I. ProcÉdure pÉnale

TF 7B_161/2022

Séquestre de comptes en cas de fraude dans la saisie [p. 2]

TF 1C_380/2023

Refus d'octroyer l'autorisation à la poursuite pénale contre une Procureure accusée de bris de scellés
[p. 3]

II. Droit pÉnal Économique

III. Droit international privÉ

IV. Droit de la poursuite et de la faillite

TF 5A_362/2023

Privilège des créances des fondations bancaires reconnues comme institutions de prévoyance [p. 4]

TF 5A_360/2023

Obligation de renseigner pour une banque lors de l'exécution de la saisie, controverses jurisprudentielles et doctrinales
[p. 5]

V. entraide internationale

Quelques propos introductifs

La présente Newsletter de Monfrini Bitton Klein vise à offrir, de manière hebdomadaire, un tour d'horizon de la jurisprudence rendue par le Tribunal fédéral dans les principaux domaines d'activité de l'Etude, soit le droit pénal économique et le recouvrement d'actifs (asset recovery).

Sans prétendre à l'exhaustivité, seront reproduits ci-après les considérants consacrant le raisonnement juridique
principal développé par notre Haute juridiction sur les thématiques suivantes : droit de procédure pénale, droit pénal économique, droit international privé, droit de la poursuite et de la faillite, ainsi que le droit de l'entraide
internationale.

I. PROCÉDURE PÉNALE

TF 7B_161/2022 du 5 octobre 2023 | Séquestre de comptes en cas de fraude dans la saisie (art. 197 CPP, 263 CPP, 163 CP et 70 CP)


  • Dans le cadre d'une enquête pénale pour fraude dans la saisie (art. 163 CP), le Ministère public du canton de Schwytz a rendu plusieurs ordonnances portant sur la production de renseignements et de documents bancaires ainsi que sur le blocage de comptes dont était titulaire le Recourant. L'autorité cantonale compétente a rejeté le recours intenté par le Recourant visant à annuler les ordonnances litigieuse. Il a alors saisi le Tribunal fédéral.
  • En premier lieu, notre Haute Cour a analysé s'il existait des soupçons suffisants de commission de l'infraction de fraude dans la saisie (art. 163 CP) afin de pouvoir prononcer une mesure de contrainte (art. 197 al. 1 let. b CPP).
  • In casu, il était reproché au Recourant d'avoir communiqué à l'Office des poursuites, dans le cadre de la saisie, un revenu plus bas que celui figurant dans sa déclaration fiscale, ainsi que d'avoir tu l'existence de plusieurs comptes bancaires qui figuraient aussi dans ladite déclaration (consid. 2.4).
  • Le Tribunal fédéral a considéré que les explications du Recourant concernant l'écart entre le revenu annuel déclaré fiscalement et le salaire net mensuel indiqué lors de la saisie ne dissipaient pas d'emblée les soupçons qui pesaient sur lui. Il n'a pas non plus été convaincu par les explications du Recourant concernant les comptes non communiqués lors de la saisie, soit que certains comptes contenaient peu d'avoirs ou encore qu'un reçu faisant référence à l'un des comptes en question se trouvait dans le dossier de l'Office des poursuites. Ainsi, l'existence de soupçons suffisants d'une violation de l'art. 163 CP devait être admise (consid. 2.5 et 2.6).
  • En deuxième lieu, notre Haute Cour a examiné les conditions régissant le prononcé d'un séquestre en vue de la confiscation des valeurs patrimoniales se trouvant sur les comptes bancaires (art. 197 CPP, art. 263 al. 1 let. d CPP, art. 70 CP).
  • In casu, le Tribunal fédéral a constaté que le produit de l'infraction de fraude dans la saisie pourrait vraisemblablement être confisqué et utilisé en faveur du créancier lésé en cas de condamnation pénale. En effet, pour une créance de CHF 314'214.-, seul le salaire du Recourant (CHF 7'317.92) dépassant le minimum vital (CHF 7'021.85) avait été saisi. Le lien de connexité entre les valeurs patrimoniales séquestrés et l'infraction faisant l'objet de l'enquête pénale a donc été admis. Du reste, puisque le Recourant était titulaire des comptes bancaires litigieux, il n'y avait pas lieu de faire preuve de retenue particulière s'agissant du prononcé du séquestre (consid. 3.2).
  • Le Tribunal fédéral a, en outre, souligné que l'infraction visée était passible d'une peine privative de liberté de cinq ans au plus ou d'une peine pécuniaire, et que la perte que risquait de subir le créancier tout comme la somme supposément soustraite étaient considérables. La gravité de l'infraction justifiait ainsi les mesures de contrainte prises, d'autres moins sévères n'étant pas envisageables (consid. 3.2).
  • En troisième lieu, le Recourant reprochait à l'autorité cantonale d'avoir commis un déni de justice formel en déclarant partiellement irrecevable son recours. Le Recourant alléguait en effet pouvoir « s'opposer» au séquestre de valeurs patrimoniales appartenant à son fils mineur mais, comme semble le lui reprocher le Tribunal fédéral, il n'avait pas recouru au nom de son fils en qualité de représentant légal. Il en allait de même de l'argument selon lequel le Recourant aurait détenu, en qualité de gestionnaire de fortune, les avoirs de ses clients sur certains comptes séquestrés. A défaut d'un recours des prétendus propriétaires ou d'une procuration en faveur du Recourant, il n'était pas habilité à faire valoir en son propre nom de prétendus droits de propriété de tiers (consid. 4).
  • Compte tenu de qui précède, le recours a été rejeté.

TF 1C_380/2023 du 16 octobre 2023 | Refus d'octroyer l'autorisation de poursuite pénale contre une Procureure accusée de bris de scellés (art. 290 CP, art. 7 al. 2 let. b CPP)


  • Dans le cadre d'une procédure pénale dirigée contre C. et D., des documents et une clé USB ont été saisis lors d'une perquisition dans les locaux de la Recourante, avant d'être mis sous scellés. En raison de sa qualité de personne morale, la Recourante a été exclue de la procédure de levée des scellés et n'a pas exercé son droit d'être entendue. Par la suite, elle a déposé une plainte pénale visant la Procureure en charge du dossier au motif que, par la poursuite de l'enquête et l'exploitation des pièces saisies, la Procureure avait violé l'art. 290 CP punissant le bris de scellés.
  • La Recourante a saisi le Tribunal fédéral d'un recours contre la décision rendue par l'Obergericht du canton de Zurich refusant d'accorder au Ministère public l'autorisation de poursuivre pénalement la Procureure dénoncée.
  • Conformément à la jurisprudence, un minimum d'indices d'un comportement pénalement répréhensible doit être exigé pour l'octroi d'une autorisation de poursuivre des fonctionnaires au sens de l'art. 110 al. 3 CP pour des délits ou des crimes commis dans l'exercice de leurs fonctions. Toute erreur de l'autorité ne justifie pas l'obligation d'octroyer l'autorisation de poursuivre pénalement (consid. 2.2).
  • In casu, le Tribunal fédéral a constaté que, par décision du 26 janvier 2021, le Tribunal des mesures de contrainte avait approuvé la levée des scellés. Puis, C. et D. avaient recouru, sans succès, au Tribunal fédéral. De l'avis de notre Haute Cour, il n'était pas critiquable que l'instance précédente ait retenu que l'on pouvait raisonnablement attendre de C., en tant que président du conseil d'administration, et de D. en tant que membre du conseil d'administration, qu'ils fassent part de leurs préoccupations et objections dans la procédure de levée des scellés en qualité de représentants de la Recourante, sachant que la Recourante devait se voir imputer les connaissances de ses administrateurs. Le principe de la bonne foi avait donc été respecté. En ce sens, l'instance précédente avait conclu à juste titre que la décision du Tribunal des mesures de contrainte du 26 janvier 2021 était entrée en force. Il en résultait que l'Obergericht avait, à juste titre, nié l'existence d'un soupçon de commission d'une infraction pénale et refusé d'octroyer l'autorisation de poursuivre (consid. 3).
  • Par conséquent, le recours a été rejeté.


II. DROIT PÉNAL ÉCONOMIQUE


III. DROIT INTERNATIONAL PRIVÉ

IV. DROIT DE LA POURSUITE ET DE LA FAILLITE


TF 5A_362/2023 du 28 septembre 2023 | Privilège des créances des fondations bancaires reconnues comme institutions de prévoyance (art. 37a LB)

  • SA, Recourante, est une société anonyme inscrite au Registre de Commerce et des Sociétés du Grand-Duché de Luxembourg. Son but social est notamment de faire au Grand-Duché de Luxembourg et à l'étranger, pour elle ou pour le compte de tiers, toute opération d'assurance et de réassurance de la branche « Vie » (opérations d'assurances, opérations de capitalisation, gestion de fonds collectifs de retraite) et plus généralement toute opération financière, mobilière ou immobilière se rattachant directement à ce but. Elle propose des contrats d'assurance-vie et est soumise à la surveillance du Commissariat aux Assurances du Grand-Duché du Luxembourg. Pour chaque contrat d'assurance-vie conclu, A. SA ouvre un ou plusieurs comptes individuels auprès d'une banque, afin d'y laisser en dépôt la prime payée par l'assuré. Les comptes en question sont ensuite gérés par un gestionnaire institutionnel, sur la base d'un contrat discrétionnaire signé avec la compagnie d'assurance ou par le preneur lui-même, étant précisé que la banque peut agir comme gérante, mais que la gestion est aussi parfois confiée à une autre banque ou encore au client. Dans la majorité des cas, le gestionnaire institutionnel est la banque dépositaire elle-même.
  • Dans ce cadre, A. SA a ouvert plusieurs comptes auprès de la banque B. SA, Intimée. En 2014, cette dernière a été déclarée en faillite. A. SA a requis le privilège de collocation pour chacun des comptes ouverts pour ses activités en se prévalant de l'art. 37a al. 5 LB.
  • Le liquidateur a admis partiellement les créances produites par A. SA en admettant une créance totale de CHF 99'999.98 en deuxième classe, au motif que le titulaire de plusieurs comptes avait droit au remboursement d'un maximum de CHF 100'000.- comme dépôt privilégié, sans égard à la personne de l'ayant droit économique. A. SA agi contre cette décision, en vain. Elle a donc saisi le Tribunal fédéral d'un recours en matière civile.
  • Après avoir rappelé l'historique et le but de l'art. 37a LB (consid. 4.1.2.1), notre Haute Cour a rappelé que l'art. 37a al. 1 LB prévoit le traitement privilégié des dépôts, qui a augmenté de CHF 30'000.- à CHF 100'000.-. Les notions de dépôts et déposants privilégiés sont précisées aux art. 42a ss OB et 25 OIB-FINMA. En particulier, l'art. 42c al. 2 OB exclut les intermédiaires financiers ; ils ne bénéficient d'aucune garantie ni d'aucun privilège des dépôts en cas de faillite. Son alinéa 2 let. b et c indique que les entreprises d'assurance soumises à la LSA et les clients étrangers soumis à une surveillance prudentielle comme ces entreprises ne sont pas considérés comme des déposants privilégiés au sens de l'art. 37a al. 1 LB. Les apports sont privilégiés par l'attribution à la deuxième classe des créances (art. 219 al. 4 let. f LP). Le montant excédant le montant maximum de CHF 100'000.- n'est pas privilégié et doit être colloqué en troisième classe. Sont exclus du privilège les avoirs dont les ayants droit sont connus de la banque, mais dont la relation d'affaires n'est pas au nom de ceux-ci. Il s'agit ainsi d'éviter le risque d'un double privilège (consid. 4.1.2.2).
  • En outre, l'art. 37a al. 5 LB prévoit que les créances des fondations bancaires reconnues comme institutions de prévoyance au sens de l'art. 82 LPP (3epilier) ainsi que les créances des fondations de libre passage reconnues comme institutions de libre passage au sens de la LFLP (2e pilier) sont considérées comme étant celles de chacun des preneurs de prévoyance ou assurés. Elles sont privilégiées, indépendamment des autres dépôts de chacun des preneurs de prévoyance ou assurés, à concurrence du montant maximal de CHF 100'000.- prévu à l'art. 37a al. 1 LB. Ainsi, les créances précitées sont considérées comme des dépôts de chaque preneur de prévoyance ou assuré lui-même (consid. 4.1.2.3).
  • Compte tenu de ce qui précède, le Tribunal fédéral a retenu que les dépôts effectués en exécution de contrats d'assurance soumis à un droit étranger n'entraient à l'évidence pas dans le champ d'application de l'art. 37a al. 5 LB. Les dépôts privilégiés par cette norme visaient à protéger la prévoyance des travailleurs actifs en Suisse. En outre, s'agissant du 3ème pilier A, seuls les dépôts effectués en exécution des conventions conclues avec une fondation bancaire étaient privilégiés, à l'exclusion des contrats conclus avec des établissements d'assurance, dont la protection était assurée par les règles régissant spécifiquement ceux-ci. Quant à la question de savoir si la Recourante, qui se décrivait elle-même comme une assurance surveillée, entrait dans la catégorie des déposants privilégiés en vertu de l'alinéa 1 de cette norme, en lien avec le nouvel art. 42c OB entré en vigueur le 1er janvier 2023 (cf. consid. 4.1.2.2), elle n'avait pas à être tranchée in casu, le Tribunal fédéral ne statuant pas au-delà des conclusions des parties (consid 4.2).
  • Dès lors, il fallait confirmer la créance unique privilégiée en 2e classe de A. SA d'un montant maximum de CHF 100'000.- et non pas plusieurs créances correspondant au nombre de comptes ouverts auprès de B. SA. Partant, le recours a été rejeté.

TF 5A_360/2023 du 23 octobre 2023 | Obligation de renseigner pour une banque lors de l'exécution de la saisie, controverses jurisprudentielles et doctrinales (art. 91 LP cum art. 163 et 323 CP)

  • Lors de l'exécution de la saisie, il existe des obligations de renseigner tant pour le débiteur que pour certains tiers (art. 91 LP cum 163 et 323 CP). Dans le présent arrêt, le Tribunal fédéral a rappelé que les conditions auxquelles l'office des poursuites peut interroger une banque sur d'éventuels biens du débiteur sont controversées
    (consid. 3.2).
  • En effet, le Tribunal fédéral s'est penché à plusieurs reprises sur l'obligation de renseigner des tiers. Selon l'ATF 131 III 660, il ressortait déjà du libellé de l'art. 91 al. 4 LP que l'office ne pouvait pas exiger de n'importe quel tiers qu'il fournisse des renseignements sur les biens du débiteur : l'obligation de renseigner était limitée aux tiers qui conservaient des biens du débiteur ou auprès desquels celui-ci avait des avoirs (consid. 3.2.2).
  • Dans un arrêt de 2022, notre Haute Cour a ajouté que le tiers n'était tenu de fournir des renseignements que si, selon les indications du créancier ou du débiteur ou encore selon la propre perception de l'office des poursuites, il existait une présomption fondée que le tiers avait en sa possession des choses appartenant au débiteur ou qu'il était lui-même débiteur de ce dernier ; un courrier adressé au hasard à des tiers dans l'espoir d'une découverte fortuite était donc inadmissible ( 3.2.2).
  • Selon la jurisprudence genevoise, le fait que le débiteur ait son domicile ou son siège dans le canton où l'établissement bancaire requis exploite une succursale suffit pour que l'office des poursuites (compétent pour l'ensemble du canton) puisse avoir une présomption fondée de l'existence de valeurs patrimoniales appartenant au débiteur
    (consid. 3.2.3).
  • Dans le même sens, mais avec un résultat inverse, des demandes de renseignements sont considérées comme contraires à la loi lorsqu'elles ne mentionnent aucun élément de rattachement tel que le domicile ou le lieu de travail dans la zone d'influence de la banque sollicitée, les comptes antérieurs ou autres comptes connus du débiteur, ou si la simple activité de gestionnaire de fortune du débiteur est citée (consid. 3.2.3).
  • In casu, l'instance précédente avait constaté que les six demandes de renseignements de l'office des poursuites adressées à la Banque Recourante mentionnaient chacune une adresse du débiteur principal à Bâle. Dans chacun des six cas, il existait ainsi un indice concret qui fondait la présomption suffisante qu'une valeur patrimoniale du débiteur se trouvait sous la garde de la Recourante ou que celle-ci était elle-même débitrice du premier débiteur. Le Tribunal fédéral n'a pas considéré cela comme un courrier adressé au hasard à des tiers dans l'espoir d'une découverte fortuite. La conclusion de l'instance inférieure selon laquelle il existait une demande de renseignements suffisamment concrète était donc conforme à la jurisprudence du Tribunal fédéral. L'office des poursuites était en droit d'interroger la Recourante au sujet des avoirs du débiteur (consid. 3.3).
  • Le Tribunal fédéral a rejeté au surplus l'argument de la Banque Recourante selon lequel il aurait fallu impérativement un élément supplémentaire (en plus du domicile ou du siège du débiteur dans le secteur d'activité local de la banque) à la demande de renseignements de l'office des poursuites, en particulier l'indication précise d'une relation client. (consid. 3.4.1).
  • Partant, le Tribunal fédéral a rejeté le recours (consid. 4).

V. ENTRAIDE INTERNATIONALE

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