EDITORIAL
POUR UN DIALOGUE SOCIAL REVIGORÉ
La conférence sociale 2015 s'est ouverte ce lundi au Palais d'Iéna dans le contexte difficile que l'on sait (streep tease forcé de dirigeants aériens, refus de poignée de main au chef de l'Etat, boycott du premier des syndicats de salariés, etc). Selon les services de l'Elysée « la formule 2015 est plus ramassée » (Le Figaro, 19 octobre, p. 24). On ne peut pas faire plus lacanien. Pourtant les politiques de tout bord appellent régulièrement de leurs vSux le renouveau du « dialogue social » et ce, depuis le programme du Conseil National de la Résistance (1943), époque où gaullistes et communistes envisageaient sans rire (l'époque ne s'y prêtait pas) un avenir commun. En fait de renouveau, on assiste au mieux à une dissolution, au pire à un affrontement. Le temps est venu, pour les réformateurs de bonne volonté, de proposer quelques mesures d'apaisement puisque tel semble être le nouveau leitmotiv. Evidemment, apaiser le dialogue social en ces temps de chômage de masse revient un peu à organiser une partie de belotte dans l'Sil du cyclone mais bon... réformons paisiblement. Et pour ce faire, il suffit de recourir aux principaux outils de la réforme à la française : pénalisation, taxation et réglementation. Pour raviver le dialogue social, on pourrait par exemple :
- pénaliser les refus de serrage de mains des élus de la République et autres agents publics (3000 euros d'amende, 3 mois d'emprisonnement en cas de récidive, cause exonératoire en cas d'épidémie de grippe mais seulement sur la période publiée au Journal Officiel dans la rubrique « Avis ») ;
- taxer les syndicats (salariés et employeurs) jouant la politique de la chaise vide (5% des financements publics annuels par jour d'absence, modulation possible par une commission des recours au vu des explications, notamment médicales, fournies) ;
- créer une commission étatique du dialogue social convoquant les partenaires sociaux tous les trois mois pour qu'ils rendent compte de l'avancée de leurs discussions (même pénalisation en cas de non comparution) ;
- publier un rapport annuel du dialogue social de l'année n avant le 31 mars de l'année n+1, obligatoirement débattu dans toutes les organisations syndicales nationales, régionales et départementales avant le 30 juin (à peine d'amende proportionnelle au nombre d'adhérents pondérée par la représentativité sur la zone géographique considérée, réduite ou majorée d'un coefficient de gravité) ;
- interdire les referendums dans les entreprises qui sont évidemment les moins concernées de toutes par les résultats du dialogue social (à peine d'amende égale à 20% de la rémunération annuelle brute du patron sur les 3 dernières années plus 50% de la plus value latente de ses stock-options, une modulation étant possible en cas de reconnaissance de faute).
Comme on le voit, ce ne sont pas les idées qui manquent pour redonner toute sa place au dialogue social. A défaut, il faut avouer que "nous sommes devenus lucides. Nous avons remplacé le dialogue par le communiqué" (A. Camus, La Chute).
SOURCES
JURISPRUDENCE
Responsabilité de l'Etat pour une loi
inconventionnelle. Le Conseil d'État a
précisé sa jurisprudence Gardedieu (CE Ass.,
8 févr. 2007, n° 279522) à l'occasion
d'un litige opposant la société Lilly France
à l'URSSA. La société avait agi en vain
devant le juge judiciaire en raison de la validation, par la loi de
financement de la sécurité sociale pour 2004, des
contrôles de l'URSSAF en tant qu'ils seraient
contestés par le moyen qu'elle invoquait. Cette loi
ayant ensuite été déclarée contraire
à la convention européenne des droits de l'homme
(en 2010), la société a demandé la
condamnation de l'État à l'indemniser sur le
fondement de la jurisprudence Gardedieu. Le ministre ne
contestait pas que la loi en question ait été
adoptée en méconnaissance des engagements
internationaux de la France et que son intervention était
susceptible d'engager la responsabilité de l'Etat
mais il soutenait qu'il n'y avait pas de lien de
causalité directe entre l'adoption de cette loi et le
préjudice invoqué par la société Lilly
France. Le CE lui a donné raison en estimant que
l'erreur du juge qui estime conforme à la Convention
européenne des droits de l'homme une loi de validation
en fait inconventionnelle rompt le lien de causalité entre
cette loi et le préjudice subi par une personne à
laquelle elle a été appliquée. Ainsi il
n'existe pas de lien de causalité directe entre
l'intervention de la loi contraire à la Convention EDH,
d'une part, et le préjudice subi par la
société du fait du rejet par le juge judiciaire de sa
demande de décharge des sommes qui lui ont été
réclamées à la suite du redressement de 2001,
d'autre part (CE, 5 octobre 2015, n° 371832).
Manquement aux obligations de publicité et mise en
concurrence. Maintien du contrat. Le maire d'une
commune de Nouvelle-Calédonie avait signé un devis
avec une société qui chargeait cette dernière
de missions de maitrise d'Suvre pour la réalisation
d'une extension de la mairie pour un montant forfaitaire de 15
720 000 francs CFP. Le maire a ensuite indiqué à la
société qu'il ne pouvait régler ses
factures au motif que la commune ne pouvait pas s'engager
au-delà du seuil de 8 000 000 de francs CFP sans passer par
un appel d'offres. La société avait
demandé au TA de condamner la commune à lui verser le
montant des factures impayées mais le TA n'avait pas
fait droit à sa demande. La CAA juge que le devis
signé présente le caractère d'un contrat
compte tenu de son contenu et qu'il a été
effectivement été signé en
méconnaissance des règles de passation des
marchés. Cependant, elle juge qu'eu égard
à l'exigence de loyauté des relations
contractuelles, ce vice n'est pas de nature à justifier
que le contrat soit écarté pour assurer le
règlement du litige car il ne ressort pas que les parties
aient entendu déroger à ces règles en
connaissance de cause, ni que leur consentement ait
été vicié (CAA Paris, 8 octobre 2015,
n°14PA00019).
Responsabilitédécennale des
constructeurs. Terminal 2 de Roissy. La
société Aéroport de Paris avait demandé
au TA de condamner les sociétés du groupement
d'entreprises chargé de l'exécution des
travaux en réparation des désordres
d'infiltration du Terminal 2 de l'aéroport Paris
Charles-de-Gaulle, sur le fondement de la garantie
décennale, mais le TA avait rejeté sa demande. Le TA
avait estimé que les désordres affectant
l'ouvrage étaient apparents à la date de
levée des réserves mais, saisie en appel, la CAA
estime au contraire que ni les désordres en litige, ni
l'ampleur de leurs conséquences n'étaient
apparents à cette date. La CAA constate d'une part que
les désordres sont généralisés et de
nature à rendre l'ouvrage impropre à sa
destination et qu'ils sont imputables aux
sociétés du groupement. La Cour juge aussi qu'eu
égard au caractère généralisé
des malfaçons, il ne peut être considéré
que la prévention des aléas techniques a
été correctement effectuée, les
désordres en cause étant donc également
imputables au contrôleur technique. Par ailleurs, si aucun
défaut ou insuffisance de conception ne peut être
imputée à Aéroport de Paris, elle a en
revanche commis une faute de nature à atténuer la
responsabilité des sociétés du groupement en
ne relevant pas que les travaux réalisés
étaient affectés d'une malfaçon
grossière dans sa mission de maitre d'Suvre (25% lui
sont imputés pour certains désordre et 30% pour
d'autres). (CAA Versailles, 8 octobre 2015,
n°14VE00722).
Responsabilité décennale des constructeurs.
Abattement pour vétusté, exclusion du
préjudice de jouissance. La commune de
Louhans-Châteaurenaud avait passé un marché
pour la construction d'une piste d'athlétisme avec
la société Mondo France. Les réserves
posées à la réception des travaux avait
été levées mais des désordres
étaient apparus dès la première année
d'utilisation et ce pendant neuf ans, les réparations
réalisées par la société attributaire
n'ayant pas été suffisantes. La commune a
demandé au tribunal de Dijon la nomination d'un expert
puis la condamnation de la société Mondo France
à l'accomplissement de travaux de réfection de la
piste ou à l'indemnisation du coût de ces travaux
ainsi que du préjudice subi par la personne publique. Le TA
ayant accueilli la demande de la commune, la société
avait fait appel de ce jugement. La CAA – après avoir
rappelé les principes de la garantie décennale a
confirmé le jugement et reconnu que les désordres
étaient de nature à rendre la piste
d'athlétisme impropre à sa destination. Elle a
néanmoins appliqué un abattement de
vétusté de 50%, les vices apparus au cours de la
première année d'utilisation n'étant
pas suffisamment graves. L'indemnisation du
"préjudice de jouissance" subi par la commune a
été écarté (CAA Lyon, 17 septembre
2015, n°14LY03341).
Rappel des conditions d'homologation d'une
transaction administrative. Une maison de retraite avait
demandé au TA de condamner la société
titulaire d'un marché de travaux sur le fondement de sa
responsabilité contractuelle puis s'était
désistée en cours d'instance. Elle souhaitait
homologuer la transaction conclue avec la société
Eiffage venant aux droits de la société titulaire. La
CAA rappelle que, par exception à l'article 2052 du code
civil, les conclusions tendant à ce que le juge
administratif homologue une transaction sont recevables dans le cas
où la contestation à laquelle il est mis fin a
été précédemment portée devant
le juge administratif. Sous réserve que la transaction ait
pour objet le règlement ou la prévention de litiges
pour le jugement desquels la juridiction administrative serait
compétente, le juge vérifie le consentement des
parties, la licéité de l'objet de cette
transaction, qu'elle ne constitue pas une
libéralité de la collectivité publique
intéressée et qu'elle ne méconnaît
pas d'autres règles d'ordre public. Si une de ces
conditions n'est pas remplie, la non-homologation
entraîne la nullité de la transaction. Le refus
d'homologation entraînant la nullité de la
transaction, il appartient dans cette hypothèse au juge de
statuer sur la requête. En l'espèce, les
conditions sont remplies (CAA Nancy, 1er octobre 2015,
n°14NC00336).
PARLEMENT
Fonction publique. L'Assemblée
nationale a adopté à la quasi-unanimité en
première lecture, dans la nuit du 8 au 9 octobre, le projet
de loi relatif à la déontologie, aux droits et aux
obligations des fonctionnaires, qui entend "renforcer la
confiance entre les citoyens et les agents". Le projet doit
maintenant être examiné au Sénat.
Loi de finances 2016 et prime
d'activité. La députée (PS) du
Tarn-et-Garonne et rapporteure générale du projet de
loi de finances pour 2016, a remis son rapport
général sur ce texte le 8 octobre 2015. Y figure
notamment une fiche consacrée à la prime
d'activité qui remplacera le RSA activité et la
prime pour l'emploi, et qui visera à inciter à la
bi-activité du foyer. Le rapport résume la formule de
calcul: prime d'activité du foyer = (montant forfaitaire
+ 62% des revenus d'activité du foyer + bonus
individuels) - (revenus d'activité + autres ressources
du foyer).
Commande publique. Le 15 octobre 2015, a
été présenté le rapport de la mission
commune d'information (MCI) du Sénat sur la commande
publique, adopté à l'unanimité, et
intitulé "Passer de la défiance à la
confiance, pour une commande publique plus favorable aux PME".
Il présente 21 propositions parmi lesquelles le
relèvement du seuil de dispense de procédure de
publicité et de mise en concurrence à 40.000 euros HT
d'ici trois ans et l'obligation de la publication de la
part des marchés attribués aux PME par les
collectivités territoriales.
GOUVERNEMENT
Relations entre citoyen et administration. La
secrétaire d'État chargée de la
réforme de l'État et de la simplification a
présenté une ordonnance relative aux dispositions
législatives du nouveau Code des relations entre le
public et l'administration et un décret relatif aux
dispositions réglementaires du même code. Il rassemble
dans un document unique l'ensemble des règles
générales qui découlent des lois relatives aux
droits des administrés et des règles
jurisprudentielles. Il entrera en vigueur le 1er janvier 2016 (Code
des relations entre le public et l'administration, Conseil des
ministres du 14 septembre 2015).
Aides aux entreprises. Le Commissariat
général à l'égalité des
territoires (CGET) vient de publier une circulaire datée du
14 septembre 2015, adressée aux préfets, qui rappelle
ce qu'il faut savoir sur les aides « de minimis »
c'est-à-dire les aides octroyées par les
collectivités ou l'Etat à des entreprises et qui
sont dispensées de notification à Bruxelles du fait
de leur faible montant (moins de 200.000 euros sur trois
ans).
Relation administration-usagers. Dans le cadre
d'une consultation sur vie-publique.fr, trois projets de
décrets sur les exceptions au principe du "silence vaut
accord" à l'égard des décisions des
collectivités territoriales ont été rendus
publics. Le principe du "silence vaut accord" (qui
souffre de nombreuses exceptions) entrera en vigueur pour les
procédures des collectivités territoriales le 12
novembre prochain.
PRATIQUE
LA GARANTIE DÉCENNALE DES CONSTRUCTEURS ENVERS LES PERSONNES PUBLIQUES
La responsabilité décennale des constructeurs
d'un ouvrage vis-à-vis du maître de l'ouvrage
ou de l'acquéreur découlant des termes des
articles 1792, 1792-2 et 1792-4 du Code civil a été
transposée au droit administratif par le juge dès
1973 (CE, 2 février 1973, Trannoy, Rec p. 95). Le
délai de dix ans commence à courir au jour où
les travaux sont reçus, ou au moment où les
réserves émises lors de la réception sont
levées (CE, 21 févr. 1986, n° 34635), sauf accord
des parties sur une date différente. La garantie
décennale ne s'applique pas dans tous les cas où
des désordres sont découverts après
réception : le désordre, ou l'ampleur de ce
désordre, ne devait être ni apparent ni connu au jour
de la réception de l'ouvrage pour être couvert au
titre de la garantie décennale des constructeurs. Ainsi, si
au moment de l'acte de réception, les dommages apparents
ne font pas l'objet de réserves, ils ne pourront plus
ensuite être couverts au titre de la garantie
décennale. Il appartient au constructeur, dans le cas
où le maître de l'ouvrage engage sa
responsabilité par ce moyen, de soulever le caractère
apparent des désordres (CE, 4 juillet 2007, n°270494).
Le Conseil d'Etat estime que les négligences fautives du
maître d'ouvrage pendant l'exécution des
travaux et la réception ne rendent pas nécessairement
le vice apparent (CE, 15 avr. 2015, Cne
St-Michel-sur-Orge, n° 376229, Contrats Marchés
publ. 2015, n° 142, note P. Devillers).
Il faut en outre que le désordre présente une
certaine gravité : que le désordre affecte la
solidité de l'ouvrage ou la solidité d'un
élément d'équipement indissociable, ou que
le désordre rende l'ouvrage impropre à sa
destination. Tous les professionnels intervenus dans la conception
ou la réalisation des travaux (entrepreneurs, architecte,
fabricant de certains composants) peuvent voir leur
responsabilité engagée à ce titre.
L'action est ouverte pour la personne publique maître de
l'ouvrage ou celle étant en charge de la gestion ou de
l'utilisation de l'ouvrage (CE, 8 juillet 1996,
n°128579). Par ailleurs, la personne pour le compte de laquelle
un ouvrage est édifié, peut céder
contractuellement à l'exploitant de cet ouvrage le droit
d'exercer l'action en garantie décennale
afférente auxdites installations (CE, 3 oct. 1986, n°
58084, Sté Tunzini-Nessi Entreprises). La
jurisprudence considère que les entreprises qui
s'engagent conjointement et solidairement envers le
maître de l'ouvrage à réaliser une
opération de construction s'engagent non seulement
à exécuter les travaux, mais également en cas
de désordres pouvant être couverts par leur
responsabilité décennale. Pour échapper
à cette responsabilité conjointe et solidaire, une
entreprise en cause doit avoir été partie à
une convention fixant la part qui lui revient dans
l'exécution des travaux et à laquelle le
maître de l'ouvrage a également été
partie (CE, 11 juillet 2008, n°275289). Une fois le
délai de dix ans passé, le maître d'ouvrage
n'a plus la possibilité d'agir contre les
constructeurs (sauf interruption du délai du fait notamment
d'une action en justice).
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