Les Chambres fédérales ont adopté le Code de procédure civile suisse (CPC) pour unifier les procédures civiles des cantons. Le Conseil fédéral en a fixé l'entrée en vigueur le 1er janvier 2011.

Le 17 mars 2023, l'Assemblée fédérale a adopté la modification du CPC « afin d'améliorer, après douze ans de pratique, la mise en œuvre de la procédure civile en faveur du justiciable ».

L'art. 239 CPC ne subit aucune modification : il permet au tribunal de communiquer sa décision aux parties sans motivation, par simple remise du dispositif écrit. Cette possibilité s'applique à tous les types de procédures, en particulier en procédure sommaire dont la vocation est d'être simple et rapide.

Pressentant l'effet pervers de cette disposition, le Conseil fédéral avait précisé en 2006 déjà : « La remise d'emblée d'une motivation écrite par le tribunal peut toutefois se révéler plus appropriée dans certains cas. On pense ici à des décisions prises en procédure sommaire : dans ces cas, la motivation peut être succincte et n'occasionner que peu de travail aux tribunaux. La procédure de recours s'en trouve simplifiée et raccourcie » (Message du Conseil fédéral relatif au code de procédure civile suisse CPC) du 28 juin 2006 (FF 2006 6841, 6952).

I. De la solution retenue par certaines juridictions cantonales dont celles de Vaud et de Zurich

La jurisprudence du canton de Vaud établit que la décision de première instance n'est exécutoire qu'une fois la motivation du jugement notifiée aux parties dans la mesure où elle aura été demandée en vertu de l'art. 239 al. 2 CPC.

Pour en arriver à cette conclusion, les tribunaux vaudois, reprenant la réflexion de l'Obergericht de Zurich, appliquent par analogie l'art. 112 LTF aux décisions rendues par une autorité de première instance cantonale. Selon cette jurisprudence, puisque l'objet de cet article est le même que celui de l'art. 239 CPC, soit celui de l'efficacité de la procédure, l'analogie paraîtrait justifiée. Il conviendrait donc, en application par analogie de l'art. 112 al. 2 LTF, de conditionner l'obtention du caractère exécutoire de la décision de première instance, à la notification de la motivation (Corboz, op. cit., n. 51 ad art. 112 LTF). Cette jurisprudence estime également – puisqu'elle ne peut admettre l'inverse sans se contredire – que la communication du dispositif n'entraîne également pas l'entrée en force de la décision.

II. De la critique nécessaire d'une méthode qui ne reflète pas le droit en vigueur

Une partie de la doctrine considère que les juridictions vaudoises se trompent lorsqu'elles font une analogie avec l'art. 112 LTF. En effet, Daniel Staehelin fait valoir que l'analogie avec la LTF n'a pas lieu d'être puisque le législateur, à dessein, a renoncé à introduire une mesure similaire dans le CPC (STAEHELIN, in Kommentar zur Schweizerischen Zivilprozessordnung, n. 34 et 35, ad 239 CPC).

Selon Michel Heinzmann et Guillaume Braidi, même la jurisprudence du Tribunal fédéral, niant le caractère exécutoire au dispositif des décisions de deuxième instance, sur lequel se basent les cantons de Vaud et Zurich, est critiquable. En effet, la réflexion des juges se fonde sur l'art. 112 al. 2 LTF, aujourd'hui devenu obsolète selon ceux mêmes qui sont à l'origine de cet arrêt (petit commentaire CPC, art. 239, no 11). Partant, cette jurisprudence ne saurait, selon ces deux auteurs, être transposée aux décisions de première instance. D'autant plus qu'en l'absence d'une disposition similaire à l'art. 112 al. 2 LTF dans le CPC, aucune application de cette jurisprudence du Tribunal fédéral ne saurait être retenue (BASTONS BULLETTI, CPC online).

Selon un arrêt fribourgeois, la solution retenue par les Cours vaudoises ignore les art. 315 al. 4 et 325 al. 1 CPC, dont il résulte que les décisions visées sont immédiatement exécutoires et non pas seulement – comme le prétendent les Tribunaux vaudois – dès la notification d'une motivation (TC/FR 101 2018 312).

Dans ce sens, Daniel Staehelin est d'avis que dans le cas d'une décision qui pourra être attaquée avec une voie de droit n'ayant pas d'effet suspensif automatique, cette décision est exécutoire dès la notification du seul dispositif (petit commentaire CPC ; et les références citées). Son avis est repris dans le message relatif à la modification du CPC (FF 2020 2607, 2682) qui explique vouloir codifier dans son nouvel art. 336 al. 3 P-CPC, un principe qui « vaut déjà dans le droit en vigueur ».

De plus, le caractère déraisonnable de cette pratique désuète n'est qu'amplifiée par la lenteur excessive des tribunaux lorsqu'il s'agit de rédiger ces motivations. En effet, la motivation doit intervenir rapidement, non seulement dans un but d'efficacité, mais aussi de par sa nature, qui se veut une motivation simple et courte. Puisqu'en procédure sommaire la motivation peut être succincte et donc n'occasionner que peu de travail aux tribunaux, ces derniers ne peuvent faire valoir de raisons valables, justifiant de l'attente interminable infligée aux parties (TF 4A_72/2014 du 2 juin 2014, c. 5).

Ainsi, un grand nombre d'auteurs de doctrine, dont Daniel Staehelin, Michel Heinzmann, Françoise Bastons Bulletti et Guillaume Braidi, sont d'avis que le caractère exécutoire d'une décision de première instance, sujette à recours non suspensif, doit être reconnu dès la notification de son seul dispositif. De nombreuses juridictions cantonales appliquent cette réflexion dans leurs jugements. Même le législateur s'est rangé à l'opinion de ces auteurs dans le projet de révision du CPC, accepté par l'assemblée fédérale.

III. De l'intervention du législateur fédéral

Ainsi, ce débat doctrinal oppose deux points de vue. L'un favorise le débiteur, reconnu comme tel par un jugement, au dépend du créancier qui ne peut faire exécuter le jugement en sa faveur. L'autre cherche à concilier au mieux le droit du créancier de demander l'exécution de sa créance et la protection du débiteur contre une exécution forcée à laquelle il n'aurait pu s'opposer par la voie d'un recours.

Désormais cette controverse est résolue par décision de l'Assemblée fédérale qui a adopté le 17 mars 2023 un article 336 al. 3 CPC dont la teneur est la suivante : « Une décision communiquée sans motivation écrite (art. 239) est exécutoire aux conditions posées à l'al. 1 ».

Ainsi, la pratique des autorités vaudoises et zurichoise est erronée depuis l'entrée en vigueur du CPC, le 1er janvier 2011. Les créanciers qui ont eu à subir des retards et les dommages qui en ont découlé, pourraient y réfléchir.

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