier ces éléments ainsi que la date et les modalités de versement dans l'acte instituant le paiement de la prime :

  • soit par un accord d'entreprise ou de groupe, conclu suivant les mêmes modalités qu'un accord d'intéressement ;
  • soit par décision unilatérale de l'employeur, précédée de la consultation du comité social et économique.

Il convient de préciser qu'il n'y a pas d'obligation de négociation avant la prise d'une décision unilatérale puisqu'il n'y a pas de hiérarchie entre ces deux modes de mise en place de la PPV.

Conséquences du non-respect des conditions: un certain droit à l'erreur

Le bénéfice de l'exonération de charges sociales est conditionné pour l'employeur au respect de l'ensemble des conditions d'attribution (Cf. supra). En cas de contrôle ultérieur donnant lieu au constat d'un non-respect de l'une ou de plusieurs conditions, les employeurs seront invités à régulariser la situation afin d'éviter la remise en cause de l'ensemble de l'exonération.

A défaut, le redressement pourra être réduit à proportion des seules erreurs commises c'est-àdire à hauteur des cotisations et contributions sociales dues sur les seules sommes faisant défaut ou excédant les conditions et limites prévues par la loi.

Par ailleurs, en cas d'exonération par l'employeur des primes excédant le plafond de 3 000 € ou 6 000 € par salarié, seule la part excédant cette limite sera assujettie dans les conditions de droit commun.

En revanche, aucun régime de faveur ne semble être prévu en cas de constat de substitution de salaire par l'employeur. Le contentieux URSSAF risque d'être prolifique en la matière.

En conclusion, ce nouvel outil se veut-il réellement comme concourant à un partage de la valeur comme son nom l'indique ?

Certes, le plafond d'exonération des cotisations sociales est doublé en présence d'un accord d'intéressement et/ou de participation.

Néanmoins, nous sommes loin d'un outil corrélé à la performance et à la motivation ou à un projet collectif d'entreprise. Il se dédouane en tant que prime de la logique des outils d'épargne salariale qui ont été construits depuis plus de 30 ans (participation, intéressement).

Par ailleurs, cette prime semble plus répondre à un objectif court-termiste et opportuniste qu'un projet à long court. Ne peut-on pas voir un risque de freiner l'élan de l'épargne salariale qui contribue au partage de la valeur de l'entreprise et en particulier de l'intéressement dans la mesure où les accords conclus en 2022 auront la possibilité de neutraliser la PPV dans leur calcul ?

Enfin, on ne peut que déplorer l'absence d'obligation de négociation avant la prise d'une décision unilatérale visant à mettre en place la PPV pour les entreprises disposant de partenaires sociaux. Il est regrettable dans le contexte actuel que les pouvoirs publics n'aient pas saisi cette occasion de renforcer le dialogue alors que la crise sociale gronde et que les conflits sociaux se multiplient.

 #3/ La prime de partage de la valeur vraie ou fausse bonne idée ? (avocats-gt.com)

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