En bref

La situation : Par un arrêt du 18 octobre 2023 prochainement cité au rapport annuel (Cass. com., 18 oct. 2023, n° 20-21.579), la Cour de cassation apporte un éclairage majeur à l'article 1226 du Code civil qui autorise la résolution unilatérale d'un contrat, par notification au créancier de l'obligation non exécutée sans mise en demeure préalable d'avoir à s'exécuter.

Le résultat : Selon la Cour de cassation, le créancier souhaitant prononcer la résolution unilatérale d'un contrat non-exécuté n'est plus tenu de procéder à une mise en demeure préalable « lorsqu'il résulte des circonstances qu'elle est vaine ».

Perspectives : Cette décision, qui enrichit le régime de la résolution unilatérale prévu à l'article 1226 du Code civil, devrait simplifier et accélérer sa mise en Suvre, renforçant ainsi les droits des créanciers vis-à-vis des débiteurs défaillants.

En cas d'inexécution contractuelle suffisamment grave, le créancier est libre de mettre fin au contrat en prononçant unilatéralement sa résolution, et ce à ses risques et périls.

Exception prétorienne à la résolution judiciaire, la résolution unilatérale avait été consacrée dans l'arrêt Tocqueville du 13 octobre 1998 dans lequel la Cour de cassation avait estimé que « la gravité du comportement d'une partie à un contrat peut justifier que l'autre partie y mette fin de façon unilatérale à ses risques et périls » (Civ. 1re, 13 oct. 1998, n° 96-21.485). Sous l'empire de cette jurisprudence, la nécessité d'une mise en demeure préalable restait toutefois incertaine.

L'article 1226 du Code civil, issu de l'Ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, a consacré cette pratique en énonçant en son alinéa 1er : « Le créancier peut, à ses risques et périls, résoudre le contrat par voie de notification. Sauf urgence, il doit préalablement mettre en demeure le débiteur défaillant de satisfaire à son engagement dans un délai raisonnable ».

Cet article a ainsi mis un terme aux incertitudes jurisprudentielles en imposant une mise en demeure préalable du débiteur de satisfaire à ses obligations, sauf en cas d'urgence. Ce n'est que lorsque l'inexécution persiste que le créancier peut valablement lui notifier la résolution du contrat, entraînant le respect d'un formalisme et de délais supplémentaires qui ont pu, dans certaines circonstances, paraître artificiels.

C'est cet écueil qu'a manifestement souhaité éviter la Cour de cassation dans son arrêt du 18 octobre 2023, en relevant de la part du débiteur un « comportement (...) d'une gravité telle qu'il avait rendu manifestement impossible la poursuite des relations contractuelles ». En l'espèce, elle a donc estimé qu'une mise en demeure était vaine puisqu'elle n'aurait pas permis la poursuite de la relation contractuelle et donc d'éviter la résolution du contrat. Et la Cour d'énoncer en conséquence qu' « une telle mise en demeure n'a cependant pas à être délivrée lorsqu'il résulte des circonstances qu'elle est vaine ».

La sécurité juridique et la protection du débiteur n'en sont pas sacrifiées pour autant, la résolution se faisant toujours aux « risques et périls » du créancier, de sorte que le débiteur pourra toujours saisir le juge a posteriori pour contester tant la gravité de son inexécution que l'absence de mise en demeure préalable.

Trois points importants à retenir

  1. Par un arrêt du 18 octobre 2023, la Cour de cassation précise qu'une mise en demeure préalable n'a pas à être délivrée afin de procéder à la résolution unilatérale d'un contrat lorsqu'il résulte des circonstances qu'elle est vaine. Cet arrêt ajoute donc une exception supplémentaire à celle de l'urgence prévue à l'article 1226 du Code civil.
  2. Cette jurisprudence, favorable au créancier, devrait permettre de faciliter la résolution unilatérale des contrats lorsqu'il est évident qu'une mise en demeure du débiteur ne peut permettre la poursuite de la relation contractuelle.
  3. Cette faculté pour le créancier doit cependant être maniée avec précaution dans la mesure où le débiteur pourra toujours saisir a posteriori le juge pour contester la résolution et l'absence de mise en demeure préalable.

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