Le mois dernier, nous avons rapporté qu'un tribunal ontarien avait estimé qu'un employé réputé être en congé spécial en raison d'une maladie infectieuse à la suite de la réduction ou de l'élimination temporaire de ses heures de travail ou de son salaire pour des motifs liés à la COVID-19 pouvait tout de même intenter une poursuite pour congédiement déguisé (ou implicite) en common law. Et bien, une autre juge de l'Ontario est loin de partager cet avis...

Dans une nouvelle décision, Taylor v. Hanley Hospitality Inc. (disponible uniquement en anglais), la juge a soutenu que les employés ayant subi une réduction ou une élimination temporaire de leurs heures de travail ou de leur salaire pour des motifs liés à la COVID-19, entre le 1er mars 2020 et le 25 septembre 2021 (la « période de la COVID-19 ») :

  • sont réputés être en congé spécial en raison d'une maladie infectieuse;
  • ne sont pas considérés comme mis à pied en vertu de la Loi de 2000 sur les normes d'emploi (la « LNE ») ou en common law;
  • ne sont pas considérés comme faisant l'objet d'un congédiement implicite, que ce soit en vertu de la LNE ou en common law.

Il s'agit de déterminations significatives.

Les faits

Le 27 mars 2020, l'employée, qui travaillait dans un restaurant, a été mise à pied temporairement. La mise à pied était le résultat d'une décision d'affaires prise par la société en réponse à l'effet négatif de la pandémie de COVID-19, y compris à l'incidence des mesures imposées par le gouvernement de l'Ontario qui obligent l'employeur à seulement offrir des mets à emporter.

En juin 2020, le gouvernement de l'Ontario a publié le Règlement de l'Ontario 228/20 : Congé spécial en raison d'une maladie infectieuse (le « Règlement ») en vertu de la LNE pour aider à dégager les employeurs non syndiqués de certaines responsabilités liées au congédiement déguisé. Le règlement prévoit que, pendant la période de la COVID-19, un employé non syndiqué dont l'employeur a temporairement réduit ou éliminé les heures de travail ou le salaire pour des motifs liés à la COVID-19 bénéficie d'une protection d'emploi et est réputé être en congé spécial en raison d'une maladie infectieuse et n'est pas considéré comme étant mis à pied aux fins de la LNE. Selon le Règlement, la réduction ou l'élimination temporaire des heures de travail ou du salaire de l'employé par l'employeur pour des motifs liés à la COVID-19 ne constituent pas un congédiement implicite en vertu de la LNE.

À la lumière du Règlement, l'employée était réputée être en congé spécial en raison d'une maladie infectieuse.

L'employée a fait valoir que le Règlement n'a pas préséance sur le principe bien connu de common law selon lequel une mise à pied constitue un congédiement implicite à moins que les parties n'en aient convenu autrement. Elle a soutenu que, bien qu'elle puisse être en congé au sens de la LNE, elle avait de toute évidence fait l'objet d'un congédiement implicite en common law. La juge n'était pas d'accord.

La décision

La juge a examiné la décision d'avril 2021, Coutinho v. Occular Health Centre Ltd. (disponible uniquement en anglais). Dans cette affaire, le tribunal a jugé qu'une employée réputée être en congé spécial en raison d'une maladie infectieuse aux fins de la LNE pouvait poursuivre son employeur pour congédiement déguisé en common law.

La juge a affirmé que la décision du tribunal concernant l'affaire Coutinho était absurde. Elle n'est pas passée par quatre chemins : un employé ne peut pas être réputé être en congé au sens de la LNE et avoir fait l'objet d'un congédiement déguisé en common law. Cette conclusion irait à l'encontre du bon sens. La juge a statué que le Règlement visait à reconnaître qu'il était fondamentalement injuste de placer les employeurs dans une situation où ils pouvaient faire l'objet de réclamations pour congédiement déguisé en raison de l'état d'urgence imposé par le gouvernement. Elle a déterminé que le Règlement avait préséance sur le principe de common law selon lequel une mise à pied unilatérale dont un employeur et un employé n'ont pas convenu représente un congédiement déguisé.

Par conséquent, l'employée était en congé prévu par la loi à toutes fins, y compris en common law, et n'avait pas droit à des dommages-intérêts pour congédiement déguisé.

Principaux points à retenir

Cette décision est extrêmement importante pour les employeurs ontariens. À notre avis, il s'agit de la bonne décision. Elle abonde dans le même sens que l'objectif du Règlement, soit de fournir aux employeurs une mesure de protection contre les réclamations pour congédiement déguisé découlant des mises à pied nécessaires en raison des mesures de santé publique imposées par le gouvernement.

Toutefois, la prudence reste de mise. La décision de la juge dans l'affaire Taylor contredit la décision rendue antérieurement dans l'affaire Coutinho, qui n'a pas encore été infirmée (bien qu'elle fasse actuellement l'objet d'un appel). Les deux décisions ont été rendues par un tribunal de la même instance. Par conséquent, dans de futurs dossiers, il est possible que les juges décident de se ranger du côté de l'affaire Coutinho, à moins et jusqu'à ce qu'une cour d'appel tranche la question.

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