Introduction
La presse s'est fait l'écho récemment d'une tentative par un grand groupe de divertissement d'empêcher un homme d'intenter une action en justice contre l'une de ses filiales au motif qu'il aurait accepté une clause d'arbitrage dans les conditions générales de sa plate-forme de streaming.
En quelques mots et toujours selon la presse, le demandeur avait perdu son épouse, décédée d'un choc anaphylactique, après avoir mangé dans l'un de ses parcs à thème.
Après quelques jours, le groupe a fait machine arrière expliquant renoncer à la clause d'arbitrage.
Ce cas d'école a eu lieu aux Etats-Unis, mais il n'est pas inintéressant de se poser la question de comment il aurait pu être jugé en Suisse. Se posent notamment les questions de savoir si une clause d'arbitrage peut être insérée dans des conditions générales, si elle peut être transposée d'une filiale d'un groupe à une autre, ou encore de son applicabilité en cas de mort d'homme.
La présente contribution se concentrera sur la première question : une clause d'arbitrage insérée dans des conditions générales est-elle valable ?
Qu'est-ce que l'arbitrage
C'est en principe l'Etat qui a le monopole de la gestion et de la résolution des conflits. Il arrive parfois que des parties décident avant ou à l'occasion d'un différent de régler leur conflit par procédure d'arbitrage. Elles désignent un ou plusieurs arbitres qui auront pour tâche de rendre une décision sur leur différend selon une procédure propre. Ce mode de règlement des litiges est couramment utilisé en Suisse ou à l'étranger dans les domaines commerciaux, financiers, et sportifs, ainsi que dans les relations internationales. Les décisions arbitrales sont généralement contraignantes et peuvent être exécutées par les tribunaux. Tout n'est pas arbitrable ! Par exemple, les litiges relatifs aux questions de statut des personnes (mariages, divorce), en matière de poursuites et faillites, en matière pénale ne peuvent pas être soumis à une procédure d'arbitrage.
La clause d'arbitrage
Pour pouvoir être régler par voie d'arbitrage, un différend doit être soumis à une clause d'arbitrage.
En Suisse, d'un point de vue formel, la clause d'arbitrage doit être conclue par écrit, télégramme, télex, télécopieur ou tout autre moyen de communication qui permet d'en établir la preuve par un texte. La forme écrite (non qualifiée) est une condition de validité de la convention d'arbitrage. Il s'agit ici de vérifier que les parties ont bel et bien voulu recourir à la justice privée, renoncer au juge étatique, ainsi qu'aux possibilités de recours existantes en procédure étatique. La clause d'arbitrage doit contenir, a minima, les éléments suivants : l'identité des parties, la volonté de celles-ci de recourir à l'arbitrage et l'objet sur lequel devra porter la procédure arbitrale. A priori, la clause d'arbitrage n'a pas besoin d'être signée électroniquement ou manuellement et peut résulter d'un échange d'emails.
Il résulte de ce qui a été dit plus haut, qu'une clause d'arbitrage insérée dans des conditions générales répondrait aux exigences de forme serait, à priori, valable pour autant que le litige en question soit arbitrable.
La notion de la clause dite « insolite »
Attention toutefois, tout n'est pas permis dans des conditions générales...
La jurisprudence suisse applique la notion de « clause insolite » pour déterminer la validité des conditions générales. Selon celle-ci, l'acceptation des conditions générales ne couvre pas les clauses qui sont inhabituelles et sur lesquelles l'attention de la partie la plus faible ou la moins expérimentée n'a pas été attirée. Plus une clause porte atteinte à la position juridique d'une partie, plus elle est considérée comme insolite. En application de ces principes, une clause d'arbitrage peut être considérée comme nulle si elle est inhabituelle au point que la partie qui l'a acceptée, n'aurait raisonnablement pas pu s'attendre à une telle clause dans les conditions générales.
De plus, l'article 8 de la Loi sur la concurrence déloyale prohibe l'utilisation de conditions commerciales abusives dans les contrats conclus avec des « consommateurs ». Le droit suisse ne contient pas de définition uniforme de « consommateur ». Cependant, dès lors qu'une plate-forme de streaming offre des services de masse à des personnes physiques, il pourrait être admis que le preneur de services est un consommateur au titre de la loi.
En application de ces principes, une clause d'arbitrage devrait donc être considérée comme nulle si elle est inhabituelle au point que la partie qui l'a acceptée n'aurait raisonnablement pas pu s'attendre à une telle clause dans les conditions générales. Elle pourrait aussi être qualifiée de « pratique commerciale abusive » et partant ne pas être appliquée par un tribunal en Suisse.
Conclusion
Les consommateurs en Suisse peuvent respirer : une clause d'arbitrage contenue dans des conditions générales devrait être qualifiée d'inhabituelle ou de pratique commerciale abusive et partant ne pas être appliquée par un juge suisse.
Toutefois, au vu des avantages présentés par l'arbitrage pour une entreprise commerciale active de manière internationale (confidentialité, consistance des décisions), il n'est pas exclu que la question se pose à nouveau bientôt. Il s'agira alors au juge étatique de trancher !
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