Dans leur livre intitulé « How Big Things Get Done: the surprising factors that determine the fate of every project; from home renovations to space exploration and everything in between », les auteurs Bent Flyvberg, professeur à l'Université d'Oxford et reconnu comme un chef de file dans le monde dans la gestion des mégaprojets et Dan Gardner, journaliste et auteur du best-seller du New York Times intitulé « Risk, Future Babble, and Superforecasting », identifient certains principes fondés sur la science qui augmentent les chances de réussite d'un projet.

Bien que ces constats découlent principalement de l'étude de mégaprojets tels que la construction de gratte-ciel et la réalisation de films, ils s'appliquent également, selon les auteurs, à des projets de moindre envergure ainsi qu'aux transactions de fusions et acquisitions (F&A).

En tant qu'avocats en fusions et acquisition, nous sommes toujours à la recherche de façons d'optimiser nos pratiques et nos méthodes afin de fournir la plus grande valeur possible à nos clients. Nous avons donc décidé d'explorer comment certains des principes scientifiques favorisant la réussite d'un projet sont pris en compte (ou non) dans les méthodes des professionnels en F&A.

Cet exercice revêt une importance particulière dans le contexte économique actuel, où les coûts de transaction en F&A sont en hausse, notamment en raison de taux d'intérêt élevés. Dans un tel contexte, il est essentiel pour les parties à une transaction de F&A et leurs conseillers d'adopter les meilleures pratiques pour augmenter les probabilités que la transaction se réalise (closing certainty), dans les délais souhaités et dans le respect des coûts de transaction budgétés.

Prendre le temps de réfléchir pour agir vite

Pour bien comprendre le premier principe « Think Slow, Act Fast », il est utile, selon les auteurs, de percevoir un projet comme étant composé de deux phases distinctes: la planification et la livraison.

  • La planification est définie comme l'action de « pousser la vision [du projet] au point où il est suffisamment recherché, analysé, testé et détaillé afin d'être sûr d'avoir une feuille de route fiable sur la voie à suivre ».
  • La livraison désigne toutes les tâches d'exécution du projet qui suivent la phase de la planification.

Les termes « planification » et « livraison » peuvent varier selon le type d'industrie auquel le projet appartient, mais l'idée de base demeure la même.

L'essence de ce principe réside dans le fait que les projets qui connaissent des échecs sont souvent ceux qui font l'objet d'une mauvaise planification ou d'une planification précipitée dans le but de passer rapidement à la phase de livraison.

Dans ce type de projet, les problèmes potentiels sont souvent repoussés à une échéance, au stade de la livraison, plutôt que de les adresser au stade de la planification. Cela augmente les probabilités que des problèmes surviennent plus tard dans la phase de livraison du projet, entrainant souvent des retards plus importants que si les parties avaient consacré plus de temps à la planification.

Les auteurs appellent ce modèle « Think fast, Act slow » et ils préconisent plutôt le modèle inverse, judicieusement appelé « Think slow, Act fast ». Selon ce modèle, l'exécution d'un projet est précédée d'une planification méticuleuse et exhaustive. L'exécution est par la suite rapide grâce aux efforts déployés en amont pour identifier et gérer les problèmes susceptibles de survenir en cours de route.

Comment ce principe peut-il nous guider vers de meilleures pratiques en fusions et acquisitions?

Les transactions de F&A se déroulent généralement à un rythme rapide, voire effréné. Chaque étape est marquée par un sentiment d'urgence et doit être exécutée dans des délais serrés.

Pourtant, avant de se lancer, les parties prennent généralement le temps de planifier la transaction. Il est d'ailleurs courant dans le domaine des fusions et acquisitions de préparer une lettre d'intention. Cette lettre définit les termes et conditions des ententes que les parties envisagent de conclure et sert de feuille de route pour mener la transaction à bien. Vue sous cet angle, la lettre d'intention est un outil précieux de planification d'une transaction de F&A. De fait, le principe « Think slow, Act fast » trouve écho auprès des praticiens du domaine, ce qui est positif.

Cependant, ce principe est trop souvent négligé. En effet, en voulant passer rapidement à la vérification diligente et à la rédaction des ententes définitives, certaines lettres d'intention omettent des éléments névralgiques d'une transaction. Les parties préfèrent reporter la négociation de ces points au stade des ententes définitives, en utilisant une formulation telle que «et selon toutes autres termes et conditions à la satisfaction des parties».

Cela entraîne un report des discussions sur des points qui surgiront inévitablement lors de négociations ultérieures, comme les limites aux obligations d'indemnisation des vendeurs, les garanties de paiement des ajustements de prix ou d'indemnisation, ou encore l'octroi par le vendeur d'engagements restrictifs.

C'est en reportant les efforts nécessaires pour débusquer les enjeux, défis ou divergences plutôt que de les faire en amont au stade de la lettre d'intention, que les parties enfreignent le principe « Think slow, Act fast ». Ce principe stipule que lorsqu'une planification est déficiente, il est courant de repousser la résolution des problèmes et des défis à plus tard. Les praticiens soucieux d'adhérer à ce principe devraient consacrer davantage de temps à l'élaboration d'une lettre d'intention détaillée.

En détaillant ces lettres, les parties sont contraintes de discuter des points importants de la transaction plus tôt dans le processus. Ainsi, si des divergences irréconciliables surgissent, elles pourraient mettre fin aux négociations plus tôt et avec des frais moindres.

Bien évidemment, il est illusoire d'anticiper tous les détails dès la lettre d'intention, car de nombreuses considérations peuvent surgir plus tard, une fois la lettre d'intention signée, par exemple au cours de la vérification diligente.

Nous reconnaissons aussi qu'une transaction en fusions et acquisition implique deux ou plusieurs parties ayant à plusieurs égards des intérêts opposés, et que des considérations stratégiques pourraient justifier l'omission d'introduire certains points ou demandes. Il arrive également que des parties doivent composer avec des délais serrés, rendant difficile la préparation d'une lettre d'intention détaillée. Finalement, certains types de transactions de F&A, comme des ventes aux enchères, pourraient ne pas facilement se prêter à une telle pratique.

Il semble que l'adoption du principe « Think Slow, Act Fast » permettrait de maximiser les chances de succès d'un projet. De plus, une lettre d'intention détaillée pourrait être considérée comme une meilleure pratique pour les professionnels. Il restera à déterminer si cette approche sera adoptée par le marché et si elle contribuera à réduire les délais et les coûts associés aux transactions en fusions et acquisitions.

Pour toute question concernant les meilleures pratiques en F&A, notre équipe en droit des affaires se fera un plaisir de vous aider.

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