La France impose à certains groupes trois exigences cruciales en matière de prix de transfert : la documentation (A), la déclaration annuelle (B) et la déclaration pays-par-pays (CbCR) (C). Ces obligations ont été mises en place pour prévenir les transferts indirects de bénéfices à l'étranger entre sociétés d'un même groupe et réduire les risques d'optimisation fiscale agressive. L'appréciation des champs d'application s'avère complexe, rendant difficile l'identification des obligations pesant sur les contribuables en la matière.

A – DOCUMENTATION

Les obligations des entreprises diffèrent selon leur taille ou celle du groupe auquel elles appartiennent. Cette documentation reste toutefois plus que conseillée pour toutes les entreprises ayant des transactions intragroupe transfrontalières.

A1 - Documentation obligatoire en matière de prix de transfert [Article L. 13 AA du Livre des Procédures Fiscales français (" LPF ")]

L'obligation de documentation des prix de transfert en France s'applique à tous les contribuables français (y compris les établissements français d'entreprises étrangères) :

a) Réalisant un chiffre d'affaires annuel hors taxes d'au moins 400 millions d'euros et/ou disposant d'un actif brut figurant au bilan d'au moins 400 millions d'euros ; ou

b) Détenant à la clôture de l'exercice, directement ou indirectement, plus de la moitié du capital ou des droits de vote d'une entité juridique répondant à l'une des conditions définies au a) ci-dessus ; ou

c) Dont plus de la moitié du capital ou des actions avec droit de vote appartient directement ou indirectement, à la date de clôture de l'exercice, à une entité juridique répondant à la condition définie au point a) ci-dessus ; ou

d) Appartenant à un groupe soumis au régime français de l'intégration fiscale, lorsque ce groupe comporte au moins une entité juridique répondant à l'une des conditions ci-dessus (c'est-à-dire a, b ou c).

Ces seuils doivent être appréciés sur la base d'états financiers statutaires.

Le projet de loi de finances pour 2018 a largement aligné les exigences françaises en matière de documentation des prix de transfert sur les recommandations de l'Action 13 du projet BEPS de l'OCDE en modifiant l'article L. 13 AA du LPF (Fichier principal et Fichier local). Les transactions à documenter dans le Fichier local sont celles entre l'entité française et une ou plusieurs parties liées dont le montant, tel qu'il résulte de la comptabilité de l'entité française, agrégé par catégorie excède 100 000 € pour l'année fiscale. Ce montant doit être évalué sans compensation des produits et des charges, ou des acquisitions et des cessions d'actifs.

Cette documentation prix de transfert doit être disponible le premier jour du contrôle fiscal. Les entités françaises entrant dans le champ d'application de l'article L. 13 AA du LPF et ne remplissant pas leur obligation à cet égard sont soumises à une pénalité, par année de contrôle, à hauteur du montant le plus élevé entre (i) 0,5 % du montant des transactions qui ont été omises ou incomplètement documentées ou (ii) 5 % des rectifications afférentes à ces mêmes transactions, avec un minimum de 10 000 € par année de contrôle.

A2 - Documentation non-obligatoire en matière de prix de transfert [Article L. 13 B du LPF]

Pour les contribuables français qui n'entrent pas dans le champ d'application de l'article L. 13 AA du LPF, l'administration fiscale française est autorisée à demander, sous conditions, des informations concernant la politique de prix de transfert appliquée (en pratique, l'administration peut demander une documentation sur les prix de transfert qui est un peu plus légère que celle prévue à l'article L. 13 AA du LPF).

La documentation doit être fournie dans un délai de 60 à 90 jours

Le défaut de réponse à la demande faite en application de l'article L. 13 B du LPF entraîne l'application d'une amende de 10 000 € pour chaque exercice visé par cette demande.

Par ailleurs, l'administration est autorisée à réévaluer le résultat imposable sur la base des informations dont elle dispose.

B - DECLARATION ANNUELLE

L'article 223 quinquies B du Code Général des Impôts (CGI) prévoit une obligation de déclaration des prix de transfert.

Cette déclaration (formulaire Cerfa 2257-SD) doit être déposée électroniquement chaque année par certains contribuables français dans les six mois suivant le dépôt de leur liasse fiscale. Cette obligation s'applique aux contribuables français dont le chiffre d'affaires ou l'actif brut est supérieur ou égal à 50 millions d'euros, ainsi qu'à ceux qui détiennent une filiale ou qui sont détenus par des actionnaires directs ou indirects (détention en capital ou en droits de vote supérieure ou égale à 50%) atteignant ces seuils de chiffre d'affaires ou d'actif brut.

Ces seuils doivent également être évalués sur une base statuaire.

La déclaration doit inclure une description des politiques de prix de transfert, des informations liées aux actifs incorporels, ainsi que des détails concernant les juridictions où les entités liées sont établies et les montants des transactions intragroupe transfrontalières. En cas de non-dépôt de la déclaration ainsi qu'en cas d'omissions et d'inexactitudes, les amendes suivantes sont applicables :

  • Le défaut de dépôt dans les délais prescrits entraîne une amende de 150 € ;

  • Sauf cas de force majeure, les omissions ou inexactitudes donnent lieu à une amende de 15 € par omission ou inexactitude, sans que le total des

des amendes puisse être inférieur à 60 € ou supérieur à 10 000 €. Ces sanctions ne s'appliquent pas en cas de première infraction commise pendant l'année civile en cours et les trois années civiles précédentes, lorsque le contribuable concerné a remédié à l'infraction, soit spontanément, soit dans les 30 jours d'une demande de l'administration.

C - DÉCLARATION PAYS PAR PAYS

Les obligations de déclaration pays par pays ("CbCR") sont définies à l'article 223 quinquies C du CGI.

Les sociétés françaises doivent déclarer, dans les 12 mois suivant la clôture d'un exercice, leurs activités, ainsi que leurs bénéfices pays par pays et divers agrégats économiques, comptables et fiscaux. Les sociétés françaises soumises à cette obligation sont celles :

  • Etablissant des comptes consolidés ; et

  • Détenant ou contrôlant, directement ou indirectement, une ou plusieurs entités juridiques établies hors de France ou ayant des succursales à l'étranger ;

  • Réalisant un chiffre d'affaires annuel consolidé d'au moins 750 millions d'euros ; et

  • N'étant pas détenues par une ou plusieurs entités juridiques situées en France et soumises à cette obligation de déclaration pays par pays, ou établies hors de France et soumises à une obligation de déclaration pays par pays similaire en vertu d'une législation étrangère.

Les entreprises qui ne se conforment pas à cette obligation sont passibles d'une amende ne pouvant excéder 100 000 euros.

En outre, sous certaines conditions, les contribuables français peuvent être soumis à une obligation de notification dans la liasse fiscale (formulaire 2065- SD) et/ou au dépôt du CbCR.

Cette déclaration ne doit pas être confondue avec le CbCR public prévu par la Directive 2021/2101 du 24 novembre 2021, entrée en vigueur le 22 décembre 2021 et qui doit être transposée avant le 22 juin 2023 par les Etats Membres.

Originally published 22 May 2023

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