Le 16 juin 2017, le ministère des Finances a procédé à la publication préalable de trois nouveaux règlements essentiels à la mise en Suvre du régime de recapitalisation interne du Canada et le Bureau du surintendant des institutions financières (BSIF) a publié un projet de ligne directrice sur les exigences relatives à la capacité totale d'absorption des pertes (« ligne directrice TLAC »). Les commentaires portant sur les projets de règlements et de ligne directrice TLAC doivent être soumis d'ici le 17 juillet 2017.

Les règlements suivants ont été proposés (collectivement « les règlements ») :

  1. le Règlement sur la conversion aux fins de recapitalisation interne des banques – cette réglementation serait mise en Suvre en vertu de la Loi sur la Société d'assurance-dépôts du Canada (« Loi sur la SACD ») et établirait la portée des éléments du passif admissibles à une recapitalisation interne.
  2. le Règlement sur la recapitalisation interne des banques (émission)  cette réglementation serait mise en Suvre en vertu de la Loi sur les banques et établirait les exigences relatives à l'émission de titres admissibles à une recapitalisation interne.
  3. le Règlement sur l'indemnisation – cette réglementation serait mise en Suvre en vertu de la Loi sur la SADC et établirait un processus à jour pour indemniser les actionnaires et les créanciers d'institutions fédérales membres de la Société d'assurance-dépôts du Canada (« SADC ») qui se retrouvent dans une situation pire en raison des mesures de résolution que si l'institution avait été liquidée.

Les versions finales des règlements devraient être publiées au cours de l'automne 2017. La date d'entrée en vigueur de la ligne directrice TLAC n'étant pas encore fixée, le BSIF s'attend à ce que les banques canadiennes d'importance systémique intérieure (BISI) satisfassent aux exigences TLAC minimales d'ici le 1er novembre 2021.

Contexte

Après la crise financière de 2008, un certain nombre de réformes ont été mises en Suvre au régime de réglementation du Canada en raison de l'inquiétude suscitée par le problème des banques « trop imposantes pour faire faillite » - en particulier par le risque que les contribuables aient à assumer le coût du « renflouement » de ces banques.

Une loi instaurant le régime de recapitalisation interne a reçu la sanction royale l'année dernière (prière de se rapporter à notre bulletin antérieur). Le régime de recapitalisation interne du Canada est conçu pour permettre aux autorités de convertir rapidement certaines dettes d'une BISI en actions ordinaires afin de recapitaliser la banque et d'aider à rétablir sa viabilité. L'utilisation de l'outil de conversion de la recapitalisation interne nécessiterait que le surintendant des institutions financières du Canada (le « surintendant ») détermine que la banque a cessé d'être viable ou est sur le point de cesser de l'être, ainsi que l'approbation du gouverneur en conseil suivant la recommandation du ministre des Finances, pour que la SADC prenne temporairement le contrôle ou la possession de la banque non viable et effectue une recapitalisation interne. Après la recapitalisation interne et la finalisation de toutes autres étapes de restructuration nécessaires, le contrôle privé de la banque serait rétabli. À la suite de la résolution, la SADC ferait une offre d'indemnité aux actionnaires et créanciers pertinents si ceux-ci se retrouvaient dans une situation pire que si l'institution avait été liquidée. Un processus serait mis en place, selon lequel cette offre ferait l'objet d'un examen par un tiers évaluateur.

L'exigence que les BISI maintiennent un niveau suffisant de TLAC est un élément important du régime de recapitalisation interne. Cette exigence a pour but d'assurer que les BISI possèdent suffisamment de capitaux propres et d'éléments du passif ayant un effet d'absorption des pertes pour résister à des pertes graves mais plausibles, et pour redevenir viables. Ces exigences sont établies par le surintendant.

Le régime canadien de recapitalisation interne respecte les normes internationales établies par le Conseil de stabilité financière et approuvées par le G20.

Projets de règlements

Les caractéristiques clés de chacun des règlements sont résumées ci-après :

Le Règlement sur la conversion aux fins de recapitalisation interne des banques

Ce règlement précise que les éléments du passif admissibles à la recapitalisation interne sont des titres de créance, autres que des titres secondaires, émis par une BISI et qui satisfont à l'ensemble des critères suivants :

  • ils sont perpétuels ou comportent soit un terme initial ou modifié de plus de 400 jours, soit une ou plusieurs options explicites ou intégrées qui les doteraient d'un terme supérieur à 400 jours à compter de la date d'émission du titre de créance si l'option était exercée par l'émetteur ou en son nom, soit une option explicite ou intégrée qui, en soi, doterait le titre de créance, si elle était exercée par le détenteur ou en son nom, d'un terme supérieur à 400 jours à compter de la date où le titre de créance serait arrivé à échéance en l'absence de l'exercice de cette option ;
  • ils ne sont pas garantis, ou ne le sont qu'en partie, au moment de l'émission,
  • ils portent un numéro d'immatriculation des valeurs mobilières (CUSIP), un numéro international d'identification des valeurs mobilières (ISIN) ou une désignation semblable destinée à identifier une valeur mobilière précise afin d'en faciliter l'échange et le règlement.

Les actions privilégiées et les dettes subordonnées nouvellement émises seraient également admissibles à une recapitalisation interne, si elles ne constituent pas des fonds propres d'urgence en cas de non-viabilité (« FPUNV ») (même si, en pratique, les banques ne devraient pas émettre des actions privilégiées et des dettes subordonnées qui ne sont pas des FPUNV).

Le pouvoir de recapitalisation interne s'appliquerait uniquement aux titres de créance qui sont émis à la date d'entrée en vigueur du règlement ou après, ou, dans le cas d'un élément du passif émis avant cette date, si les modalités de l'élément du passif sont, à cette date ou après, modifiées pour en augmenter le capital ou en proroger l'échéance.

Dans le cas où un titre de créance n'est garanti qu'en partie lors de son émission, seule la partie du capital, majoré des intérêts courus et impayés, qui dépasse la valeur de la garantie calculée au moment de l'émission du titre de créance, est admissible à la recapitalisation interne.

Les éléments qui suivent sont expressément exclus de la portée du pouvoir de recapitalisation interne :

a) les obligations sécurisées ;

b) les contrats financiers admissibles ;

c) les obligations structurées ;

d) les privilèges de conversion ou d'échange convertibles en tout temps en actions ;

e) les options ou droits d'acquérir les actions ou les privilèges visés à l'alinéa d) ;

f) les actions d'une série créée avant le 1er janvier 2013 et émise à la suite de l'exercice d'un privilège de conversion aux termes des modalités rattachées à une autre série d'actions créée avant cette date.

Une recapitalisation interne doit respecter les paramètres suivants :

  1. Recapitalisation adéquate — Au moment de réaliser une recapitalisation interne, la SADC doit tenir compte de l'exigence, prévue dans la Loi sur les banques, selon laquelle celles-ci doivent maintenir un capital suffisant.
  2. Ordre de conversion — les instruments de recapitalisation interne ne peuvent être convertis qu'après que tous les instruments admissibles de recapitalisation interne de rang inférieur, ainsi que les instruments FPUNV de rang inférieur, ont été convertis.
  3. Traitement des instruments de rang égal — les instruments admissibles de recapitalisation interne de rang égal doivent être convertis dans la même proportion (au prorata) et recevoir le même nombre d'actions ordinaires par dollar afférent à la créance qui est convertie.
  4. Hiérarchie relative des créanciers — les détenteurs d'instruments admissibles de recapitalisation interne doivent recevoir plus d'actions ordinaires par dollar afférent à la créance qui est convertie que les détenteurs d'instruments admissibles de recapitalisation interne et d'instruments FPUNV de rang inférieur qui ont été convertis.

Règlement sur la recapitalisation interne des banques (émission)

Afin de faciliter la possibilité d'appliquer le pouvoir de recapitalisation interne de la SADC (surtout dans le contexte transfrontalier), ce règlement exigerait que les instruments visés par la portée de la recapitalisation interne indiquent, dans leurs modalités contractuelles, que le détenteur de l'instrument est soumis à l'application de la Loi sur la SADC, y compris la conversion de l'instrument en actions ordinaires selon le pouvoir de recapitalisation interne. De même, il serait requis que ces modalités contractuelles soient régies par la loi canadienne, même lorsque le reste du contrat est régi par une loi étrangère.

Pour que les investisseurs sachent clairement quelles sont les émissions bancaires soumises au pouvoir de recapitalisation interne de la SADC, la divulgation à l'effet qu'un instrument est admissible à une recapitalisation interne serait obligatoire, dans le prospectus ou autre document relatif à l'offre ou document d'information pertinents.

Règlement sur l'indemnisation

En vertu du projet de règlement sur l'indemnisation, les personnes qui détenaient les titres suivants de l'institution[1] au moment où elle a commencé le processus de résolution auraient droit à une indemnité (les « personnes visées ») : des actions de l'institution ; des instruments de dette subordonnée qui étaient dévolus à la SADC au moment où elle a commencé le processus de résolution ; les éléments du passif qui ont ensuite été convertis en actions ordinaires conformément à leurs modalités contractuelles (par exemple les FPUNV) ; les éléments du passif qui ont ensuite été convertis en actions ordinaires conformément au pouvoir de recapitalisation interne ; toute dette de l'institution, si l'institution a fait l'objet d'une liquidation à la fin du processus de résolution ; et toute dette de l'institution qui a été assumée par une institution-relais détenue par la SADC ou une société de sauvetage, qui a ensuite été liquidée[2]. Le droit à une indemnité ne serait pas transférable.

Le montant de l'indemnité auquel aurait droit une personne visée à l'égard de chaque action ou élément du passif est déterminé par la formule A − B − C

A représente la valeur liquidative estimée ;

B représente la valeur de résolution estimée ; et

C représente

a) si une action ou un élément du passif est converti en actions ordinaires conformément aux modalités contractuelles de l'action ou de l'élément du passif (c.-à-d. une conversion FPUNV), un montant équivalant à une estimation des pertes attribuées à cette conversion, et

b) dans tout autre cas, à zéro.

Aux fins de l'évaluation du montant de l'indemnité auquel une personne visée a droit, la SADC est tenue de considérer la différence entre la date estimée où la valeur liquidative aurait été  reçue et la date estimée où la valeur de résolution est ou aurait été reçue.

La SADC fournirait un avis aux personnes visées, ainsi qu'une offre d'indemnité dans un délai raisonnable suivant l'achèvement du processus de résolution. Une fois l'offre reçue, les personnes visées auraient 45 jours pour informer la SADC qu'elles l'acceptent ou la refusent. Le défaut d'informer la SADC serait réputé constituer une acceptation de l'offre.

Le gouverneur en conseil doit nommer un juge à titre d'évaluateur afin de passer en revue la décision de la SADC au titre de l'indemnité à verser si les personnes visées qui possédaient, ensemble, au moins 10 % des actions d'une même catégorie, ou au moins 10 % du capital des éléments du passif d'une même catégorie s'opposent à l'offre de la SACD. Aux fins du Règlement sur l'indemnité, les actions et les éléments du passif d'une institution fédérale membre sont réputés faire partie de la même catégorie si a) dans l'éventualité d'une liquidation de l'institution, ils sont de rang égal quant au droit de recevoir un paiement ; et si b) suivant la prise de l'ordonnance pertinente en vertu de la Loi sur la SACD, ils reçoivent un traitement qui est essentiellement équivalent à ce qu'ils auraient reçu en vertu de l'ordonnance et de toutes mesures visant la réalisation de l'ordonnance ou conformément à leurs modalités contractuelles, compte tenu de la manière dont leur valeur de résolution est déterminée.

Au moment d'examiner l'offre d'indemnité de la SADC, l'évaluateur devra tenir compte de la question de savoir si l'offre de la SADC était raisonnable, en plus de prendre en considération les mêmes facteurs que la SADC devait appliquer lors de la détermination initiale de l'indemnité. La SADC serait tenue de verser aux personnes visées l'indemnité à laquelle elles auraient droit dans les 90 jours suivant l'expiration de l'offre d'indemnité de la SADC ou la détermination finale de l'évaluateur. 

Projet de ligne directrice sur les exigences relatives à la TLAC

Le projet de ligne directrice TLAC énonce les exigences qui s'appliqueront à toutes les BISI. Le projet de ligne directrice établit deux normes minimales :

  1. le ratio TLAC fondé sur les risques, qui s'appuie sur les ratios de fonds propres fondés sur les risques décrits dans la ligne directrice Normes de fonds propres (NFP) ;
  2. le ratio de levier TLAC, qui s'appuie sur le ratio de levier décrit dans la ligne directrice Exigences de levier du BSIF.

Le ratio TLAC fondé sur les risques, qui constituera le premier critère utilisé par le BSIF pour évaluer la TLAC d'une BISI, met l'accent sur les risques qui pèsent sur l'institution. Le ratio de levier TLAC fournira une mesure globale de la TLAC d'une BISI.

À compter du 1er novembre 2021, le BSIF s'attend à ce que les BISI maintiennent un ratio TLAC fondé sur les risques d'au moins 21,5 % des actifs pondérés en fonction du risque et un ratio de levier TLAC d'au moins 6,75 %. Par la suite, le surintendant pourra modifier les exigences minimales TLAC pour certaines BISI ou pour certains groupes de BISI. Les BISI devront aussi maintenir des réserves supérieures aux ratios minimaux TLAC.

La mesure de la TLAC appliquée aux deux ratios correspond à la somme de la TLAC de la BISI, sous réserve de certains rajustements. Peuvent être admissibles à titre de TLAC :

  • les fonds propres de catégorie 1, qui englobent les fonds propres de catégorie 1 sous forme d'actions ordinaires et les autres éléments de fonds propres de catégorie 1 ;
  • les fonds propres de catégorie 2 ;
  • les actions et éléments du passif prescrits (« autres instruments TLAC ») qui peuvent être convertis en actions ordinaires en vertu de la Loi sur la SACD et qui satisfont tous les critères d'admissibilité énoncés dans la ligne directrice de la TLAC, notamment que l'instrument satisfasse toutes les exigences énoncées dans le Règlement sur la recapitalisation interne des banques (émission)[3].

Des modifications à la ligne directrice TLAC sont également proposées (principalement au chapitre 2, avec des modifications corrélatives aux chapitres 1 à 9) pour mettre en Suvre les récentes modifications apportées par le Comité de Bâle sur le contrôle bancaire à la norme de Bâle III concernant la définition de fonds propres, pour instaurer un traitement des fonds propres réglementaires applicable aux autres instruments TLAC émis par les banques d'importance systémique mondiale (« BISM ») que détiennent les banques et qui sont admissibles aux fins des exigences relatives à leur capacité totale d'absorption des pertes  (TLAC) et aux instruments qui sont pari passu avec ceux qui leur sont assimilés. Bien qu'il n'y ait pas de BISM canadienne, le BSIF a déterminé qu'il convient d'étendre le traitement prévu par Bâle III aux autres instruments TLAC émis par les banques d'importance systémique intérieure (BISI).

Footnotes

[1] Contrairement au Règlement sur la conversion aux fins de  recapitalisation interne des banques et au Règlement sur la recapitalisation interne des banques (émission), qui s'appliquent uniquement aux BISI, les dispositions relatives à l'indemnisation s'appliquent à l'égard de toutes les institutions membres de la SADC et de la plupart des outils de résolution (à l'exception de la liquidation et du remboursement standard des dépôts assurés).

[2] Les personnes qui détiennent des éléments du passif de l'institution au moment où elle a commencé le processus de résolution qui ont ensuite été assumés par un tiers solvable ou une institution-relais dans le contexte de la résolution n'auraient pas droit à une indemnité.

[3] Lorsque l'instrument est régi par des lois étrangères, la ligne directrice énonce que les BISI devraient établir la preuve de l'absence d'empêchements à l'application des pouvoirs de recapitalisation interne prévus par les lois du Canada en vertu de la loi étrangère ou selon les modalités de l'instrument. Il n'est pas clair si cette preuve devra prendre la forme d'un avis juridique.

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