Que s'est-il passé?
L'employeur a congédié avec motif valable un employé avec plus de 20 ans d'ancienneté à la suite d'une enquête découlant d'une plainte déposée par une collègue de travail. La plainte visait quatre remarques inappropriées qui constituaient du harcèlement sexuel.1
Après l'enquête, l'employeur a imposé des mesures correctives : un avertissement final et des mesures de redressement, dont la participation à une formation sur la sensibilité et la présentation d'excuses à la plaignante. L'employé avait accepté de suivre la formation, mais avait refusé de s'excuser auprès de la plaignante, notamment parce qu'il était convaincu qu'il n'avait rien fait de mal. L'employeur a conclu que le refus de l'employé de s'excuser signifiait qu'il n'éprouvait pas de remords pour son inconduite grave, ce qui endommageait irrémédiablement la relation d'emploi et constituait un motif de congédiement.
En première instance, le juge avait estimé qu'il s'agissait d'un congédiement injustifié et que l'employé avait droit à un préavis de 20 mois. Le juge de première instance avait notamment déterminé qu'il n'était [traduction] « pas clair » si l'employeur avait conclu que les remarques constituaient du harcèlement sexuel, de sorte que le refus de l'employé de s'excuser pour sa conduite ne constituait pas un motif suffisant de congédiement dans les circonstances. L'employeur a interjeté appel et a fait valoir que la conclusion du juge de première instance concernant le résultat de l'enquête était erronée, tout comme son application du critère de motif valable.
Quelle a été la décision de la Cour d'appel?
La Cour d'appel a infirmé la décision du tribunal de première instance et a ultimement confirmé que le congédiement s'appuyait sur un motif valable.
1. Les remarques déplacées et dégradantes de l'employé justifiaient la prise de mesures correctives
En se fiant au libellé du résumé de l'enquête et au témoignage de l'employé, la Cour d'appel a déterminé que le juge de première instance avait commis une erreur en concluant qu'il n'était « pas clair » si l'employeur avait conclu que les remarques inappropriées constituaient du harcèlement sexuel. Comme il n'a pas correctement qualifié l'inconduite, le juge de première instance s'est concentré, à tort, uniquement sur le refus de l'employé de s'excuser pour décider si le motif du congédiement était valable.
La Cour a conclu que les remarques de l'employé – qui avait notamment demandé à la plaignante de s'asseoir sur les genoux d'un collègue devant ses autres collègues et avait fait des remarques à caractère sexuel en faisant des mouvements de bassin – constituaient clairement du harcèlement sexuel pour les raisons suivantes :
- Les remarques s'inscrivaient dans la définition de harcèlement sexuel de la politique sur le harcèlement de l'employeur, puisqu'elles étaient [traduction] « non sollicitées et importunes », « de nature sexuelle », et qu'elles « pourraient raisonnablement causer de l'inconfort et de l'humiliation et créer un milieu de travail hostile et offensant »1;
- Les remarques étaient dégradantes, portaient atteinte à la dignité de la plaignante, étaient fondées sur le genre et comprenaient une connotation sexuelle, de sorte qu'elles [traduction] « n'auraient jamais été adressées à un homme, seulement à une femme »2;
- Le fait que l'employé savait que ces remarques n'étaient pas appréciées – il en avait été avisé par la plaignante et un superviseur – a contribué à créer un environnement de travail malsain pour la plaignante.
Malgré cette conclusion, la Cour a reconnu que la décision de l'employeur de prendre des mesures correctives d'abord, plutôt que de congédier l'employé pour un motif valable constituait une réponse appropriée pour cette situation.
2. Le refus de présenter des excuses ayant entraîné une rupture irréparable de la relation d'emploi, le congédiement était justifié
La Cour d'appel a conclu que, même si des mesures correctives étaient justifiées à la suite de l'enquête ayant démontré qu'il était question de harcèlement sexuel, le refus catégorique de l'employé de s'excuser pour son inconduite ne laissait aucune marge de manSuvre à l'employeur, qui devait alors considérer ce refus comme une rupture complète de la relation d'emploi.
Dans les circonstances, la Cour a conclu que le refus de l'employé de s'excuser démontrait soit une réticence : a) à prendre au sérieux les politiques de l'employeur, soit b) à accepter l'étendue des mesures correctives et de redressement qui lui ont été imposées. Peu importe l'angle utilisé, la Cour a estimé que le résultat était le même : l'inconduite sexuelle de l'employé et son refus de présenter des excuses avaient irrémédiablement endommagé la relation d'emploi et constituaient un motif valable de congédiement.
Ce que les employeurs doivent retenir
Cette décision fournit des indications utiles aux employeurs qui enquêtent les conduites de harcèlement sexuel ou qui mettent fin à l'emploi d'un employé pour cette raison. Plus particulièrement, l'arrêt met en évidence le rôle important des mesures correctives, comme la formation sur la sensibilité et les excuses, lorsqu'il est question de défendre les mesures disciplinaires imposées, qui peuvent aller jusqu'au congédiement. En l'espèce, pour l'employé, la différence entre le maintien ou la perte de son emploi se trouvait dans la présentation de simples excuses et la reconnaissance de ses actes répréhensibles.
Cette décision nous rappelle également que les employeurs ont l'obligation d'offrir un milieu de travail exempt de discrimination et de harcèlement. Dans cette affaire, le fait que l'employeur avait une politique exhaustive avec une définition claire du harcèlement l'a aidé à justifier sa décision de congédier l'employé.
Footnotes
1. Hucsko v. A.O. Smith Enterprises Limited, 2021 ONCA 728 (disponible en anglais seulement)
2. Ibid, par. 46 et 50.
3. Ibid, par. 47.
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