Dans le présent article, nous traitons des développements récents de l'an dernier au Canada et qui sont particulièrement pertinents dans le secteur des sciences de la vie.

Lois et traités

Le Canada s'est engagé à apporter de nombreuses modifications législatives qui devraient entrer en vigueur dans les prochaines années.

Accords commerciaux

Dans la dernière année, les sciences de la vie au pays ont fait l'objet de nombreuses tractations dans le cadre de projets de traités, mais, rien ne s'est encore concrétisé. Nous attendons toujours pour savoir si le nouveau gouvernement fédéral ratifiera l'accord de libre-échange Canada-Europe et, le cas échéant, comment il le mettra en Suvre. À l'origine, cet accord avait été annoncé en 2013 par le gouvernement fédéral antérieur.

En 2015, l'ancien gouvernement a donné son accord au Partenariat transpacifique. Le nouveau gouvernement fédéral a affirmé vouloir le mettre en place.

Pour les titulaires de brevets en sciences de la vie, le principal enjeu qui figure dans les deux traités mentionnés ci-dessus est la possible prolongation de la durée des brevets canadiens d'un maximum de deux ans. Ces traités peuvent également entraîner des modifications aux règlements de liaison du Canada (en général semblables à ceux des litiges ANDA des États-Unis) afin d'empêcher la multiplication des procédures et d'accorder aux fabricants de médicaments d'origine des droits d'appel comparables à ceux des fabricants de produits génériques.

Brevet et design, marque de commerce et amendements à la Loi sur la protection des obtentions végétales (traités de la PI)

Les modifications à la Protection des obtentions végétales (POV) sont entrées en vigueur en 2015, entraînant bien des changements tandis que le Canada harmonisait son système de POV au traité de l'UPOV de 1991. Par exemple, la durée des droits est passée de 18 à 25 ans pour les arbres et les plantes grimpantes, et à 20 ans pour toutes les autres variétés. Il y a également un nouveau délai de grâce d'un an pour le dépôt après une vente effectuée au Canada, annulant l'exigence de nouveauté absolue (le délai de grâce demeure plus long pour les ventes à l'extérieur du Canada).

Nous attendons toujours que l'Office de la propriété intellectuelle du Canada (OPIC) mette en Suvre d'importantes modifications adoptées en 2014 pour les marques, les brevets et les designs. On espère des consultations vers la fin de 2016. Les dates de mise en Suvre prévues ont été repoussées en 2017-2018. Les modifications apportées aux brevets et aux designs ne sont pas réservées qu'aux brevets des sciences de la vie. Ces modifications mettent en Suvre le Traité sur les droits des brevets et le Traité de la Haye, qui auront un impact respectivement sur tous les brevets et tous les designs. Les modifications aux marques de commerce auront une grande incidence sur les propriétaires de marques en sciences de la vie, notamment par la mise en application du Protocole de Madrid. Parmi tous les changements apportés, citons l'abolition de l'obligation des requérants à utiliser la marque comme condition à l'enregistrement. Les entreprises devraient déposer leurs demandes d'enregistrement rapidement pour empêcher les squatteurs  d'en prendre possession et pour devancer la concurrence.

Problèmes en matière d'art antérieurs

Essais allant de soi

Les titulaires de brevet font l'expérience d'un problème courant à l'égard des inventions en sciences de la vie : l'invention allait-elle de soi? Dans l'affaire Eli Lilly Canada Inc. c. Mylan Pharmaceuticals ULC, 2015 FC 178; 2015 FCA 286, la Cour d'appel fédérale a confirmé le test de la Cour suprême du Canada dans l'affaire Apotex Inc. c. Sanofi-Synthelabo Canada Inc., 2008 SCC 61, à l'effet « qu'il allait plus ou moins de soi de tenter d'arriver à l'invention.  La seule possibilité d'obtenir quelque chose ne suffit pas ». Ceci est venu infirmer une décision de la cour qui aurait facilité la contestation de brevets, notamment par l'affirmation qu'une tentative est valable si la personne versée dans l'art a raison de chercher des solutions prévisibles ou des solutions qui comportent des chances raisonnables de succès. Il est important en sciences de la vie de maintenir les essais allant de soi, car les moindres changements et améliorations peuvent se transformer en avancées inespérées et d'envergure.

Nombre de documents à l'appui et d'exigences de divulgation d'une demande de brevet

Exigences de divulgation des notions d'utilité

Les exigences de divulgation explicite des notions d'utilité d'un brevet d'invention sont également pertinentes dans le secteur des sciences de la vie. Ces exigences tirent leur origine de la décision de la Cour suprême du Canada en 2002 sur l'AZT dans l'affaire Apotex c. Wellcome Foundation Ltd. 2002 SCC 77, qui présente les exigences d'une prédiction valable de l'utilité d'un brevet (par opposition à l'utilité démontrée notamment par des expériences). Depuis, bon nombre de décisions remettent en question la signification d'une divulgation appropriée relativement aux notions d'utilité et le moment où une telle divulgation doit se faire. Dans l'affaire Gilead Sciences, Inc. c. Idenix Pharmaceuticals  Inc., 2015 FC 1156, la Cour a confirmé qu'il n'y a aucune exigence particulière de divulgation des notions d'utilité pour une nouvelle composition. Toutefois, une notion précise est requise lors des demandes de brevets comprenant une nouvelle utilisation d'un composé connu.

Suffisance des exigences de divulgation

Les tribunaux canadiens ont aussi débattu de l'analyse des exigences d'une demande pour que la divulgation de l'invention soit suffisante conformément au paragraphe 27(3) de la Loi sur les brevets du Canada. À cet égard, dans la décision Gilead, susmentionné, il est déclaré qu'une divulgation suffit lorsque la connaissance générale commune et une expérimentation de routine peuvent mener à la réussite de l'invention. Dans cette même affaire, toutefois, malgré l'évidence d'une abondance de documents mis à disposition de la personne versée dans l'art, la Cour a statué que les expériences de routine d'essais et erreurs pouvaient rendre l'expérimentation démesurée, laissant une surabondance de choix. La Cour a donc décidé que la divulgation n'était pas suffisante. Par conséquent, il faut veiller à ce qu'il y ait juste assez de renseignements dans la description du brevet pour éviter l'excès de choix, et tout particulièrement dans les étapes importantes de synthèse de nouveaux composés chimiques ou d'autres compositions à considérer.

Sujets

Méthodes de traitement médical

La Cour fédérale a fourni quelques précisions concernant les brevets visant les demandes de posologie de médicament dans la décision rendue à la fin de 2014, dans l'affaire AbbVie Biotechnology Ltd. c. Canada (Attorney General)  2014 FC 1251. Elle confirme notamment que certaines revendications des posologies spécifiques ou certains schémas posologiques peuvent faire l'objet d'un brevet. Le paysage posologique se voit ainsi amélioré, et l'OPIC a publié une pratique d'examen révisée qui prend en compte la situation (Pratique d'examen révisée concernant les utilisations médicales – PN  2015?01) et donne des exemples connexes. Les nouvelles directives concentrent leur analyse sur selon que l'invention est axée sur le traitement à utiliser, ce qui la rend brevetable, ou sur la façon d'utiliser le traitement, ce qui ne peut être breveté s'il interfère avec les aptitudes professionnelles d'un médecin ou requiert d'avoir recours à ses soins. Grâce aux nouvelles directives et aux exemples donnés, on dénote plus de certitudes pour les demandes de brevet d'invention thérapeutique, et le processus de demande devrait donc s'accélérer.

Diagnostics – Nouvelles directives du Bureau des brevets canadien

L'examen de certaines inventions de diagnostic en sciences de la vie étaient en attente puisque les examinateurs attendaient d'autres directives. Aucune décision de tribunaux canadiens n'a porté sur l'admissibilité des sujets de recherche, mais une décision sur la méthode d'affaires a influencé l'analyse de l'objet principal de l'OPIC dans d'autres domaines, tels que les diagnostics. Un nouvel énoncé de pratique a finalement été publié : Pratique d'examen concernant les méthodes de diagnostic médicalPN  2015?02. Ainsi, l'examen se poursuit pour ce type d'inventions, et l'OPIC évalue les revendications de diagnostic plus attentivement en ce qui a trait à l'admissibilité des objets. Nous travaillons sur des stratégies qui portent sur ces directives et protègent toujours les inventions de diagnostic. Il restera à savoir comment ces nouvelles directives influenceront les demandes de brevet en sciences de la vie au Canada.

Nous continuerons de surveiller les changements à venir en ce qui concerne les traités et la jurisprudence propres aux sciences de la vie. Nous fournirons, à la lumière des nouvelles directives de Bureau des brevets du Canada, des mises à jour sur le progrès des inventions dans ce domaine. Restez à l'affût en 2016.

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