Le gouvernement du Québec a finalement publié le projet de règlement (le « Règlement ») modifiant le Règlement sur la langue du commerce et des affaires suivant l'adoption du projet de loi 96 le 1er juin 2022. Des modifications à ce règlement étaient nécessaires en raison des incertitudes soulevées par le projet de loi 96, notamment concernant l'utilisation de marques de commerce dans une autre langue que le français sur les produits vendus au Québec et dans l'affichage public extérieur des commerces au Québec. Bien que certaines incertitudes persistent, le Règlement offre un éclairage sur plusieurs des dispositions. De plus, il semble que le gouvernement du Québec ait tenu compte des préoccupations des entreprises concernant la nouvelle exigence d'enregistrer les marques de commerce dans une autre langue que le français apposées sur les produits vendus au Québec, en plus de prévoir une période d'élimination progressive supplémentaire de deux ans pour les produits non conformes. Continuez votre lecture!

Voici les faits saillants du projet de Règlement :

Inscriptions sur les produits :

En vertu de la Charte de la langue française, toute inscription sur un produit, sur son contenant, sur son emballage ou sur les documents ou objets qui accompagnent le produit doit être en français. Une traduction dans une ou plusieurs autres langues sont permises, à condition qu'elles ne l'emportent pas sur le texte en français ou ne sont pas accessibles dans des conditions plus favorables. L'exception bien connue pour les marques de commerce « reconnues » permet l'utilisation de marques de commerce – qu'elles soient enregistrées ou non – exclusivement dans une autre langue que le français.

Comme de nombreux propriétaires de marques le savent, le projet de loi 96 limitait l'application de l'exception des marques « reconnues » aux marques « déposées » (c.-à-d. enregistrées) et exigeait que tout générique ou descriptif du produit compris dans cette marque figure en français sur le produit ou sur un support qui s'y rattache de manière permanente.

  • Demandes d'enregistrement de marques en instance. Commençons par une bonne nouvelle : le Règlement élargit la portée de marques « déposées » – lequel élargissement ne s'applique cependant qu'aux marques sur les produits et non à l'affichage public et la publicité commerciale. En vertu de cette nouvelle règle, une « marque déposée » comprend une demande d'enregistrement en instance. Ce développement est significatif pour les entreprises et les consommateurs québécois, puisque les entreprises n'auront pas à attendre l'enregistrement de leurs marques – qui peut prendre plusieurs années – afin de bénéficier de l'exception de marque de commerce. Cette disposition permet d'éviter des retards potentiels dans la commercialisation au Québec de nouveaux produits simplement parce qu'ils portent une marque non enregistrée au Canada.
  • « Produit ». Le Règlement confirme qu'un « produit » englobe également son contenant, son emballage et les documents qui l'accompagnement. Cette clarification dissipe l'incertitude soulevée par certains commentateurs qui estimaient que la nouvelle exigence ne s'appliquait qu'au produit lui-même et non à son emballage.
  • Taille de la traduction en français. Le Règlement dissipe également une incertitude quant à la taille de la traduction française des termes génériques ou descriptifs compris dans la marque dans une langue autre que le français. Il prévoit que les génériques ou descriptifs dans une marque enregistrée affichée dans une autre langue que le français ne peuvent l'emporter sur la traduction française de ces mots ou être accessibles dans des conditions plus favorables. Cette précision pourrait compliquer le travail des entreprises, car elles devront désormais allouer plus d'espace sur leurs produits et emballages pour la traduction française du texte descriptif/générique dans une marque affichée dans une autre langue que le français.
  • Définition de descriptif et générique. Le Règlement fournit la définition suivante de « descriptif » : un ou plusieurs mots décrivant les caractéristiques d'un produit (puisque « produit » comprend son contenant ou son emballage du produit, nous pouvons présumer que la description du contenant ou de l'emballage – par exemple, Fabriqué à partir de matières plastiques recyclées – est visée). De même, le Règlement fournit la définition suivante de « générique » : un ou plusieurs mots décrivant la nature d'un produit.
  • Incertitudes restantes. Il demeure quelques incertitudes que le Règlement n'aborde pas, comme la signification d'un « support qui se rattache [au produit] de manière permanente ». De plus, il ne limite pas la nouvelle exigence de traduction des termes descriptif ou générique aux marques déposées qui consistent essentiellement en une étiquette. La préoccupation au sujet de ces étiquettes enregistrées comme marques de commerce avait été soulevée par le ministre de la Justice lors de l'étude du projet de loi 96 et était considérée comme le fondement initial de la nouvelle exigence de traduction des termes descriptifs ou génériques. En outre, le Règlement est silencieux quant marques de commerce clairement descriptives qui sont devenues distinctives par leur emploi et enregistrées en vertu de l'alinéa 12(3) de la Loi sur les marques de commerce.
  • Période d'élimination progressive. Les produits qui ne sont pas conformes à la nouvelle exigence pourront toujours être distribués, vendus au détail, loués, offerts en vente ou en location, ou autrement commercialisés, gratuitement ou non, jusqu'au 1er juin 2027 à condition (i) qu'ils aient été fabriqués avant le 1er juin 2025 et (ii) qu'aucune version française de la marque n'ait été enregistrée à la date de publication du Règlement. Cette période additionnelle donne aux entreprises deux années supplémentaires pour rendre leurs produits conformes et établit une période d'élimination progressive pour les produits non conformes.

Publications commerciales :

  • Sites Web et médias sociaux. Le Règlement prévoit explicitement que les sites Web et les plateformes de médias sociaux sont considérés comme des publications commerciales, codifiant ainsi l'interprétation de l'Office québécois de la langue française (OQLF).

Affichage publique et publicité commerciale :

En vertu de la Charte de la langue française, l'affichage public et la publicité commerciale doivent se faire en français. Ils peuvent également être à la fois en français et dans une autre langue à condition que le français y figure de façon nettement prédominante. À l'instar des produits, l'exception de la marque de commerce « reconnue » permet actuellement l'usage exclusif de marques de commerce (qu'elles soient enregistrées ou non) dans une autre langue que le français.

En ce qui concerne l'affichage public et la publicité commerciale, le projet de loi 96 a limité l'exception des marques de commerce « reconnues » aux marques « déposées ». De plus, même lorsque la marque de commerce dans une autre langue que le français est enregistrée, le français doit apparaître d'une manière « nettement prédominante » lorsque cette marque apparaît dans l'affichage public visible depuis l'extérieur d'un local (par exemple, dans l'affichage sur la devanture des commerces).

  • Nettement prédominant. Sans surprise, le Règlement remplace l'exigence de « présence suffisante de français » entrée en vigueur en 2016 pour l'affichage sur la devanture des commerces (qui pouvait être de plus petite taille que la marque de commerce dans une langue autre que le français) et abroge et remplace le Règlement précisant la portée de l'expression «de façon nettement prédominante » pour l'application de la Charte de la langue française, avec une exigence plus stricte. Plus précisément, la présomption selon laquelle le texte en français étant deux fois plus grand ou deux fois plus nombreux que le texte dans une autre langue était considéré comme nettement prédominant est modifiée. Maintenant, pour se conformer, il sera exigé que le texte en français soit au moins deux fois plus grand et aussi visible que le texte dans une autre langue que le français. Les entreprises ne pourront donc plus simplement ajouter davantage de texte en français de la même taille que le texte dans une autre langue que le français. Par exemple, dans l'affichage sur la façade du commerce, le français devra être au moins deux fois plus grand que la marque dans une autre langue que le français.
  • L'extérieur d'un local. Le Règlement règle une autre incertitude du projet de loi 96. Au départ, tel que le projet de loi 96 était rédigé, il semblait que la nouvelle exigence d'ajouter du texte en français de façon nettement prédominante sur la devanture d'un commerce ne s'appliquait qu'aux locaux à l'intérieur d'un centre commercial ou d'un bâtiment. Le Règlement précise que cette exigence s'étend également à l'affichage en devanture extérieure d'un immeuble.
  • Texte français à ajouter. Le texte en français à ajouter à l'affichage en façade des commerces, lorsqu'une marque dans une autre langue que le français y apparaît, comprend un générique ou un descriptif des produits ou des services visés ou, encore, un slogan. Cette liste semble non exhaustive.
  • Marques déposées uniquement. Malheureusement, le Règlement ne prévoit pas que l'exception de marque de commerce s'appliquera également aux demandes d'enregistrement de marques de commerce en instance – contrairement aux produits.

Le projet de Règlement fournit également des détails sur la nouvelle exigence pour les contrats d'adhésion, un sujet qui n'est pas abordé dans cet article.

Toute personne intéressée peut commenter le projet de Règlement dans un délai de 45 jours de sa publication (le 10 janvier 2024) en écrivant au ministre de la Langue française. N'hésitez pas à communiquer avec nous si vous souhaitez commenter le Règlement.

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