L’abus Du Droit Fiscal – L’importance De L’existence De Considérations Non-Fiscales Pour Le Montage Choisi – Arrêt Du Tribunal Administratif Du 21 Mai 2013, no 31058

L'impôt est une charge financière comme une autre. Le rôle du responsable fiscal d'une entreprise sera d'abord de prévoir cette charge, mais ce n'est pas suffisant, il devra, autant que possible, chercher à la réduire
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L'impôt est une charge financière comme une autre. Le rôle du responsable fiscal d'une entreprise sera d'abord de prévoir cette charge, mais ce n'est pas suffisant, il devra, autant que possible, chercher à la réduire. S'il ne le fait pas, il pourra même être tenu responsable pour avoir commis une faute de gestion, car celui qui fait payer plus d'impôts que nécessaire à l'entreprise qu'il dirige ne se comporte pas en "bon père de famille", tel que le Code civil l'exige. En ce sens la fiscalité est devenue une technique de gestion en liaison avec la gestion juridique, financière et commerciale des entreprises. Le langage utilisé est d'ailleurs révélateur. Autrefois, les juristes parlaient modestement de la liberté de choix de la voie fiscale la moins imposée. Aujourd'hui on utilise un vocabulaire plus agressif : on parle de gestion fiscale, de stratégie fiscale, de tax-planning, ou plus généralement d'optimisation fiscale.

L'optimisation est à distinguer de la fraude fiscale en ce sens que la première, contrairement à la seconde, respecte le critère de légalité.

Mais l'optimisation fiscale doit elle-même faire l'objet d'une sous-distinction importante : si la plupart des opérations d'optimisation fiscale sont à accepter par le bureau d'imposition, certaines peuvent cependant être écartées par ce dernier au titre d'abus de droit (§ 6 StAnpG). Véritable arlésienne du droit fiscal, l'abus de droit permet au fisc d'écarter comme ne lui étant pas opposables les montages juridiques qui, tout en respectant le critère de légalité, génèrent des avantages fiscaux pour le contribuable que le législateur n'avait pas envisagé. Généralement, il s'agit de situations oùle contribuable, par agencement habile de conventions et de structures juridiques se met hors de portée d'une disposition fiscale qui normalement aurait dû s'appliquer à lui ; ou qui, par ce même moyen, obtient des avantages fiscaux que le législateur entendait lui refuser.

Le juge de l'impôt se voit de plus en souvent confronté à la question de la délimitation de l'optimisation fiscale acceptable de celle qui ne l'est plus. Il en a été de même de l'arrêt du 21 mai 2013. Il s'agissait d'une question de bonification d'impôt pour investissement (art. 152bis LIR). L'entreprise ayant procédé à des investissements en principe éligibles mais ne pouvant bénéficier dans les faits de la bonification d'impôts, décida de créer une filiale pour y loger ces investissements. Comme la filiale s'est trouvée intégrée dans la société-mère sur le plan fiscal, dans le cadre de la consolidation fiscale (art. 164bis LIR), cette dernière réussit à profiter d'après les textes de la bonification d'impôt. Mais n'y avait-il pas là excès d'habilité juridique? C'était en tout cas l'opinion du bureau d'imposition qui refusa la bonification d'impôt au motif de l'abus de droit. Le juge de l'impôt, dans son arrêt sous rubrique, donne raison au fisc.

L'abus de droit permet de dénier les "avantages fiscaux injustifiés et non voulus par le législateur"

L'essentiel de l'argumentation à laquelle procède le juge de l'impôt emprunte un chemin maintenant bien balisé. C'est ainsi que le tribunal retient tout d'abord que l'abus de droit "reflète ainsi le principe de l'appréciation d'après les critères économiques en matière fiscale", en ce sens qu'il permet de dénier les "avantages fiscaux injustifiés et non voulus par le législateur" en cas de recours par le contribuable à des "constructions artificielles". Pour séparer la graine de l'ivraie, et en cela l'arrêt apporte un éclairage nouveau sur la question, il y a lieu de se référer à un critère jugé "essentiel " par le tribunal, et qui consiste dans la recherche de la motivation du contribuable : est-ce qu'il existe une "motivation autre que fiscale pour la construction juridique retenue"? Si oui, elle n'est pas abusive; dans le cas inverse, elle le sera. En effet, d'après le tribunal, "la théorie de l'abus de droit permet à l'administration d'écarter des constructions juridiques ou opérations motivées exclusivement par des fins fiscales, non motivées par des considérations économiques". La recherche d'une motivation non-fiscale éventuelle, généralement économique, devient ainsi le centre de l'analyse de l'abus de droit fiscal. Le contribuable n'ayant pu avancer des arguments non-fiscaux suffisamment pertinents pour convaincre le tribunal, ce dernier conclut à l'existence d'une structure juridique abusive.

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