La pandémie de la COVID-19 a été, et continue d'être, la source de plusieurs incertitudes pour les employeurs. Entre autres, la caractérisation de la pandémie de la COVID-19 comme élément de force majeure dans le cadre de relation contractuelle a fait l'objet de plusieurs interrogations au courant des dernières années. Tout récemment, la décision de la Cour supérieure du Québec, Nadeau c. Groupe Desgagnés inc., 2022 QCCS 2516, a abordé le sujet et conclu que la perte de plusieurs millions de dollars en raison de la pandémie n'est pas une force majeure qui relève l'employeur de son obligation de donner un délai-congé raisonnable à la suite d'un licenciement.

1. Le contexte

Dans cette décision, le salarié est embauché à titre de responsable des technologies de l'information en 2003. En septembre 2020, invoquant que la pandémie a eu des impacts financiers importants, l'employeur le licencie alors qu'il est âgé de 56 ans et compte 17 ans d'ancienneté. L'employeur lui offre deux semaines de préavis et une indemnité de départ correspondant à 34 jours de travail.

Le salarié réclame un délai de congé de 21 mois, compte tenu de son âge et de son haut niveau d'expertise propre aux technologies informatiques et de communications dans le domaine maritime. L'employeur invoque que le licenciement du salarié relève d'un cas de force majeure en lien avec la pandémie et qu'elle ne lui doit rien.

La Cour doit donc se pencher sur la question de savoir si la pandémie est une force majeure au sens du Code civil du Québec, permettant à l'employeur de se soustraire à son obligation de fournir un préavis raisonnable en raison du licenciement du salarié. Si ce n'est pas le cas, la Cour doit alors déterminer quel est le délai-congé approprié.

2. L'analyse de la Cour

La Cour considère que la baisse de revenu de plusieurs millions de dollars qu'a subi l'employeur dans les mois qui ont suivi la pandémie de la COVID-19 ne peut être considérée comme une force majeure le dégageant de son obligation de donner un délai de congé raisonnable au salarié. En effet, malgré le caractère imprévisible de la situation, celle-ci n'a pas rendu l'exécution de l'obligation par l'employeur impossible, seulement plus difficile. L'entreprise n'a jamais interrompu ses activités, le choix de licencier le salarié fut pris afin de diminuer les dépenses de l'employeur et les tâches accomplies par celui-ci furent confiées à d'autres au sein de l'entreprise.

Fait intéressant, la Cour note qu'il en aurait été autrement si l'employeur avait démontré qu'en raison de la pandémie, il devait irrésistiblement mettre fin à l'emploi du salarié en septembre 2020. Il est donc possible d'en déduire qu'une telle preuve aurait soustrait l'employeur de son obligation de lui donner un délai-congé.

La situation en l'espèce ne correspondant pas aux critères de la force majeure, la Cour a procédé à une analyse des différents facteurs à prendre en compte dans la détermination d'un délai congé. Celle-ci conclut qu'un délai-congé approprié aux circonstances du dossier se situe à 12 mois.

Le juge se penche enfin sur l'obligation de mitigation des dommages du salarié. En effet, celui-ci n'a entrepris aucune démarche pour se trouver un nouvel emploi pendant une période de trois mois suivant son licenciement. Le juge considère que selon le prisme objectif de la conduite d'une personne raisonnable, le salarié a agi de façon raisonnable afin de réduire son préjudice. Après 17 ans de service, il faut accorder une période adéquate pour encaisser le choc de la perte d'emploi et penser à l'orientation de carrière, notamment en raison de la pandémie, la rareté d'un emploi similaire au Québec et du fait qu'il est âgé de 56 ans. Le comportement du salarié n'est donc pas un manquement à son obligation de minimiser ses dommages et il n'y a pas lieu de réduire le délai-congé.

3. Impacts sur les employeurs

Même si en l'espèce la Cour supérieure a tranché que la pandémie de la COVID-19 n'est pas considérée comme une force majeure au sens du Code Civil du Québec, elle laisse toutefois la porte ouverte à ce que la conclusion soit différente si la COVID-19 avait rendu le licenciement d'un salarié inévitable. Pour être qualifié de force majeure, l'effet de la pandémie sur l'employeur doit être tel que le paiement d'un délai-congé devient impossible.

De plus, il est intéressant de noter que le fait pour un salarié d'attendre trois mois avant d'entreprendre des démarches pour se trouver un nouvel emploi après son licenciement n'est pas nécessairement un manquement à son obligation de mitiger ses dommages selon les circonstances au dossier, soit notamment le contexte de la pandémie.

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