La notion de « captation » a été définie comme le fait de « s'emparer de la bienveil­lance d'une personne, et à obtenir d'elle des libéralités déterminées par l'attachement qu'on parvient à lui inspirer »1.

Les tribunaux du Québec ont estimé que la notion de captation implique un comportement frauduleux, qui peut se manifester par des pressions indues et de fausses déclarations délibérées destinées à influencer une personne afin de lui soutirer un consentement ou d'obtenir d'elle des avantages, faveurs et cadeaux qu'il n'aurait pas été possible d'obtenir, n'eût été ce comportement répréhensible2.

Dans l'affaire Thivierge c. Thivierge 2024 QCCA 54 (« Thivierge »), la Cour d'appel du Québec réexamine les critères qui définissent la captation et le fardeau de preuve dont doit s'acquitter la partie qui allègue la captation. Dans bien des cas, il faut s'appuyer sur des présomptions, car la partie accusée de captation admet rarement avoir commis un acte répréhensible, et la partie qui a été victime de captation est généralement décédée.

THIVIERGE C. THIVIERGE

L'affaire Thivierge met en cause trois frères : Gérard, Eugène et Raymond. Gérard était propriétaire d'un grand terrain dont il a vendu et donné diverses parcelles à ses frères au fil des ans.

En 2008, Gérard promet par écrit de léguer l'une des parcelles à Eugène, legs qui est inscrit dans son testament.

En 2015, Gérard cède à Eugène une autre parcelle que Raymond voulait obtenir. Raymond, qui vit avec Gérard, découvre la donation en 2017 et en est très mécontent. Raymond fait connaître son mécontentement à Eugène et à Gérard, et la relation entre les frères devient tendue.

Eugène ne voit plus Gérard pendant des années. Pendant ce temps, Gérard vend à Raymond la parcelle qu'il avait promis de léguer à Eugène et modifie son testament afin d'exclure Eugène. Sur son lit de mort, devant témoins, Gérard s'excuse auprès d'Eugène de lui avoir causé préjudice en ne lui léguant pas le lot promis.

Le juge de première instance a annulé le testament ainsi que l'acte par lequel Gérard avait vendu le lot en litige à Raymond. Une travailleuse sociale a déclaré au procès que Gérard avait été malade, craintif, anxieux et dépendant de l'aide d'autrui pendant ses dernières années et qu'il s'était plaint des pressions qu'un de ses frères exerçait sur lui au sujet d'un terrain. Le juge de première instance a considéré que la preuve créait une présomption selon laquelle Gérard n'aurait pas vendu le lot en litige à Raymond n'eût été les pressions exercées par Raymond, pas plus qu'il n'aurait modifié son testament pour en exclure Eugène. Il a déclaré qu'il s'agissait de la seule conclusion logique qu'il était possible de tirer de la preuve.

DÉCISION DE LA COUR D'APPEL

La Cour d'appel a rejeté cet argument et infirmé le jugement. Dans son évaluation du raisonnement du juge de première instance, la Cour d'appel a considéré que les éléments de preuve démontrant les sentiments de peur et d'anxiété de Gérard étaient peu nombreux et qu'ils reposaient uniquement sur le témoignage de la travailleuse sociale, qui ignorait quel lot était en cause et quel frère pouvait être la source de l'anxiété de Gérard. Cette preuve ne permettait pas au juge de première instance d'établir la présomption de captation, ce qui a constitué sa première erreur. Aucun des éléments de preuve présentés, pris isolément, ne permet de confirmer la théorie de la captation.

L'autre erreur commise par le juge de première instance a été de déduire qu'aucune autre explication logique ne pouvait justifier les actions de Gerard. En effet, la possibilité que Gérard a simplement put changer d'avis concernant le lot en litige et son testament constitue une explication logique en soi. Le juge de première instance aurait dû tenir compte de cet élément, qui rend la théorie de la captation relativement spéculative.

OBSERVATIONS

La Cour d'appel rappelle qu'il n'y a rien d'illégitime ou d'illicite à tenter d'influencer une personne et que, dans la mesure où Raymond a pu influencer Gérard, cette influence n'était pas nécessairement indue, ce qu'il incombait à Eugène de prouver.

Footnotes

1. Mignault, dans son Traité de droit civil canadien, au t. 4, pp 52 et 53, cité dans Stoneham et Tewkesbury  c. Ouellet, [1979] 2 RCS 172, p. 198.

2. Bernardelli Pesce cTortella-Materazzo, 2016 QCCS 1409 (CanLII).

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