Le 23 septembre 2021, le Tribunal administratif du travail (le « Tribunal ») a établi qu'une infection au virus de la COVID-19 pouvait constituer une lésion professionnelle1, au sens de la Loi sur les accidents de travail et les maladies professionnelles (la « Loi »).
Les faits
Un travailleur occupant un emploi de camionneur-gardeur alléguait avoir été victime d'une lésion professionnelle en raison d'un diagnostic d'infection liée au virus de la COVID-19.
Dans le cadre de son travail, le travailleur était amené à se retrouver dans des endroits restreints, dans lesquels il est impossible de respecter la distanciation physique requise par les autorités de santé publique. Ainsi, il lui arrivait d'être en contact rapproché avec des collègues de travail. Il pouvait également avoir des contacts directs avec certains d'entre eux dans l'exécution de ses tâches.
Ces contacts prenaient place dans un milieu de travail où le port du masque n'était pas obligatoire, au moment des événements. Ainsi, les travailleurs de l'entreprise ne portaient ni masque ni gants de protection.
Au mois de mai 2020, cinq employés de l'entrepôt dans lequel travaillait le travailleur en cause ont été atteints de la COVID-19. Le travailleur a eu des contacts rapprochés, dans le cadre de ses tâches, avec chacun d'entre eux et plus particulièrement avec un employé ayant contracté le virus une semaine avant lui.
Peu après, le travailleur s'est présenté au travail et a constaté avoir perdu l'odorat. Il a passé un test de dépistage à la COVID-19 qui s'est avéré positif.
Il a alors présenté une réclamation à la Commission des normes, de l'équité, de la santé et de la sécurité du travail (la « CNESST ») afin de constater qu'il avait subi une lésion professionnelle. La CNESST a refusé la réclamation du travailleur, ce qui a été confirmé par la Direction de la révision administrative.
Le travailleur a donc porté ces deux décisions devant le Tribunal afin que celui-ci détermine si une infection à la COVID-19 pouvait constituer une lésion professionnelle au sens de la Loi.
Décision
Le Tribunal a mentionné d'emblée qu'une infection au virus de la COVID-19 constitue une maladie. Conséquemment, le travailleur devait donc démontrer que cette maladie avait été contractée à l'occasion d'un accident du travail. En effet, le fait d'avoir été en contact avec un virus peut constituer, selon les circonstances, un événement imprévu et soudain.
Le Tribunal a énoncé qu'il n'avait pas à déterminer le moment précis de la contagion, mais plutôt si l'infection en cause a été contractée, de manière plus probable, dans le milieu de travail.
La preuve démontrait que le travailleur n'avait pas été exposé au virus de la COVID-19 en dehors de son milieu de travail.
Il était ainsi plus probable que l'infection ait été contractée dans le milieu de travail qu'ailleurs. Le Tribunal a donc déclaré que le travailleur avait subi une lésion professionnelle dont le diagnostic était une infection au virus de la COVID-19.
Ce qu'il faut retenir
- Cette décision, parmi les premières à établir qu'une infection au virus de la COVID-19 peut constituer une lésion professionnelle, doit être un rappel pour les employeurs de l'importance de respecter et d'appliquer les directives et recommandations de la santé publique et de la CNESST;
- Plus de deux ans après le début de la pandémie, les conséquences juridiques de celle-ci sur les milieux de travail se font encore bien sentir;
- Dans ce contexte, malgré l'amélioration de la situation pandémique au pays, nous ne pouvons qu'encourager les employeurs à travers le pays à mettre en place les mesures sanitaires nécessaires pour éviter d'être confrontés à une telle situation;
- La distanciation physique, le port du masque, le triage des travailleurs symptomatiques, la promotion du respect de l'hygiène des mains ou encore les consignes d'isolement sont des mesures qui pourraient permettre aux employeurs canadiens d'éviter de faire face à des éclosions en milieu de travail ce qui pourrait potentiellement mener à des réclamations auprès des organismes provinciaux concernés en matière de santé et sécurité du travail;
- Bien que cette décision ait été rendue au Québec, les principes y ayant été énoncés quant au lien devant exister entre l'infection et le travail pourraient être repris par les décideurs des tribunaux des autres provinces.
Pour obtenir plus d'information à propos de la COVID-19 et du droit de l'emploi, vous pouvez consulter notre centre de ressources sur la COVID-19.
* L'auteure remercie Mathilde Romano, stagiaire, pour l'aide dans la rédaction de ce bulletin.
Footnote
1. Lamarche et Consolidated Fastfrate inc., 2021 QCTAT 4580.
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