CURATED
3 September 2024

NEWSLETTER du 29 juillet au 2 août 2024 | n° 85

MB
Monfrini Bitton Klein

Contributor

Based in Geneva, but borderless in its reach, Monfrini Bitton Klein is a litigation-only Swiss law firm, internationally recognised for asset recovery, business crime and cross-border litigation. We are representatives for Switzerland of ICC-FraudNet, the leading global network of fraud and asset recovery lawyers.
La présente Newsletter de Monfrini Bitton Klein vise à offrir, de manière hebdomadaire, un tour d'horizon de la jurisprudence rendue par le Tribunal fédéral dans les principaux domaines...
Switzerland Criminal Law

I. PROCÉDURE PÉNALE

TF 7B_851/2023*

Absence de qualité pour recourir du prévenu accusé de lésions corporelles contre une ordonnance de refus de suspension de la procédure [p. 2] 

TF 7B_216/2024

Absence de risque de contradictions entre un recours contre une décision de levée de séquestre portant sur des comptes bancaires et une procédure d'appel contre le jugement rendu au fond [p. 3]

II. DROIT PÉNAL ÉCONOMIQUE

TF 6B_1490/2022

Développements sur la condition de confiscation des biens et la condition d'intermédiaire financier « à titre professionnel  » [p. 5]

   

III. DROIT INTERNATIONAL PRIVÉ

TF 5A_45/2024

Acceptation d'une élection de for par le biais d'un représentant dans le cadre de l'ouverture d'un compte bancaire [p. 7]  

IV. DROIT DE LA POURSUITE ET DE LA FAILLITE

TF 5A_91/2024

Déclarations contradictoires du débiteur sur son domicile et notification par publication [p. 8]

 

V. ENTRAIDE INTERNATIONALE

      - 

     

 

Quelques propos introductifs

La présente Newsletter de Monfrini Bitton Klein vise à offrir, de manière hebdomadaire, un tour d'horizon de la jurisprudence rendue par le Tribunal fédéral dans les principaux domaines d'activité de l'Etude, soit le droit pénal économique et le recouvrement d'actifs (asset recovery).

Sans prétendre à l'exhaustivité, seront reproduits ci-après les considérants consacrant le raisonnement juridique
principal développé par notre Haute juridiction sur les thématiques suivantes : droit de procédure pénale, droit pénal économique, droit international privé, droit de la poursuite et de la faillite, ainsi que le droit de l'entraide
internationale.

I. PROCÉDURE PÉNALE

TF 7B_851/20231 du 9 juillet 2024 | Absence de qualité pour recourir du prévenu accusé de lésions corporelles contre une ordonnance de refus de suspension de la procédure (art. 55a CP, art. 314 CPP et art. 382 CPP)

  • Dans cet arrêt, A. (« Prévenu») a été poursuivi par le Ministère public vaudois pour s'en être pris, à plusieurs reprises, physiquement et verbalement, à son épouse entre janvier 2020 et novembre 2022.
  • Par avis du 1er mai 2023, le Ministère public a informé les parties qu'il entendait rendre une ordonnance pénale contre le Prévenu et les a incités à déposer leurs déterminations d'ici au 22 mai 2023. Par courrier du même jour, le conseil du Prévenu a informé le Ministère public que les parties sollicitaient une suspension de la procédure au sens de l'art. 55a CP d'une durée de six mois, ce que le conseil de la victime a confirmé.
  • Par ordonnance du 30 mai 2023, le Ministère public a rejeté cette requête de suspension.
  • Par arrêt du 11 septembre 2023, la Chambre de recours pénale du Tribunal cantonal vaudois (« Chambre de recours») a annulé cette ordonnance.
  • Par acte du 1er novembre 2023, le Ministère public vaudois a recouru contre cet arrêt auprès du Tribunal fédéral.
  • Notre Haute Cour a commencé par indiquer que la voie de droit ouverte contre la décision de refus de suspendre la procédure selon l'art. 55a CP est le
    recours (art. 314 cum 393 al. 1 let. a CPP) (consid. 2.2.2).
  • Toutefois, demeurait ouverte la question de savoir si une décision de refus de suspension fondée sur l'art. 55a CP remplissait les conditions de recevabilité d'un recours au sens des art. 393 ss CPP
    (consid. 2.3).
  • Selon l'art. 393 al. 1 let a. CPP, le recours est recevable contre les décisions et les actes de procédure de la police, du ministère public et des autorités pénales compétentes en matière de contraventions.
  • Après avoir rappelé la teneur de l'art. 55a CP, le Tribunal fédéral a souligné qu'au sens de sa jurisprudence, les autorités étaient tenues de suspendre la procédure si la victime en avait exprimé le souhait. Elles pouvaient renoncer à le faire si elles parvenaient à la conclusion que la proposition de suspension ne correspondait pas au libre choix de la victime. Toutefois, si l'autorité compétente refusait d'entrer en matière sur la question, elle devait dûment motiver sa décision de continuer la poursuite pénale contre la volonté manifeste de la victime. Le rejet de la demande était attaquable devant l'autorité de recours (consid. 2.3.2).
  • Sur la base de ce qui précède, le Tribunal fédéral a considéré que la condition posée par l'art. 393 al. 1 let. a CPP était remplie et que la voie du recours était donc ouverte (consid. 2.4).
  • Ensuite, il convenait de déterminer si le Prévenu bénéficiait de la qualité pour recourir contre une décision de refus de suspension au sens de l'art. 382 CPP (consid. 2.4).
  • Selon l'art. 382 al. 1 CPP, toute partie qui a un intérêt juridiquement protégé à l'annulation ou à la modification d'une décision a qualité pour recourir contre celle-ci. Un simple intérêt de fait ne suffit pas.
  • Notre Haute Cour a précisé que dans le cadre de l'art. 55a CP, la suspension de la procédure pénale nécessite une manifestation de la victime. Le texte légal conçoit expressément la requête de la suspension comme une prérogative exclusive de cette dernière (consid. 2.5.2).
  • In casu, il était indéniable que la poursuite de la procédure ne correspondait pas aux intérêts factuels du Prévenu. Toutefois, cela n'était pas propre à fonder un intérêt juridiquement protégé à la contestation de la décision de refus de suspension. D'une part, la suspension avait été refusée parce qu'elle ne paraissait pas suffisante à l'amélioration de la situation ; d'autre part, seuls les intérêts dignes de protection de la victime étaient pertinents pour ordonner une éventuelle suspension (consid. 2.5.2).
  • In fine, l'ordonnance du 30 mai 2023 était susceptible d'affecter qu'indirectement les intérêts du Prévenu, ce qui était insuffisant au regard des exigences de l'art. 382 a. 1 CPP (consid. 2.5.2).
  • En définitive, s'il a été admis que le refus de suspension de la procédure fondé sur l'art. 55a CP constituait une décision susceptible de faire l'objet d'un recours, la qualité pour recourir devait être déniée au Prévenu. C'était donc à tort que la Chambre de recours avait déclaré recevable le recours formé par ce dernier (consid. 2.6).
  • Partant, le recours a été admis.


TF 7B_216/2024 du 22 juillet 2024 | Absence de risque de contradictions entre un recours contre une
décision de levée de séquestre portant sur des comptes bancaires et une procédure d'appel contre le jugement rendu au fond (art. 267 CPP)


  • La Ministère public III du canton de Zurich
    (« Ministère public») a mené une enquête contre F.A. pour escroquerie par métier, abus de confiance qualifié et autres délits. Dans ce cadre, elle a séquestrer le 18 février 2020 plusieurs comptes bancaires de A.A. (« Recourante »), épouse de F.A., et a ordonné, le 6 avril 2020, des restrictions au registre foncier sur plusieurs immeubles appartenant à la Recourante.
  • Le 1er septembre 2020, le Ministère public a levé les séquestres sur les comptes et les restrictions au registre foncier, tout en faisant dépendre la libération définitive des avoirs de l'entrée en force de sa décision.
  • Deux groupes de parties plaignantes ont fait recours auprès de l'Obergericht du canton de Zurich.
  • Entre-temps, le Ministère public a déposé son acte accusation contre F.A. auprès du Bezirksgericht de Zurich.
  • Se fondant sur le fait que F.A avait été mis en accusation devant le Bezirksgericht, l'Obergericht a classé les recours comme étant devenus sans objet le 6 janvier 2023.
  • Sur recours de la Recourante, le Tribunal fédéral a infirmé cette dernière décision, par arrêt du 14 décembre 2023, en considérant que l'instance précédente aurait dû se prononcer sur la légalité de la libération des avoirs bloqués. Il a donc renvoyé l'affaire pour nouvelle décision à l'Obergericht.
  • Entre-temps, le Bezirksgericht de Zurich a reconnu F.A. coupable de plusieurs délits et a annulé les séquestres prononcés.
  • A. a alors fait appel auprès de l'Obergericht. Cette procédure d'appel est pendante depuis le 14 septembre 2023.
  • Dans le cadre de la procédure de renvoi, l'Obergericht a, à nouveau, considéré que les recours contre la levée des séquestres et des restrictions étaient devenus sans objet. La Recourante a alors formé un nouveau recours au Tribunal fédéral.
  • Saisie pour la seconde fois, notre Haute Cour a d'abord rappelé ce qu'elle avait affirmé dans son arrêt du 14 décembre 2023, à savoir que malgré le transfert de la direction de la procédure au Bezirksgericht en raison de la mise en accusation par le Ministère public de F.A, l'instance précédente aurait dû statuer sur les recours pendants concernant les séquestres de comptes et les restrictions au registre foncier, puisqu'il s'agissait d'une atteinte grave aux droits de la Recourante non impliquée par les infractions poursuivies. Cette manière de procéder respectait en outre les principes d'économie de procédure et de célérité (consid. 3.1).
  • Le Tribunal fédéral a ajouté que la décision de première instance, non définitive, rendue entre-temps, ne rien changeait à cette appréciation (consid. 3.2).
  • Les juges de Mon-Repos ont enfin précisé qu'un litige peut devenir sans objet ou que l'intérêt juridique à le juger peut disparaître, notamment lorsqu'en cours de la procédure, un état de fait apparaît au vu duquel il n'est plus possible de reconnaître un intérêt digne de protection (consid. 3.2.1).
  • In casu, le Tribunal fédéral a considéré que la libération des valeurs patrimoniales n'était pas encore entrée en force, car des recours avaient été déposés et étaient pendants. Ainsi, la Recourante avait un intérêt légitime et digne de protection à ce qu'une décision soit prise le plus rapidement possible dans la procédure de recours (consid. 3.2.2).
  • Notre Haute Cour a ensuite précisé que le risque de jugements contradictoires dans les deux procédures en cours (recours et appel) n'existait pas, en raison de la nature différente des objets respectifs (consid. 3.2.3).
  • D'un côté, il y avait un séquestre qui est une mesure préventive permettant la mise en sûreté provisoire d'objets et de valeurs pendant la procédure. Le séquestre ne statue pas définitivement sur le sort des objets. De l'autre, il y avait une décision finale que le tribunal de fond doit rendre conformément à l'art. 267 al. 3 CPP et qui statue de manière définitive sur l'utilisation de ces objets et valeurs patrimoniales. Ainsi, le recours contre le séquestre des comptes bancaires concernait la protection juridique provisoire, alors que l'appel contre le jugement au fond concernait leur utilisation définitive, par exemple sous la forme de confiscation. Cela signifiait donc que les deux procédures pouvaient se dérouler en parallèle, car si l'instance de recours ordonnait la levée, cela n'empêchait par le tribunal du fond en charge de l'appel d'ordonner malgré tout la confiscation des objets ou des valeurs patrimoniales concernées (consid. 3.2.3).
  • In casu, les juges de Mon-Repos ont considéré que malgré l'existence d'un jugement au fond de première instance et d'une procédure d'appel pendante, l'Obergericht aurait dû statuer sur les recours (consid. 3.2.4).
  • Partant, le recours a été admis.

II. DROIT PÉNAL ÉCONOMIQUE

TF 6B_1490/2022 du 1er juillet 2024 | Développements sur la condition de confiscation des biens (art. 305bis  CP) et la condition d'intermédiaire financier « à titre professionnel  » (art. 44 LFINMA, art. 14 LBA et art. 2 al. 3 LBA)

  • À la suite d'une demande d'entraide judiciaire et de la constitution d'une équipe d'enquête conjointe formée par la Procura della Repubblica italiana auprès du Tribunale di Milano, département anti-mafia, le 17 juillet 2015, le Ministère public a ouvert une instruction pénale à l'encontre de B. pour blanchiment d'argent. L'enquête a été étendue à d'autres personnes, telles qu'A. (« Recourant»). Sur la base d'une plainte pénale de la FINMA, le Service juridique du Département fédéral des finances (« DFF ») a ouvert le 7 mai 2019 une procédure de droit pénal administratif contre le Recourant et B., soupçonnés d'avoir violé l'art. 44 LFINMA en relation avec l'art. 14 LBA. Le 9 mai 2019, le DFF a ordonné la jonction de la procédure qu'il avait ouverte avec la procédure pénale menée par le Ministère public, ce qui a entraîné la transmission du dossier à ce dernier. Le 10 juin 2020, le Ministère public a dressé un acte d'accusation contre le Recourant pour blanchiment d'argent, manque de diligence dans les transactions financières, ainsi que pour activités sans autorisation, reconnaissance, licence ou enregistrement.
  • Le Tribunal pénal fédéral a déclaré le Recourant coupable, par arrêt du 28 mai 2021.
  • Le 20 juin 2022, la Cour d'appel du Tribunal pénal fédéral a confirmé sa condamnation. Par la suite, le Recourant a déposé un recours en Tribunal fédéral.
  • Dans le cadre de cet arrêt, notre Haute Cour a, dans un premier volet, rappelé que le Recourant avait été reconnu coupable de blanchiment d'argent pour avoir permis de dissimuler, dans deux coffres-forts situés dans la chambre forte des bureaux des sociétés D. SA et C. SA, des montants reçus antérieurement de B. et provenant d'activités criminelles pour lesquelles E. et F. avaient été condamnés en Italie (consid. 3).
  • Le Tribunal fédéral a considéré que le Recourant avait connaissance de l'argent qui se trouvait dans les coffres. En effet, le Recourant ne pouvait ignorer les aller-retours de B. vers le coffre. En outre, il avait aidé B. à effectuer des opérations de change pour le retour en Italie (consid. 3.1 ss).
  • Toutefois, les juges de Mon-Repos ont considéré que le Recourant n'avait pas connaissance de l'origine criminelle de l'argent conservé dans les coffres-forts. Ainsi, pour ce premier motif, le Tribunal fédéral a conclu que la condamnation pour blanchiment d'argent devait être annulée (consid. 3.3).
  • Ensuite, le Tribunal fédéral a rappelé que seuls les biens confiscables peuvent faire l'objet d'un blanchiment. L'application de l'art. 305bis CP implique donc que l'infraction sous-jacente ne soit pas prescrite au moment de la commission de l'acte de blanchiment. De plus, lorsque l'infraction principale a été commise à l'étranger, en l'absence d'une créance confiscatoire suisse indépendante, la punissabilité du blanchiment d'argent présuppose qu'au moment de la commission des actes de blanchiment présumés, une confiscation soit envisageable en vertu du droit étranger pertinent (consid. 3.4.2).
  • In casu, les juges de Mon-Repos ont considéré que le renvoi de la Cour d'appel à un arrêt du 27 novembre 2018 de la Corte d'assise d'appello di Milano qui avait été annulé par la suite ne permettait pas de trancher la question de la confiscation de l'argent se trouvant dans les coffres-forts. Ainsi, la condamnation fondée sur l'art. 305bis CP devait être annulée pour ce second motif (consid. 3.4.3).
  • Dans un second volet, le Tribunal fédéral a rappelé que la Cour d'appel avait condamné le Recourant pour exercice d'une activité sans autorisation, reconnaissance, licence ou enregistrement en vertu de l'art. 44 LFINMA en lien avec l'art. 14 LBA. La condamnation portait sur trois transactions différentes qui avaient eu lieu entre décembre 2014 et l'automne 2015 : l'une concernait la vente, par l'intermédiaire de la société D. SA, de 10 kg d'or à G., les autres concernaient le soi-disant « circuito di Budapest», qui avait été utilisé, toujours en agissant au nom de la société D. SA, pour I. et J. En substance, selon l'arrêt attaqué, par le biais de ce circuit, des clients italiens disposant d'avoir en Suisse et qui, pour certaines raisons, n'avaient pas adhéré à la procédure de « Voluntary Discolsure » en Italie, avaient été conseillés et assistés pour l'ouverture d'un compte à leur nom auprès d'une banque hongroise, c'est-à-dire une banque d'un pays figurant sur la « white list », sur lequel les avoirs précédemment détenus en Suisse avaient ensuite été transférés, pour être finalement restitués en espèces ou sous forme de diamants ou de montres, déduction faite d'une éventuelle commission, à des clients en Italie (consid. 4).
  • In casu, notre Haute Cour a d'abord considéré qu'il était incontesté que la vente d'or à G. relevait de l'activité d'intermédiaire financier au sens de l'art. 2 al. 3 let. c LBA. De plus, elle a rappelé la nécessité d'un pouvoir de disposition (juridique ou factuel) de l'intermédiaire financier sur les valeurs patrimoniales d'autrui, pour que cet article soit applicable (consid. 4.5.2).
  • Concernant les agissements du Recourant dans le
    « circuito di Budapest », le Tribunal fédéral a considéré que la Cour d'appel avait retenu de manière arbitraire que le Recourant ou B. avaient un pouvoir de disposition sur les avoirs (consid. 4.5.2).
  • Enfin, le Tribunal fédéral a rappelé que, selon l'art. 2 al. 3 LBA, être assujetti à la LBA présuppose également que l'intermédiaire financier agisse « à titre professionnel». C'est notamment le cas lorsqu'il réalise des revenus bruts supérieurs à CHF 20'000.- par année civile (art. 7 al. 1 let. a OIF). La Circulaire 2011/1 FINMA Activité d'intermédiaire financier au sens de la LBA du 20 octobre 2010 précise que le revenu brut est constitué par l'ensemble des revenus générés par les activités soumises à la LBA (consid. 4.5.3 ss).
  • In casu, les juges de Mon-Repos ont uniquement pris en compte les EUR 10'000.- lié à la vente d'or à G, à l'exclusion du bénéfice de la transaction avec I. En effet, ce bénéfice découlait de la vente de montres et de bijoux, soit d'une activité qui n'est pas soumise à autorisation. Ainsi, le Recourant n'avait pas exercé l'activité d'intermédiaire financier « à titre professionnel» (consid. 4.5.3 ss).
  • Pour finir, concernant la condamnation pour manque de diligence dans les opérations financières (art. 305ter CP), notre Haute Cour a affirmé que le Recourant ne pouvait être considéré comme ayant agi « à titre professionnel», et a ainsi retenu qu'il était hors du cercle des auteurs possibles de cette infraction (consid. 5 ss).
  • Partant, le recours a été admis.

III. DROIT INTERNATIONAL PRIVÉ

TF 5A_45/2024  du 1er juillet 2024 | Acceptation d'une élection de for par le biais d'un représentant dans le cadre de l'ouverture d'un compte bancaire (art. 5 LDIP, art. 126 LDIP)

  • En 2016, un compte a été ouvert auprès de C. Ltd, à Singapour, au nom de B. Une convention aurait été conclue au moment de l'ouverture du compte et stipulerait que les tribunaux de Singapour étaient compétents en cas de litige. Ce compte a été alimenté par des sommes d'argent importantes versées par E., époux de B. Le 8 octobre 2018, B. a effectué un retrait d'un montant d'USD 2 millions en faveur de E. Cela a conduit à un solde négatif d'USD 1'783'190.05. Le 11 décembre 2018, C. Ltd. a cédé son droit au règlement de ce montant à F., qui a fusionné avec G. (« Recourante»).
  • La Recourante a fait valoir son droit au règlement du solde négatif devant la High Court of the Republic of Singapore (« HCRS»). Par jugement du 25 janvier 2022, la HCRS a notamment ordonné à B. de payer la somme de USD 1'783'190.05.
  • Le 25 avril 2023, la Recourante a saisi l'Einzelgericht de Zoug pour requérir un séquestre à l'encontre de B. afin d'obtenir des garanties en vue de l'exécution de la décision singapourienne. Par ordonnance du 27 avril 2023, l'Einzelgericht a séquestré des avoirs appartenant à B auprès de différentes banques en Suisse jusqu'à concurrence du montant de la créance. Le 26 mai 2023, B. a fait opposition au séquestre, laquelle a été rejetée. B. a déposé un recours auprès de l'Obergericht du canton de Zoug. Par décision du 20 décembre 2023, l'Obergericht a (i) admis le recours, (ii) annulé la décision sur opposition à séquestre et (iii) décidé que l'ordonnance de séquestre du 27 avril 2023 serait annulée à l'expiration d'un délai de 40 jours à compter de la notification de cette décision. La Recourante a recouru auprès du Tribunal fédéral.
  • Le point litigieux de l'arrêt était de savoir si la HCRS était compétente pour rendre la décision du 25 janvier 2022 soumise à reconnaissance dans le cadre de la procédure de séquestre en Suisse, au sens de l'art. 25 let. a LDIP.

Selon le raisonnement de l'Obergericht, il n'y avait pas eu d'élection de for valable en faveur de la HCRS si bien qu'elle n'était pas compétente pour rendre la décision (art. 26 let. b LDIP), de sorte que celle-ci n'aurait pas dû être reconnue en Suisse (consid. 3).

  • La Recourante a invoqué une appréciation arbitraire de l'art. 5 LDIP (consid. 5.2).
  • Selon l'art. 5 al. 1 LDIP, en matière patrimoniale, les parties peuvent convenir du tribunal appelé à trancher un différend né ou à naître à l'occasion d'un rapport de droit déterminé. La convention peut être passée par écrit, télégramme, télex, télécopieur ou tout autre moyen de communication qui permet d'en établir la preuve par un texte. Sauf stipulation contraire, l'élection de for est exclusive.
  • En lien avec la disposition précitée, le Tribunal fédéral a rappelé que cette norme n'exigeait ni que la clause d'élection de for soit signée de manière manuscrite, ni qu'elle soit conclue par les parties elles-mêmes. En effet, elle pouvait être conclue par un représentant désigné par un acte juridique. En outre, il a affirmé qu'une clause d'élection de for doit être interprétée selon le droit applicable au contrat principal qui peut résulter d'une clause d'élection de droit contenue dans le contrat principal. De plus, le droit applicable au fond vaut, en principe, pour toutes les questions auxquelles l'art. 5 LDIP ne répond pas lui-même, tel que la représentation par acte concluant. Selon l'opinion dominante, les questions y afférentes doivent toutefois être traitées séparément selon l'art. 126 LDIP (consid. 5.2.1).
  • Notre Haute Cour a aussi rappelé la teneur de l'art. 126 al. 2 LDIP qui prévoit que les conditions auxquelles les actes du représentant lient le représenté et le tiers contractant sont régies par le droit de l'État de l'établissement du représentant ou, si un tel établissement fait défaut ou encore n'est pas reconnaissable pour le tiers contractant, par le droit de l'État dans lequel le représentant déploie son activité prépondérante dans le cas d'espèce. En outre, la question de savoir si le représenté peut approuver ultérieurement un acte effectué sans pouvoirs est également régie par l'art. 126 al. 2 LDIP (consid. 5.2.1).
  • In casu, le Tribunal fédéral a considéré que la conclusion à laquelle était parvenue l'Obergericht selon laquelle la Recourante n'avait pas rendu vraisemblable une volonté concordante des parties de conclure une convention d'élection de for, était manifestement insoutenable. En effet, il était établi qu'un compte bancaire avait été ouvert par internet au nom de B. et que, ce faisant, une convention d'utilisation et une élection de for avaient été acceptées. Sur la question de l'imputabilité des actes juridiques de E. à B., le Tribunal fédéral a cependant considéré qu'il n'y avait aucune indication sur le lieu d'établissement de E., ni sur l'exercice de son activité au moment de l'ouverture du compte, si bien que ce point ne pouvait être tranché (consid. 5.2.2 et 5.2.3).
  • En définitive, le Tribunal fédéral a conclu que l'Obergrericht avait exclu, à tort, la possibilité que B. ait conclu la convention d'élection de for selon les règles de la représentation (consid. 5.2.3).
  • Partant, le recours a été admis

IV. DROIT DE LA POURSUITE ET DE LA FAILLITE


TF 5A_91/2024 du 8 juillet 2024 | Déclarations contradictoires du débiteur sur son domicile et notification par publication (art. 17 LP, art. 66 LP)

  • Par commandement de payer du 14 décembre 2022, B. (« Créancier») a introduit auprès du Betreibungsamt de Schilieren/Urdorf (« Office des poursuites ») une poursuite contre A. (« Recourant ») pour un montant de CHF 1'213'667,32 plus intérêts (« Commandement de payer X »).
  • Le Créancier, n'ayant pas accès à l'adresse de domicile de son débiteur, a inscrit l'adresse de son ancienne sous-bailleuse.
  • Les recherches de l'Office des poursuites ont révélé que le Recourant avait quitté l'appartement en question depuis le 31 décembre 2021 et qu'il avait été radié du registre des habitants, sans nouvelle adresse connue. L'Office des poursuites s'était alors adressé au Créancier pour requérir des informations complémentaires et lui avait précisé que sans autres indications, seule une notification par publication aurait été possible. Le 30 janvier 2023, le Commandement de payer X a été publié dans la FOSC.
  • Par requête du 16 février 2023, le Créancier a déposé auprès du même Office des poursuites une nouvelle réquisition de poursuite à l'encontre du Recourant pour une créance de CHF 899'143,18 plus intérêts (« Commandement de payer Y »). Le 22 février 2023, le Commandement de payer Y a également été publié dans la FOSC.
  • Le 28 février 2023, le Recourant s'est présenté à l'Office des poursuites et a formé opposition contre les deux commandements de payer. L'Office des poursuites a attesté que l'opposition au commandement de payer X était tardive.
  • Le 1er mars 2023, le Recourant a déposé une opposition écrite contre cette dernière poursuite auprès de l'Office des poursuites, en indiquant comme adresse d'expédition « ohne festen Wohnsitz ».
  • Par plainte du 9 mars 2023, le Recourant a contesté la publication des deux commandements de payer auprès du Bezirksgericht de Dietikon, puis de l'Obergericht Il a fini par s'adresser au Tribunal fédéral le 8 février 2024.
  • Notre Haute Cour a commencé par rappeler que le débiteur qui a déménagé d'une adresse connue peut néanmoins être poursuivi à son ancien domicile, si son domicile ou sa résidence actuels sont inconnus. Dans ce cas, la notification peut être effectuée par voie de publication (art. 66 al. 4 ch. 1 LP) à condition qu'aucune autre adresse de notification ne puisse être trouvée. Toutefois, il est du devoir de l'office des poursuites, conjointement avec le créancier, d'entreprendre toutes les démarches nécessaires afin de trouver une adresse de notification valable (consid. 3).
  • In casu, le Tribunal fédéral a retenu que les investigations de l'Office des poursuites avaient été insuffisantes dans la mesure où il s'était borné à constater que le Recourant n'habitait plus à l'adresse indiquée dans le commandement de payer, sans effectuer d'autres démarches supplémentaires. Sur cette base, il ne pouvait pas être établi que le domicile du Recourant était inconnu. Le Tribunal fédéral a déclaré que c'était donc à bon droit que le Recourant s'était opposé à la publication des commandements de payer (consid. 3).
  • Notre Haute Cour a poursuivi son raisonnement en expliquant que, malgré ce qui précède, le recours ne méritait pas de protection juridique. En effet, le Recourant avait adopté tout au long de la procédure un comportement contradictoire, en indiquant dans son opposition du 1er mars 2023 être sans domicile fixe, puis expliquer résider depuis début 2022, sans se déclarer auprès de la commune, « mit der Absicht dauernden Verbleibens » chez sa partenaire de longue date, ou encore habiter chez sa mère (consid. 3).
  • In casu, en incitant les autorités à effectuer des recherches inutiles tout en dissimulant son véritable domicile ou lieu de résidence, le Recourant avait rendu impossible la notification des actes (consid. 3).
  • Dès lors, le Tribunal fédéral a retenu qu'un tel comportement revenait à utiliser l'institution juridique de la plainte (art. 17 LP) de manière contraire à son but (consid. 3).
  • Partant, le recours a été rejeté.


V. ENTRAIDE INTERNATIONALE                                                         

Footnote

1. Arrêt destiné à publication.

The content of this article is intended to provide a general guide to the subject matter. Specialist advice should be sought about your specific circumstances.

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