I. PROCÉDURE PÉNALE

TF 7B_215/2023*

Dépôt de pièces au dossier et droit à l'oubli, préjudice irréparable [p. 2]

TF 7B_937/2023

Absence de récusation d'un magistrat locataire de l'avocat d'une partie à la

procédure [p. 3]

II. DROIT PÉNAL ÉCONOMIQUE

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III. DROIT INTERNATIONAL PRIVÉ

TF 5A_504/2023

Pouvoir d'examen du juge de la main- levée définitive en cas d'exequatur d'un jugement étranger [p. 4]

IV. DROIT DE LA POURSUITE ET DE LA FAILLITE

TF 5A_186/2023

Prolongation des délais par une action en libération de dette re- qualifiée en action en annulation ou suspension de la poursuite [p. 5]

V. ENTRAIDE INTERNATIONALE

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Quelques propos introductifs

La présente Newsletter de Monfrini Bitton Klein vise à offrir, de manière hebdomadaire, un tour d'horizon de la jurisprudence rendue par le Tribunal fédéral dans les principaux domaines d'activité de l'Etude, soit le droit pénal économique et le recouvrement d'actifs (asset recovery).

Sans prétendre à l'exhaustivité, seront reproduits ci-après les considérants consacrant le raisonnement juridique principal développé par notre Haute juridiction sur les thématiques suivantes : droit de procédure pénale, droit pénal économique, droit international privé, droit de la poursuite et de la faillite, ainsi que le droit de l'entraide internationale.

I. PROCÉDURE PÉNALE

TF 7B_215/2023* du 30 novembre 2023 | Dépôt de pièces au dossier et droit à l'oubli, préjudice irréparable

  • Le Ministère public de la République et canton de Genève (« MP ») a ouvert une instruction pour en- lèvement de mineur (art. 220 CP), séquestration (art. 183 CP) et insoumission à une décision de l'autorité (art. 292 CP) contre le Recourant.
  • Ayant décidé de soumettre le Recourant à une ex- pertise psychiatrique, le MP a ordonné l'apport au dossier de pièces de procédures pénales antérieures qu'il estimait pertinentes pour évaluer le risque de récidive et la dangerosité du Ce dernier a formé recours contre cette ordonnance au niveau cantonal mais a été débouté. Il a donc porté l'affaire au Tribunal fédéral.
  • S'agissant des conditions de recevabilité, le Tribu- nal fédéral a admis l'existence d'un préjudice irré- parable (art. 93 1 let. a LTF) compte tenu du fait que les pièces provenaient de procédures pénales terminées et dont les jugements ne figuraient plus au casier judiciaire du Recourant. Leur versement au dossier pénal pouvait donc constituer une at- teinte au droit à l'oubli, qu'aucune décision ulté- rieure ne serait propre à réparer (consid. 1.2.2 et consid. 3).
  • Sur le fond, le Recourant allègue la violation du principe de proportionnalité (consid. 2.1).
  • Dans un premier temps, le Tribunal fédéral rappelle sa jurisprudence en lien avec l'art. 369 aCP (con- sid. 2.2.1).
  • Dans un second temps, le Tribunal fédéral examine la loi fédérale du 17 juin 2016 sur le casier judi- ciaire informatique VOSTRA (LCJ), entrée en vi- gueur le 23 janvier 2023, se référant au Message du Conseil fédéral. Il constate ainsi que le fait qu'un expert ou un juge ait ou non le droit de prendre en considération une peine antérieure éliminée ne de- vrait pas découler d'une interdiction schématique fondée sur l'expiration d'un délai mais être laissé à la libre appréciation de l'expert médical ou du juge lui-même, la proportionnalité étant garantie par le contrôle judiciaire de la décision, laquelle doit être motivée. En raison du droit à l'oubli et à la réhabi- litation, le lien de connexité et la pertinence de la condamnation antérieure doivent être démontrés minutieusement : plus une condamnation est an- cienne et moins l'infraction est grave, plus la moti- vation sera soumise à des exigences élevées (con- sid. 2.2.2).
  • In casu, le Tribunal fédéral reconnait que les con- damnations du Recourant en lien avec les pièces re- quises datent de plus de trente ans. Cela étant, la gravité des infractions (dont un brigandage ayant entraîné la mort de la victime) et le fait que le droit actuel ne prévoie plus la radiation en cas de con- damnation en application de l'art. 140 4 CP doi- vent être pris en considération. A cela s'ajoute une mention plus récente figurant dans le casier judiciaire du Recourant pour une rixe commise en 2012. Il en découle que les pièces litigieuses appa- raissaient pertinentes pour évaluer la personnalité ou la dangerosité du Recourant. (consid. 2.3.2).
  • Le principe de proportionnalité a par ailleurs été respecté compte tenu du fait que le MP a ciblé les pièces pertinentes sans demander la production de l'intégralité des dossiers (consid. 2.3.3).
  • Au vu de ce qui précède, le recours a été rejeté.

TF 7B_937/2023 du 27 décembre 2023 | Absence de récusation d'un magistrat locataire de l'avocat d'une

partie à la procédure

  • Dans cette affaire, la question principale examinée par le Tribunal fédéral était celle de savoir si le fait que la magistrate intimée était locataire de l'avocat d'une partie à la procédure constituait, dans le cas particulier, un motif de récusation (consid. 2.3).
  • L'analyse portait sur l'art. 56 let. f CPP, en vertu duquel toute personne exerçant une fonction au sein d'une autorité pénale est tenue de se récuser lorsque d'autres motifs, notamment un rapport d'amitié étroit ou d'inimitié avec une partie ou son conseil juridique, sont de nature à la rendre sus- pecte de prévention (consid. 3.2).
  • In casu, pour le Tribunal fédéral, il était erroné d'affirmer comme le faisait la Recourante que, dans la mesure où elle a posé la question de sa ré- cusation à la direction de la procédure, la magis- trate intimée avait manifesté un parti pris, à tout le moins en apparence, ou un malaise à juger (con- sid. 3.3 et 3.4).
  • Pour le surplus, le Tribunal fédéral a considéré qu'il n'existait pas de motif de récusation au sens de l'art. 56 let. f CPP. S'il est vrai que la magistrate intimée est une des locataires d'un immeuble dont l'avocat concerné est copropriétaire, l'intensité du lien entre ces deux personnes n'est pas suffisante pour fonder un soupçon de partialité. Tous deux avaient en effet relevé dans leurs écritures qu'ils avaient toujours entretenu des relations cordiales et qu'aucun litige entre eux n'était pendant. De plus, la gestion de l'immeuble avait été confiée à une gé- rance immobilière (consid. 3.4).
  • Il sied de préciser que l'avocat concerné n'était pas celui de la Recourante. D'ailleurs, le prévenu dé- fendu par l'avocat en question n'avait pas demandé de récusation (consid. 3.3).
  • Fondé sur ce qui précède, le Tribunal fédéral a con- clu que l'autorité cantonale n'avait pas violé le droit fédéral en rejetant la requête de récusation de la Recourante, de sorte que le recours, s'il avait été recevable n'aurait pu qu'être rejeté (consid. 3.5).

II. DROIT PÉNAL ÉCONOMIQUE

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III. DROIT INTERNATIONAL PRIVÉ

TF 5A_504/2023 du 8 novembre 2023 | Pouvoir d'examen du juge de la mainlevée définitive en cas d'exequa- tur d'un jugement étranger

  • Lorsque le juge prononce le séquestre sur la base de l'art. 271 1 ch. 6 LP sans expressément cons- tater la force exécutoire en Suisse de la décision "Lugano", on doit admettre qu'il reconnaît implici- tement le caractère exécutoire en Suisse de la déci- sion en cause. Partant, pour faire valoir un motif de refus prévu à l'art. 34 CL, le poursuivi doit former un recours selon l'art. 327a CPC. Il ne peut pas in- voquer un tel motif dans le cadre de son opposition au séquestre (consid. 4.1.2).
  • In casu, un séquestre a été prononcé contre le re- courant sur la base du jugement estonien litigieux (art. 271 al. 1 ch. 6 LP). Le recourant n'a pas dé- posé de recours au sens de l'art. 327a CPC contre la décision implicite d'exequatur assortissant obli- gatoirement ce prononcé. Il a seulement fait oppo- sition au séquestre et le Tribunal fédéral a déclaré irrecevable les griefs relatifs au caractère non exé- cutoire de la décision estonienne que le recourant a soulevé devant lui dans le cadre de cette procédure (consid. 4.2).
  • Partant, le Tribunal fédéral a conclu que la décision d'exequatur avait autorité de chose jugée et, dans la procédure de validation du séquestre, le juge de la mainlevée n'était pas autorisé à examiner, même à titre incident, les exceptions soulevées à l'en- contre de la décision d'exequatur (consid. 4.2).

IV. DROIT DE LA POURSUITE ET DE LA FAILLITE

TF 5A_186/2023 du 29 novembre 2023 | Prolongation des délais par une action en libération de dette (art. 83 al. 2 LP) requalifiée en action en annulation ou suspension de la pour- suite (art. 85a LP)

  • Dans ce litige, un commandement de payer avait été notifié à la Recourante le 3 novembre 2020. La mainlevée de son opposition a été prononcée le 17 mars 2021 et la motivation transmise le 23 avril 2021.
  • Le 14 avril 2021, la Recourante a intenté une action en libération de Par décision du 22 septembre 2021, le Tribunal a refusé d'entrer en matière sur cette action en raison de son dépôt tardif. Il a tou- tefois considéré que la requête devait être traitée comme une action en annulation ou suspension de la poursuite (art. 85a LP), sous un nouveau numéro de procédure.
  • Le 17 juin 2022, l'office compétent a délivré la commination de faillite, après réquisition de conti- nuer la poursuite du 3 juin 2022. La Recourante a déposé une plainte avant de faire recours contre la commination de faillite, tous deux rejetés par les instances cantonales.
  • Premièrement, il a été question de savoir si l'action en libération de dette au sens de l'art. 83 al. 2 LP, finalement traitée comme une action en annulation ou suspension de la poursuite au sens de l'art. 85a LP, a entrainé une suspension des délais en vertu de l'art. 88 al. 2 LP ; l'enjeu étant de sa- voir si la commination de faillite du 17 juin 2022 était valable (consid. 2).
  • L'instance précédente avait retenu que l'action en annulation ou suspension de la poursuite de l'art. 85a LP n'était pas de nature à interrompre le délai (consid. 2.1).
  • Selon cette dernière, la validité du commandement de payer d'une durée d'un an notifié le 3 no- vembre 2020 avait été prolongée jusqu'à droit connu sur les procédures de mainlevée d'opposi- tion et d'action en libération de dette (art. 83 al. 2 LP) – cette dernière ayant été requalifiée par l'ins- tance inférieure en action en annulation ou suspen- sion de la poursuite (art. 85a LP). La commination de faillite du 17 juin 2022 avait donc été prononcée en respect du droit fédéral (consid. 2.2).
  • La Recourante contestait que le délai de validité du commandement de payer ait pu être prolongé par une procédure d'action en libération de dette, le Tribunal n'étant pas entré en matière concernant une telle action proprement La requalification juridique de l'acte par le Tribunal en action en an- nulation ou suspension de la poursuite au sens de l'art. 85a LP aurait donc des effets « ab initio » ou « ex tunc » ; selon la Recourante, il n'y avait à au- cun moment eu d'action en libération de dette au sens de l'art. 83 al. 2 LP interrompant le délai (con- sid. 3 et 3.1).
  • Le Tribunal fédéral a rappelé qu'au sens de l'art. 88 al. 1 LP, le créancier peut déposer une réquisition de continuation de la poursuite au plus tôt 20 jours après la notification du commandement de payer et au plus tard un an après la notification. La procé- dure de mainlevée interrompt le délai d'un an qui est prolongé de la durée de la procédure de mainle- vée. In casu, le délai a été repoussé de 93 jours par cette procédure (consid. 3.2.1 et 3.2.3).
  • L'action en constatation négative de l'art. 85a LP prolonge de la même façon que la procédure de mainlevée le délai d'un an si le tribunal l'ordonne. In casu, aucune décision de la sorte n'a été pro- noncé (consid. 3.2.4).
  • Le Tribunal fédéral a cependant considéré que l'ac- tion en libération de dette entraine néanmoins une prolongation du délai pour déposer une requête de continuation de la poursuite (consid. 3.2.5).
  • Notre Haute Cour a donc conclu qu'il n'était pas possible d'attribuer un effet ex tunc à la requalifi- cation juridique de l'action, comme le souhaitait la Recourante. La péremption du délai est donnée en cas d'inaction du poursuivant alors qu'il aurait pu agir pour, in casu, demander la mainlevée de l'op- position. La validité du commandement de payer avait donc à juste titre été prolongée jusqu'à droit connu sur la procédure de l'action en libération de dette (consid. 3.3.5).
  • Partant, le recours a été rejeté.

V. ENTRAIDE INTERNATIONALE

The content of this article is intended to provide a general guide to the subject matter. Specialist advice should be sought about your specific circumstances.