Introduction

Au cours des dernières années, l'avènement de la pandémie de la COVID-19 et la pénurie de main-d'Suvre qui s'est ensuivie dans un contexte de vieillissement de la population québécoise ont poussé une jeune main-d'Suvre non qualifiée à pallier le manque d'effectifs. Ce faisant, l'augmentation significative du nombre d'accidents de travail chez les employés de moins de 16 ans a forcé une réflexion sociétale et mis en exergue l'absence de protection en matière de travail des enfants. Jusqu'à présent, peu de balises existaient quant au travail des enfants dans la province de Québec, et ce, contrairement à d'autres provinces canadiennes. C'est ainsi qu'en l'absence d'âge minimal d'accès à l'emploi, il suffisait aux plus jeunes d'obtenir le consentement de leurs parents pour être autorisés à travailler.

Or, dans un rapport produit par le Comité consultatif du travail et de la main-d'Suvre (le « CCTM »), tant les parties patronales que syndicales ont milité en faveur d'un encadrement urgent du travail des enfants au Québec1. Ces nombreux appels à légiférer ont poussé le gouvernement québécois à adopter un projet de loi qui répondrait aux enjeux récents, et ce, en vue d'assurer notamment une plus grande protection de ces travailleurs dits vulnérables.

C'est ainsi que le projet de loi no 19, Loi sur l'encadrement du travail des enfants2 (le « PL 19 ») présenté le 28 mars 2023 a été adopté et sanctionné le 1er juin 2023.

Présentation de la loi

La Loi sur l'encadrement du travail des enfants (la « Loi ») modifie la Loi sur les normes du travail3 (la « LNT »), la Loi sur la santé et la sécurité du travail4 (la « LSST »), ainsi que le Règlement sur les normes du travail5 (le « RNT »). Reprenant la quasi-totalité du texte du PL 19, la Loi propose des mesures visant à encadrer le travail des enfants, notamment en prévoyant l'âge minimal d'accès à l'emploi, de même qu'en posant des balises claires aux horaires et conditions de travail et en imposant aux employeurs des obligations accrues en matière de prévention des risques pour la santé et la sécurité des jeunes travailleurs.

Depuis le 1er juin 2023, l'âge minimal d'accès à l'emploi dans la province est fixé à 14 ans6, et il est désormais interdit à un employeur de faire exécuter un travail par un enfant de moins de 14 ans. Cette interdiction ne s'appliquera pas dans certains cas exceptionnels prévus au RNT, pour lesquels l'employeur devra néanmoins obtenir le consentement écrit du titulaire de l'autorité parentale sur cet enfant ou du tuteur de celui-ci au moyen du formulaire établi par la Commission des normes, de l'équité, de la santé et de la sécurité du travail7 (la « CNESST »). Le formulaire devra être conservé par l'employeur et prévoira les principales tâches, le nombre maximal d'heures de travail par semaine ainsi que les périodes de disponibilité de l'enfant8. En cas de modification de l'un de ces éléments, l'employeur devra obtenir un nouveau consentement écrit.

Les exceptions à l'interdiction de travail des enfants de moins de 14 ans sont prévues au RNT et visent l'enfant qui évolue dans un domaine de production artistique, le livreur de journaux ou d'autres publications, le gardien d'enfants, l'enfant qui travaille dans un OSBL ou un organisme sportif à but non lucratif et l'enfant qui travaille dans une entreprise familiale et dont le parent est l'employeur ou encore qui travaille au sein d'une personne morale ou société et dont l'administrateur ou l'associé est son parent9. Toutefois, dans certains de ces domaines, l'enfant devra travailler en tout temps sous la supervision d'une personne de 18 ans ou plus10. De plus, la Loi ajoute au PL 19 en levant l'interdiction de travail pour les enfants de 12 ans et plus qui travaillent dans une entreprise agricole qui compte moins de 10 salariés, à condition qu'il exécute des travaux manuels légers pour récolter des fruits ou des légumes, prendre soin des animaux ou préparer ou entretenir le sol11.

À compter du 1er septembre 2023, il sera interdit à un employeur de faire effectuer par un enfant assujetti à l'obligation de fréquentation scolaire (entre 14 ans et 16 ans) plus de 17 heures de travail par semaine ou plus de 10 heures pour la période du lundi au vendredi12. Ces interdictions ne s'appliqueront pas à toute période de plus de sept jours consécutifs au cours de laquelle aucun service éducatif n'est offert à l'enfant, par exemple lors de ses vacances scolaires13.

En matière de santé et sécurité au travail, la Loi prévoit l'obligation pour les employeurs d'identifier, d'analyser et de prendre en compte les risques pouvant affecter particulièrement la santé ou la sécurité des jeunes travailleurs âgés de 16 ans et moins, et notamment dans les programmes de prévention ou les plans d'action mis en place au sein de l'entreprise14. Désormais, les tâches qui ne devraient pas être effectuées par les travailleurs âgés de 16 ans et moins doivent être indiquées15. Finalement, il sera possible pour l'employeur d'obtenir une aide financière de la CNESST pour soutenir des initiatives d'information, de sensibilisation ou de formation en matière de normes du travail16. Ces modifications ne sont pas encore entrées en vigueur, mais nous suivons de près les annonces gouvernementales17.

Implications pour l'employeur

Concrètement, au plus tard le 1er juillet 2023, l'employeur qui a, à son emploi, un enfant de moins de 14 ans qui n'est pas visé par une des exceptions prévues au RNT, doit lui transmettre un avis écrit de cessation d'emploi et lui donner un préavis de fin d'emploi respectant la LNT18 (en argent ou en temps travaillé). La Loi prévoit un régime particulier quant au délai de transmission de cet avis, soit une semaine si l'enfant justifie de trois mois à moins d'un an de service continu19, de deux semaines s'il justifie d'un an à deux ans de service continu et de trois semaines s'il justifie de deux ans ou plus de service continu20.

Quant à l'employeur qui fait effectuer un travail par un enfant de moins de 14 ans, mais visé par les exceptions prévues à la RNT, il doit avoir obtenu le consentement écrit prévu à la LNT au plus tard le 1er juillet 202321.

Finalement, nous soulignons l'importance pour l'employeur de se conformer aux modifications apportées par cette Loi dans les délais indiqués, car les amendes en cas d'infractions aux dispositions de la LNT portant sur le travail des enfants sont haussées22.

L'auteure tient à remercier Jeanne Pérès, stagiaire en droit, pour sa précieuse contribution à cet article.

Footnotes

1. Comité consultatif du travail et de la main-d'Suvre, Avis du CCTM concernant le travail des enfants au Québec, 14 décembre 2022, accessible en ligne sur le site du ministère du Travail : (Avis du CCTM concernant le travail des enfants au Québec (gouv.qc.ca)).

2. PL 19, Loi sur l'encadrement du travail des enfants, 1re session, 43e législature, Québec, 2023 (sanctionnée le 1er juin 2023), RLRQ, 2023, c. 11.

3. RLRQ, c. N-1.1.

4. RLRQ, c. S-2.1.

5. RLRQ, c. N-1.1, r. 3.

6. Article 84.3 LNT.

7. Article 84.3, alinéa 1 LNT.

8. Article 84.3, alinéa 2 et 3 LNT.

9. Article 35.0.3. RNT.

10. Article 35.0.3., alinéa 2 RNT.

11. Article 35.0.3., alinéa 1, paragraphe 8 et alinéa 3 RNT.

12. Article 84.4 LNT.

13. Article 84.4 LNT.

14. Articles 59, 61.2 et 78 LSST.

15. Article 90, alinéa 1, paragraphe 4 LSST.

16. Article 39, alinéa 1, paragraphe 18 LNT.

17. Elles entreront en vigueur à la date ou aux dates fixées par le gouvernement, lesquelles ne peuvent être postérieures au 6 octobre 2023 (Article 313, alinéa 1, paragraphe 7 de la Loi modernisant le régime de santé et de sécurité au travail).

18. Article 16, alinéa 1 PL 19.

19. La définition de service continu prévue à l'article 1, alinéa 1, paragraphe 12 de la LNT s'applique, soit : « la durée ininterrompue pendant laquelle le salarié est lié à l'employeur par un contrat de travail, même si l'exécution du travail a été interrompue sans qu'il y ait résiliation du contrat, et la période pendant laquelle se succèdent des contrats à durée déterminée sans une interruption qui, dans les circonstances, permette de conclure à un non-renouvellement de contrat ».

20. Article 16, alinéa 2 PL 19.

21. Article 17 PL 19.

22. Articles 140 et 140.1 LNT.

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