I. ProcÉdure pÉnale

TF 7B_16/2023

Qualité pour recourir en lien avec des prétentions de droit public [p. 2]

TF 7B_232/2023

Violation du droit d'être entendu,
délai pour répliquer de 3 jours insuffisant [p. 3]

TF 7B_79/2022

Qualité pour recourir des parties plaignantes, individualisation des prétentions civiles
[p. 3]

TF 6B_81/2023

Punissabilité de manifestations illicites pour le climat [p. 4]



II. Droit pÉnal Économique

TF 6B_666/2023

Escroquerie, valeur probante d'une facture pour un faux dans les titres, substitution de lésé dans l'acte d'accusation [p. 5]

TF 6B_813/2023

Tromperie astucieuse et dolosive dans le cadre de la fraude au crédit [p. 6]



III. Droit international privÉ

IV. Droit de la poursuite et de la faillite

TF 5A_810/2023

Opposition à séquestre, non-paiement de contributions d'entretien, caractère conditionnellement exécutoire du jugement [p. 7]

V. entraide internationale

TF 1C_540/2023

Entraide avec le Brésil, remise de documentation bancaire et remise de fonds [p. 8]



Quelques propos introductifs

La présente Newsletter de Monfrini Bitton Klein vise à offrir, de manière hebdomadaire, un tour d'horizon de la jurisprudence rendue par le Tribunal fédéral dans les principaux domaines d'activité de l'Etude, soit le droit pénal économique et le recouvrement d'actifs (asset recovery).

Sans prétendre à l'exhaustivité, seront reproduits ci-après les considérants consacrant le raisonnement juridique
principal développé par notre Haute juridiction sur les thématiques suivantes: droit de procédure pénale, droit pénal économique, droit international privé, droit de la poursuite et de la faillite, ainsi que le droit de l'entraide
internationale.

I. PROCÉDURE PÉNALE

TF 7B_16/2023 du 10 janvier 2024 | Qualité pour recourir en lien avec des prétentions de droit public - refus de l'aide sociale (art. 81 al. 1 let. b ch. 5 LTF)

  • Le 28 juin 2021, A. (« le Recourant») a déposé une plainte pénale contre B., directeur des services sociaux et membre de la commission sociale de la commune d'U. Il lui reprochait de lui avoir refusé illégalement l'aide sociale qu'il avait demandée à plusieurs reprises et de ne lui avoir accordé qu'une aide d'urgence. Cette aide aurait en outre été liée à des conditions et des directives inappropriées, dont le non-respect aurait entraîné à tort de nouvelles réductions de prestations. Le Ministère public de Brugg-Zurzach a classé la procédure ouverte pour abus d'autorité (art. 312 CP), usurpation de fonction (art. 287 CP) et contrainte (art. 181 CP). Le Recourant a contesté cette décision devant le Tribunal fédéral.
  • Le Tribunal fédéral a rappelé qu'au sens de l'art. 81 al. 1 let. b ch. 5 LTF, a qualité pour recourir en matière pénale toute personne étant directement lésée dans ses droits et ayant un intérêt juridique à ce que la décision attaquée soit annulée notamment si cette dernière peut avoir une incidence sur des éventuelles prétentions civiles (consid. 1).
  • Notre Haute Cour a poursuivi son raisonnement en soulignant que les prétentions découlant du droit public, y compris celles en lien avec la responsabilité des auxiliaires de l'Etat, ne rentrent pas dans la définition de «prétentions civiles» au sens dudit article (consid. 1.2.1).
  • In casu, la plainte du Recourant remettait en cause les multiples refus d'aides sociales demandées auprès de B., comportement qu'il avait tenu dans le cadre de ses fonctions professionnelles. Partant, le Tribunal fédéral a retenu qu'il s'agissait bien de prétentions de droit public, si bien que l'action civile adhésive au pénal était exclue (consid. 1.2.2).
  • Le Recourant s'est ensuite prévalu de l'interdiction de la torture et des traitements cruels, inhumains ou dégradants (art. 10 al. 3 et 11 Cst, art. 2, 3 et 13 CEDH, art. 7 Pacte ONU II, art. 13 Convention contre la torture, art. 3 et 4 CDE) (consid. 2.1).
  • Le Tribunal fédéral a rappelé qu'il connait des recours fondés sur un droit constitutionnel ou le droit international. Dans sa jurisprudence constante, est considéré «dégradant» un traitement qui « provoque des sentiments de peur, d'angoisse ou d'infériorité et [qui] est de nature à humilier, à avilir et, le cas échéant, à briser la résistance physique ou psychique ou à amener quelqu'un à agir contre sa volonté ou conscience». Un seuil minimal de gravité est requis, en revanche, un simple sentiment de gène ou désagrément ne sont pas suffisants (consid. 2.2).
  • In casu, le Recourant a soutenu que les obligations assorties à l'aide d'urgence, son montant ainsi que certains propos tenus par le directeur étaient de nature à l'humilier et à le rabaisser (consid. 2.3).
  • Notre Haute Cour n'a pas suivi son raisonnement, en établissant que ces éléments ne constituaient pas le seuil minimal requis pour l'application de la protection de la CEDH (consid. 2.4).
  • Partant le recours a été rejeté.

TF 7B_32/2023 du 6 février 2024 | Violation du droit d'être entendu – délai pour répliquer de trois jours insuffisant

  • Le Ministère public du canton de Vaud a ouvert une enquête pénale contre A. («le Recourant»). Ce dernier a demandé la récusation de B., agent de police du Canton de Vaud, au motif que ce dernier aurait adopté un comportement inacceptable avec les employés d'une exploitation agricole. Le Ministère public vaudois a rejeté la demande de récusation du Recourant.
  • Le Recourant a soutenu que son droit d'être entendu avait été violé par le Ministère public, en ce que celui-ci a rendu sa décision concernant la demande de récusation sans avoir respecté son droit inconditionnel à la réplique à la suite de la prise de position de l'agent (consid 2.1).
  • Selon la jurisprudence, l'auteur d'une demande de récusation doit se voir accorder un droit de réplique à la prise de position de l'agent visé par la demande. Le droit de répliquer n'impose pas à l'autorité judiciaire de fixer un délai à la partie pour déposer d'éventuelles observations, mais uniquement de lui laisser un laps de temps suffisant entre la remise des documents et le prononcé de sa décision pour se déterminer (consid. 2.2).
  • In casu, le Ministère public a prononcé sa décision 3 jours après avoir communiqué au Recourant la prise de position de B. Le Tribunal fédéral a considéré qu'il n'avait ainsi pas eu un laps de temps suffisant pour se déterminer sur les déclarations de l'agent, menant ainsi à une violation de son droit d'être entendu (consid. 2.3).
  • Partant, le recours a été admis, la décision annulée et la cause renvoyée à l'autorité précédente pour nouvelle décision.

TF 7B_79/2022 du 10 janvier 2024 | Qualité pour recourir des parties plaignantes contre une ordonnance de classement – individualisation des prétentions civiles (art. 81 al. 1 et. b ch. 5 LTF)

  • La société A. AG et B. («Les Recourants») ont déposé des plaintes pénales pour escroquerie contre les membres du conseil d'administration de F. AG, les accusant de les avoir induits en erreur et incités à des transactions financières sur la base de renseignements falsifiés ainsi qu'à acquérir des actions sans valeur de cette entreprise. Le Ministère public du canton de Zurich a rendu une ordonnance de classement faute de preuve de la commission d'une infraction pénale. L'Obergericht zurichois a rejeté le recours contre cette ordonnance de classement déposé par les Recourants qui ont ensuite saisi le Tribunal fédéral.
  • Dans le cadre de l'analyse de la qualité pour recourir d'une partie plaignante au sens de l'art. 81 al. 1 et. b ch. 5 LTF, celle-ci doit normalement démontrer que la décision attaquée peut avoir une incidence sur ses prétentions civiles. Néanmoins, le Tribunal fédéral a considéré que si le recours est dirigé contre une ordonnance de classement, la partie plaignante n'a pas nécessairement déjà fait valoir une prétention civile devant les autorités cantonales à ce stade; elle doit donc exposer devant le Tribunal fédéral les raisons pour lesquelles la décision attaquée peut avoir une répercussion sur une de ses créances civiles et dans quelle mesure. Le recours peut être admis si la nature de l'infraction examinée permet de déterminer clairement de quelle créance il s'agit (consid. 1.1).
  • Par ailleurs, notre Haute cour a précisé que si le recours est formé conjointement par plusieurs plaignants, chacun d'entre eux doit motiver individuellement le dommage qu'il a personnellement subi. La partie plaignante ne peut se contenter d'affirmer avoir été touchée par l'infraction en question, elle doit au contraire étayer précisément sa prétention et notamment le préjudice subi (consid. 1.1).
  • In casu, le Tribunal fédéral a considéré que les explications des Recourants ne répondaient pas aux exigences de motivation et de précision requises par la jurisprudence. En particulier, ces derniers n'avaient aucunement concrétisé l'étendue du dommage qu'ils auraient subi. Ils n'ont pas non plus expliqué pour quelle raison les actions acquises au sein de F. AG seraient sans valeur (consid. 1.2 et 1.3).
  • Partant, il n'est pas entré en matière sur le recours.

TF 6B_81/2023 du 8 février 2024 | Punissabilité de manifestations illicites pour le climat

  • Par jugement du 11 janvier 2022, («le Recourant») a été condamné par le Tribunal de police de l'arrondissement de Lausanne pour entrave aux services d'intérêt général, empêchement d'accomplir un acte officiel et violation simple des règles vaudoises de circulation et de contravention.
  • Le Recourant, un étudiant au casier judiciaire vierge, avait participé le 27 septembre 2019 à une grève du climat licite à Lausanne réunissant près de 3'500 personnes. Le cortège dont l'itinéraire avait été annoncé et validé auparavant, a décidé, peu avant d'arriver à la destination finale, de se scinder. Le groupe militant organisateur avait annoncé vouloir poursuivre par une action de blocage. Près de 500 personnes ont rejoint ladite action, y compris le Recourant. Après plus de deux heures de blocage, et plusieurs injonctions aux participants de partir, la police a fini par arrêter et interpeller 48 personnes, dont le Recourant.
  • Le Recourant a contesté sa condamnation pour entrave aux services d'intérêt général (art. 239 ch. 1 CP) en soutenant que l'intensité de l'entrave n'était pas suffisante. Notre Haute Cour a admis le recours sur ce point, en retenant notamment que l'état de fait était lacunaire (consid. 3 ).
  • Le Recourant a également conclu à son acquittement de la contravention en lien avec l'art. 41 du règlement général de police de la Commune de Lausanne (consid. 6).
  • L'instance inférieure a justifié la condamnation du Recourant en ce que son comportement contrevenait à l'art. 41 RGP qui ne s'appliquait pas uniquement aux organisateurs de la manifestation, mais également à tous les participants par le biais d'une interprétation plus élargie de la loi. Or, le Tribunal fédéral a retenu qu'en suivant une interprétation purement littérale de ce même article, il n'appartient pas aux participants d'une manifestation de s'assurer que cette dernière soit licite au moins, sous peine d'être pénalement réprimé. Les autres méthodes d'interprétation pointent également vers ce résultat en faisant référence uniquement aux organisateurs. Le recours a donc également été admis sur ce point (consid. 6.4).
  • Enfin, le Recourant a fait valoir que sa condamnation irait à l'encontre de sa liberté de réunion pacifique (art. 22 Cst/ art. 11 par. 1 et 2 CEDH).
  • In casu, le Tribunal fédéral a considéré que le Recourant avait sciemment choisi de participer à une manifestation illégale, quand-bien même un pendant légal était à sa disposition. De plus, il disposait d'autres moyens légitimes pour faire valoir sa position (initiative populaire, référendum facultatif, etc.). Finalement, le niveau de désagrément causé était largement au-delà de la protection prévue par l'art. 11 CEDH.. Partant, les sanctions pénales imposées au Recourant sur ce point par la Cour cantonale ne violent pas le droit fédéral. (consid. 9).

II. DROIT PÉNAL ÉCONOMIQUE

TF 6B_666/2023 du 29 janvier 2024 | Escroquerie, valeur probante d'une facture pour un faux dans les titres et substitution de lésé dans l'acte d'accusation

  • Par jugement du 7 octobre 2021, le Tribunal pénal de première instance du Jura a déclaré A. («le Recourant») coupable de divers chefs d'accusation, notamment d'escroquerie, de vol et de faux dans les titres, et l'a notamment condamné à une peine privative de liberté de 3,5 ans. Il a notamment été reproché au Recourant d'avoir élaboré plusieurs fausses factures - dont une avec le papier à en-tête de D. SA transmise à Q. qui a versé l'argent sans autre vérification - dans le but de mettre en confiance l'acheteur qui croyait conclure une transaction par le biais d'une entreprise horlogère suisse, respectivement de le dissuader toute vérification.
  • Sur recours, la Cour pénale du Tribunal cantonal du Jura a essentiellement confirmé le verdict de culpabilité du Recourant, tout en réformant le jugement quant aux modalités de la peine privative de liberté. Le Recourant a formé recours en matière pénale au Tribunal fédéral afin de contester plusieurs chefs d'accusation.
  • Après avoir confirmé les deux premières condamnations pour escroquerie, notre Haute Cour s'est penchée sur la troisième, le Recourant ayant argué la violation du principe d'accusation par l'instance inférieure. Le Recourant a prétendu que l'infraction aurait été commise au détriment de D. SA, contrairement à ce que soutenait la cour cantonale, qui l'attribuait à Q. La cour cantonale aurait ainsi basé sa décision sur des faits non décrits dans l'acte d'accusation, substituant ainsi Q. à D. SA comme lésée. Ce faisant, l'instance inférieure aurait ajouté des éléments de faits qui lui avaient permis d'en déduire l'existence d'une tromperie astucieuse au préjudice de Q. et non plus de D. SA (consid. 3.4 et 3.5).
  • In casu, le Tribunal fédéral a considéré que l'infraction imputée n'était plus suffisamment délimitée et que les faits reprochés au Recourant n'étaient plus assez clairs, et que cette modification apportée par la cour cantonale portait atteinte aux droits de la défense. Partant, le Tribunal fédéral a admis que la cour cantonale avait violé le droit fédéral, notamment le principe d'immutabilité de l'acte d'accusation et la maxime d'accusation (consid. 3.4 et 3.5).
  • De plus, le Tribunal fédéral a rappelé qu'à teneur de sa jurisprudence, bien qu'une facture ne soit généralement pas un titre, une valeur probante accrue peut exceptionnellement lui être reconnue au regard de l'usage concret auquel elle est destinée ou lorsque l'émetteur a une position similaire à celle d'un garant ou encore lorsqu'il se trouve dans une relation de confiance particulière avec le destinataire. Cette crédibilité accrue est admise lorsque la facture ne remplit pas qu'une fonction de facturation, mais qu'elle est destinée à servir de pièce comptable au destinataire, de sorte que sa comptabilité s'en trouve faussée (consid. 4.1).
  • Or, in casu, l'une des factures retenues par l'autorité précédente pour motiver la condamnation pour faux dans les titres n'était pas celle qui se trouvait dans les comptes de D. SA, la lésée. Il n'était ainsi pas établi que cette facture ait servi comme pièce comptable et, partant, qu'elle bénéficiait d'une force probante accrue qui la qualifierait de titre. Le Tribunal fédéral a par ailleurs également considéré, pour les autres factures alléguées, que la cour cantonale ne mettait en évidence aucun élément concret permettant de conclure qu'elles constateraient des faits inexacts au sens de l'art. 251 CP. Pour ces motifs, le Recourant devait être libéré de cette infraction (consid. 4.3).
  • Partant, le recours a été partiellement admis, le jugement attaqué annulé et la cause renvoyée à l'autorité cantonale pour nouvelle décision.

TF 6B_813/2023 du 24 janvier 2024 | Tromperie astucieuse et dolosive dans le cadre de la fraude au crédit

  • le Recourant») a été condamné en avril 2022 devant le Tribunal criminel du canton de Lucerne à 21 mois de prison avec sursis pour avoir souscrit un prêt pour la somme de CHF 290'000.- auprès de C.A et B.A afin de mettre en Suvre divers projets en Suède, d'une part, et pouvoir demander des subventions européennes d'autre part. Cette somme n'a jamais été remboursée et le Recourant a été inculpé pour escroquerie. La condamnation a été confirmée par le Tribunal cantonal de Lucerne, en réduisant sa peine à 18 mois avec sursis.
  • Après avoir rappelé les éléments constitutifs de l'escroquerie (art. 146 CP), notre Haute Cour a précisé que dans le cadre d'une fraude à crédit, il y a tromperie lorsque l'auteur se méprend, lors de la conclusion du contrat, sur sa capacité à pouvoir rembourser le crédit. En particulier, la tromperie est astucieuse lorsque l'emprunteur donne volontairement des fausses indications quant à sa solvabilité afin d'empêcher le prêteur de procéder aux vérifications usuelles de sa situation financière. Toutefois, il a souligné que le dol du prêteur ne peut être retenu que dans la mesure où il trompe sur sa volonté de vouloir utiliser les fonds octroyésconformément aux objectifs définis par le contrat au moment de sa conclusion. Le cas échéant, celui qui avait initialement la volonté d'utiliser l'argent conformément à ce qui avait été convenu, mais qui décide par la suite de s'en écarter se rend coupable d'abus de confiance, dans la mesure où il utilise les fonds reçus de manière contraire au contrat. Par ailleurs, la tromperie n'est réalisée que lorsque l'emprunteur n'est pas disposé à rembourser le crédit dès la conclusion du contrat de prêt (consid. 2.4.1).
  • Toujours selon la jurisprudence, n'est pas constitutif d'un dol celui qui fait des déclarations ou des pronostics sur des événements futurs, même s'ils ne sont pas vrais. Les pronostics ne peuvent constituer une tromperie qu'en ce qui concerne les conditions actuelles sur lesquelles se base l'auteur. Seul est déterminant le noyau factuel objectif de l'affirmation (consid. 2.4.3).
  • In casu, l'instance inférieure n'a pas reproché au Recourant de ne pas avoir voulu rembourser le prêt. De même, l'existence de projets en Suède n'était pas remise en cause. Au surplus, l'obtention de subventions européennes sont conditionnées à des éléments futurs et ne peuvent donc pas être constitutifs d'une tromperie dolosive (consid. 2.5.1).
  • Cependant, le Recourant avait donné par courriel des fausses indications quant à sa solvabilité notamment en assurant être couvert par un financement de CHF 2 millions sur un compte bloqué. De plus, contrairement à ce qui était prévu par le contrat de prêt, le Recourant n'avait jamais déposé une demande de subvention européenne, mais avait utilisé les fonds perçus afin régler des dettes commerciales personnelles et privées. En agissant ainsi, le Recourant avait trompé les intimés sur sa solvabilité, mais également sur l'utilisation du prêt (consid. 2.5.2).
  • Partant, le Tribunal fédéral a rejeté le recours.

III. DROIT INTERNATIONAL PRIVÉ

IV. DROIT DE LA POURSUITE ET DE LA FAILLITE

TF 5A_810/2023 du 1er février 2024 | Opposition contre une ordonnance de séquestre suite au non-paiement de contributions d'entretien de l'enfant (art. 277 CC) – caractère conditionnellement exécutoire du jugement

  • En mars 2012, A.A. («le Recourant») a signé une Convention sur les effets accessoires du divorce dans laquelle était fixé le montant des contributions d'entretien pour ses deux enfants, étant précisé que celles-ci dureraient jusqu'à leur majorité ou la fin de leur formation professionnelle « pour autant que celle-ci intervienne dans les délais normaux». Cette Convention a été ratifiée par jugement. En septembre 2022, les deux enfants ont requis le séquestre de la propriété du Recourant afin qu'il puisse s'acquitter des contributions d'entretien non versées. Le Tribunal civil du Littoral et du Val-de-Travers a prononcé le séquestre, confirmé en dernière instance cantonale. Le Recourant, qui s'est opposé au séquestre, a interjeté un recours en matière civile auprès du Tribunal fédéral contre la décision neuchâteloise.
  • Le recours portait exclusivement sur le point de savoir si le Recourant avait ou non valablement prouvé la survenance de la condition résolutoire à laquelle est subordonnée son obligation alimentaire (consid. 3).
  • Le Tribunal fédéral a rappelé que l'objet de la procédure d'opposition était les conditions du séquestre, lequel ne peut être prononcé que lorsque le créancier rend vraisemblable l'existence de la créance qu'il allègue (art. 272 al. 1 ch. 1 LP), la réalisation du cas de séquestre invoqué et l'existence de biens appartenant au débiteur (art. 272 al. 1 ch. 2 et 3 LP). S'agissant de la créance invoquée, le critère de la vraisemblance s'applique non seulement à l'existence de la créance en fait, mais aussi à son existence juridique (consid. 4.1.1).
  • Selon l'art. 271 al. 1 ch. 6 LP, le créancier d'une dette échue et non garantie par gage peut requérir le séquestre des biens du débiteur qui se trouvent en Suisse lorsque le créancier possède contre le débiteur un titre de mainlevée définitive.
  • Selon la jurisprudence relative à la mainlevée définitive, le jugement qui condamne un père au paiement de contributions d'entretien «jusqu'à la fin de la formation professionnelle, pour autant qu'il achève sa formation dans des délais raisonnables», est conditionnellement exécutoire, en ce sens qu'il soumet l'entretien au-delà de la majorité à la condition - résolutoire - de l'achèvement de la formation dans un délai raisonnable. Dans le cas d'un jugement condamnant au paiement de contributions d'entretien au-delà de la majorité dont l'effet cesse si la condition n'est pas réalisée, il appartient au débiteur d'apporter la preuve stricte par titre de la survenance de la condition résolutoire, sauf si cette dernière est reconnue sans réserve par le créancier ou si elle est notoire (consid. 4.1.2.3).
  • Le Tribunal fédéral a précisé que la question de savoir si la formation a été ou non achevée dans des «délais normaux» dépend des circonstances du cas concret, dont l'examen - sous réserve de situations manifestes - excède la cognition du juge de la mainlevée définitive, auquel il n'appartient pas de trancher des questions délicates de droit matériel ou pour la solution desquelles le pouvoir d'appréciation joue un rôle important. Savoir si un échec est de nature à faire apparaître que la formation n'est plus menée dans des délais raisonnables dépend aussi des circonstances du cas particulier et excède le pouvoir d'examen du juge de la mainlevée. Une telle question relève de la compétence du juge du fond (juge de la modification du jugement de divorce, respectivement de la modification de la contribution d'entretien fixée après la majorité) (consid. 4.1.3.3).
  • In casu, notre Haute Cour a considéré que l'arbitraire du raisonnement des juges cantonaux n'avait pas été démontré à satisfaction. En particulier, le Recourant n'avait pas apporté la preuve stricte par titre de l'avènement de la condition d'achèvement de la formation dans des délais raisonnables (consid. 4.2).
  • Partant le recours a été rejeté.

V. ENTRAIDE INTERNATIONALE

TF 1C_540/2023 du 2 février 2024 | Entraide judiciaire internationale en matière pénale au Brésil, remise de documentation bancaire et remise de fonds

  • B., ancien gouverneur de l'Etat de Sao Paulo au Brésil, et sa famille ont été impliqués dans des affaires de corruption, de blanchiment d'argent et autres infractions économiques. En 2001, le Ministère public genevois a ouvert une procédure pour blanchiment d'argent lié à des comptes bancaires détenus en Suisse. En 2017, B. a été condamné au Brésil à une peine privative de liberté et à la confiscation de ses biens, y compris les fonds détenus en Suisse par la Fondation A. («la Recourante»), dont l'ayant-droit économique était D., le gendre de B.
  • En 2023, la Cour des plaintes du Tribunal pénal fédéral a rejeté le recours contre les ordonnances de clôture du Ministère public qui ordonnaient la transmission des documents bancaires et la remise des fonds au Brésil. La Cour a jugé que les conditions de l'entraide judiciaire étaient remplies et que les fonds étaient liés à des activités criminelles au Brésil. La Recourante a interjeté recours auprès du Tribunal fédéral, demandant l'annulation de l'arrêt de la Cour des plaintes et des ordonnances de clôture.
  • Concernant la transmission de la documentation bancaire, le Tribunal fédéral a rappelé qu'un recours en matière de droit public est recevable notamment lorsqu'il concerne la transmission de renseignements concernant le domaine secret dans le cadre de l'entraide judiciaire internationale et que le cas est particulièrement important (art. 84 LTF) (consid. 2).
  • Or, in casu, la Recourante n'est pas parvenue à expliquer en quoi la transmission des documents bancaires constituerait un cas particulièrement important, en ce que la transmission litigieuse ne faisait que s'ajouter à celle ayant eu lieu en 2004. Le recours a donc été jugé irrecevable sur ce point (consid. 2.1).
  • Quant à la remise des fonds à l'autorité étrangère, le Tribunal fédéral s'est ensuite penché sur la question de la protection accordé à une personne morale faisant l'objet d'une décision de confiscation rendue à l'étranger, l'indécision de la jurisprudence à ce sujet ayant justifié l'entrée en matière sur cette question (consid. 2.2).
  • D'une part, dans le cadre de l'art. 74a EIMP, lorsque la remise d'objets ou de valeurs en vue de confiscation ou de restitution à l'ayant-droit au terme de la procédure d'entraide est demandée en exécution d'une décision définitive et exécutoire dans l'Etat requérant, la question portant sur la provenance des valeurs ou le sort qui leur sera appliqué par l'Etat requérant doit être considérée comme tranchée. Est ainsi exclu le contrôle matériel de la décision étrangère de confiscation, à moins qu'il n'apparaisse d'emblée qu'une confiscation n'est pas possible (consid. 3).
  • L'art. 2 EIMP permet néanmoins d'invoquer les défauts de la procédure étrangère. La jurisprudence reconnait à la personne physique visée par la remise de valeurs patrimoniales le droit d'invoquer cette disposition. En revanche, les personnes morales n'ont en principe pas la qualité pour invoquer cette clause d'ordre public. La jurisprudence de la Cour des plaintes fait toutefois exception à ce principe lorsque la personne morale est elle-même poursuivie dans l'Etat requérant et qu'elle dénonce une violation de son droit à un procès équitable. Malgré ses développements, le Tribunal fédéral a à nouveau laissé cette question ouverte, comme il l'avait fait dans le cas d'une société qui devait connaitre l'existence de la procédure pénale étrangère et tenter d'intervenir pour ses droits, en ce que les griefs du droit à un procès équitable ou de l'interdiction du déni de justice peuvent être examinés dans le cadre de l'art. 74a EIMP (consid. 3.2 et 3.3).
  • La Recourante a ensuite avancé la violation de son droit d'être entendu dans la procédure brésilienne, en ce que qu'elle-même n'était pas partie à la procure, dirigée contre B., et n'avait pas pu y participer, ce qui ne satisferait pas aux conditions de minimales concernant les décisions étrangères de confiscation (art. 74a EIMP) (consid. 4).
  • À ce sujet, notre Haute cour a affirmé que, bien que le jugement rendu par les autorités brésiliennes ne concerne que B. en tant qu'accusé, la confiscation se rapportait à tous les biens, droits et valeur objet du blanchiment incriminé. Or, il est apparu que l'ensemble de la famille du prévenu était impliqué dans les opérations de blanchiment d'argent. Ainsi, même si le compte de la Recourante n'a pas été expressément mentionné dans le dispositif du jugement brésilien, il est concerné par la décision de confiscation pour avoir reçu le produit des actes de corruption passive commis par le condamné (consid. 4.2).
  • Quant au fait que la Recourante allègue qu'elle n'avait pas pu participer à la procédure au Brésil, le Tribunal fédéral a souligné que l'autorité requérante avait garanti à plusieurs reprises la protection des tiers de bonne foi. La Recourante aurait donc pu intervenir dans l'Etat requérant pour faire valoir ses droits en tant que tiers de bonne foi. La Recourante n'est par ailleurs pas en position de se plaindre d'une violation du droit à un procès équitable et à l'interdiction du déni de justice en ce qu'elle n'a nullement prétendu avoir tenté une quelconque démarche en vue de participer à la procédure pénale au Brésil. Les objections relatives au respect des droits de procédure ont ainsi été rejetées (consid. 4.3).
  • Enfin, l'invocation de la violation du principe de célérité par la Recourante ne lui a été d'aucun secours. Bien que le séquestre ait duré 22 ans, le Tribunal fédéral a considéré que la complexité de l'affaire et le fait que les procédures d'entraide aient été activement poursuivies durant ce laps de temps ne suffit pas à justifier la levée de la mesure ou le refus de l'entraide judiciaire (consid. 5 à 5.2).
  • Partant, le recours a été déclaré irrecevable en ce qui concerne la remise de la documentation bancaire, et rejeté quant à la remise des fonds (consid. 7).

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