Quelques propos introductifs

La présente Newsletter de Monfrini Bitton Klein vise à offrir, de manière hebdomadaire, un tour d'horizon de la jurisprudence rendue par le Tribunal fédéral dans les principaux domaines d'activité de l'Etude, soit le droit pénal économique et le recouvrement d'actifs (asset recovery).

Sans prétendre à l'exhaustivité, seront reproduits ci-après les considérants consacrant le raisonnement juridique principal développé par notre Haute juridiction sur les thématiques suivantes : droit de procédure pénale, droit pénal économique, droit international privé, droit de la poursuite et de la faillite, ainsi que le droit de l'entraide internationale.

I. PROCÉDURE PÉNALE

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II. DROIT PÉNAL ÉCONOMIQUE

TF 6B_645/2022 du 7 octobre 2022 | Gestion déloyale qualifiée répétée - qualité de gérant (art. 158 CP)

  • Le Recourant a agi auprès du Tribunal fédéral afin de contester la décision de l'Appellationsgericht du canton de Bâle-Ville l'ayant condamné pour gestion déloyale qualifiée répétée. Cet arrêt se concentre principalement sur la qualité de gérant du Recourant.
  • L'instance précédente avait retenu, à juste titre selon le Tribunal fédéral, que la gestion du budget et du personnel par le Recourant ainsi que la prise de décisions stratégiques de manière autonome au sein de l'entreprise lésée par celui-ci, faisait de lui un organe de fait ayant la qualité de gérant. Le fait que le Recourant n'était pas habilité à signer au nom de son employeuse n'était ni suffisant, ni pertinent pour nier le statut de gérant, la capacité de représenter ne restant qu'un indice parmi tant d'autres (consid. 3.3.1).
  • Pour le surplus, tous les éléments constitutifs de l'infraction de gestion déloyale qualifiée étant réunis, le recours a été rejeté.

III. DROIT INTERNATIONAL PRIVÉ

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IV. DROIT DE LA POURSUITE ET DE LA FAILLITE

TF 5A_650/20221 13 octobre 2022 | Notification du commandement de payer à l'époux en cas de poursuite en réalisation du gage portant sur une entreprise commune (art. 153 al. 2 let. b LP)

  • Le législateur n'a pas commis de lacune proprement dite en ne prévoyant pas, à l'art. 153 al. 2 let. b LP, le devoir de notifier le commandement de payer au conjoint du débiteur lorsque ce dernier gère en commun l'entreprise faisant l'objet de la réalisation du gage (consid. 3.3).
  • Dans de telles circonstances, un devoir de notification au conjoint existe uniquement lorsque l'entreprise commune sert également de logement familial (consid. 3.3).

TF 5A_167/2022 du 11 octobre 2022 | Divergence entre le commandement de payer notifié aux créanciers et celui notifié au débiteur (art. 70 al. 1 LP)

  • Cet arrêt rappelle la règle de l'art. 70 al. 1 LP. Si le commandement de payer notifié aux créanciers ne contient pas la mention de l'opposition faite par le débiteur, alors que celui notifié à ce dernier la mentionne, c'est le commandement de payer du débiteur qui prime afin de déterminer si l'opposition a bien eu lieu dans les délais (consid. 2.2).

TF 5A_478/2022 du 24 octobre 2022 | Quotité saisissable – entretien de l'enfant majeur

  • Le Tribunal fédéral a indiqué que l'entretien de l'enfant à prendre en compte lors de l'établissement du minimum vital du débiteur est généralement celui de l'enfant mineur. Il est toutefois possible de considérer celui de l'enfant majeur à condition que ce dernier ne réalise aucun revenu et n'ait pas encore achevé sa première formation (obtention de la maturité fédérale ou un diplôme de fin d'écolage). En revanche, l'entretien de l'enfant majeur universitaire ou suivant une formation supérieure est subordonné à la capacité financière des parents. Dès lors, si cette dernière fait défaut - ce qui est le cas lorsque le parent en question fait l'objet d'une saisie de salaire - le devoir d'entretien n'existe plus et il n'y a pas lieu de privilégier le financement des études supérieures de l'enfant au détriment des créanciers (consid. 5.1).

TF 5A_556/2021 du 20 septembre 2022 | Sursis concordataire provisoire (art. 273a LP) – ouverture de la faillite sans poursuite préalable (art. 173a LP)

  • Le recours portait, d'une part, sur une décision de rejet d'une demande de sursis concordataire provisoire et, d'autre part, sur une décision d'ouverture de la faillite sans poursuite préalable (consid. 1.1).
  • Le Tribunal fédéral a tout d'abord commencé par examiner le rejet de la demande de sursis concordataire provisoire et la motivation de l'instance précédente selon laquelle, conformément à l'art. 293a al. 3 LP, il n'y avait manifestement aucune perspective d'assainissement ou d'homologation d'un concordat (consid. 4).
  • Notre Haute Cour a déclaré que, selon le droit en vigueur, le juge du concordat doit procéder à une appréciation globale de la situation financière actuelle ou future du débiteur lorsqu'il évalue les perspectives d'assainissement ou l'absence manifeste de telles perspectives (consid. 5.2.2).
  • Le Tribunal fédéral a rappelé que, conformément à l'art. 293 let. a LP, le débiteur doit joindre à sa demande de sursis concordataire provisoire des documents qui font apparaître sa situation actuelle et future en matière de fortune, de rendement ou de revenus. Certes, le bilan et le compte de résultats n'ont pas à être révisés, mais le juge du concordat peut néanmoins se baser sur les principes du droit comptable pour évaluer les documents. Les documents doivent permettre au juge du concordat de se faire une opinion sous l'aspect de l'absence manifeste de perspectives d'assainissement (consid. 5.3.2).
  • In casu, le Tribunal fédéral a retenu que l'instance précédente avait considéré à juste titre qu'il n'était pas arbitraire que le juge du concordat prenne en compte les intérêts du prêt mis en poursuite au passif, même si auparavant, en tant que juge de la mainlevée, il n'avait pas accordé la mainlevée pour lesdits intérêts (consid. 6.2.3).
  • Partant, notre Haute Cour a conclu que l'instance précédente n'avait pas violé le droit fédéral en rejetant la demande de sursis concordataire provisoire(consid. 7).
  • Dans un second temps, le Tribunal fédéral a examiné si le tribunal de la faillite aurait dû suspendre la procédure conformément à l'art. 173a LP en raison de la demande de sursis concordataire provisoire (consid. 8.1).
  • Le Tribunal fédéral a jugé que le fait que la première instance n'avait pas formellement suspendu la procédure de faillite ne changeait rien au fait qu'elle avait pris en compte la demande de sursis concordataire provisoire. Le grief a partant été rejeté (consid. 8.2).
  • Était finalement contestée par le Recourant l'ouverture de la faillite sans poursuite préalable selon l'art. 190 al. 1 ch. 2 LP (consid. 9).
  • Le Tribunal fédéral a rappelé qu'un créancier peut, sans poursuite préalable, requérir du juge l'ouverture de la faillite au sens de l'art. 190 al. 1 ch. 2 LP contre un débiteur soumis à la poursuite par voie de faillite, si celui-ci a cessé ses paiements. La procédure est régie par l'art. 194 LP (consid. 9.1.1).
  • In casu, la demande de sursis concordataire provisoire du Recourant avait été rejetée en raison de l'absence manifeste de perspectives d'assainissement ou d'homologation d'un concordat. La première instance n'avait alors pas ouvert d'office la faillite en tant que tribunal du concordat. Au lieu de cela, en tant que tribunal de la faillite, elle avait ouvert la faillite sur la base de l'art. 190 al. 1 ch. 2 LP. La première instance a considéré que l'ouverture de la faillite d'office n'était pas obligatoire en vertu de l'art. 293a al. 3 LP (consid. 9.2.1).
  • Selon notre Haute Cour, le procédé suivi par la première instance était contraire à l'unité de principe prévue à l'art. 293a al. 3 LP entre le rejet de la demande de sursis concordataire provisoire et l'ouverture de la faillite. En effet, une séparation du rejet et de l'ouverture de la faillite aurait entraîné deux procédures de recours indépendantes dans leur fondement, dans lesquelles une appréciation uniforme des conséquences juridiques de la demande de sursis concordataire provisoire n'était pas garantie. Il en serait alors résulté un risque de jugements contradictoires, qui ne pouvait pas être suffisamment contrecarré par une coordination des procédures parallèles. La procédure choisie par la première instance est ainsi allée à l'encontre des intérêts des créanciers, et partant de la ratio legis de l'art. 293a LP (consid. 9.2.2).
  • En tant que tribunal du concordat, la première instance aurait par conséquent dû ouvrir d'office et impérativement la faillite du Recourant en rejetant la requête de sursis concordataire provisoire et, en tant que tribunal de la faillite, classer la procédure de faillite comme étant sans objet. Comme la première instance s'était efforcée de coordonner les procédures parallèles, elle a rejeté le même jour la demande de sursis concordataire provisoire et a ouvert la faillite dans la procédure de faillite aux conditions de l'art. 190 al. 1 ch. 3 LP. L'ouverture de la faillite du Recourant a donc été prononcée à juste titre dans son résultat, mais pas dans son fondement (consid. 9.2.3).
  • Le Tribunal fédéral a finalement considéré que l'ouverture de la faillite au sens de l'art. 293a al. 3 LP ne présupposait pas une demande valable des créanciers. Il n'était pas non plus nécessaire d'examiner plus en détail si l'instance précédente avait eu raison de souligner l'absence de perspectives d'assainissement dans le cadre de l'examen de la cessation de paiement. Dans la présente constellation (rejet de la demande de sursis concordataire provisoire faute de perspectives d'assainissement suffisantes), l'ouverture de la faillite était inéluctable en application de l'art. 293a al. 3 LP (consid. 9.3).
  • Au vu de ce qui précède, le Tribunal fédéral a conclu en définitive au rejet des deux recours (consid. 10).

V. ENTRAIDE INTERNATIONALE

TF 1C_562/2022 du 28 octobre 2022 | Irrecevabilité du recours en matière d'entraide internationale à l'Arménie (art. 84 al. 1 LTF) - absence de procurations récentes

  • Par décision du 25 mai 2022, le Ministère public de la Confédération (« MPC ») a ordonné la transmission, aux autorités arméniennes, de la documentation relative aux comptes bancaires détenus par les sociétés A., B., C. et D. La demande d'entraide judiciaire formée à ce sujet a en revanche été déclarée irrecevable en ce qui concernait l'infraction d'évasion fiscale. Par acte du 24 juin 2022, les quatre sociétés précitées ont recouru auprès de la Cour des plaintes du Tribunal pénal fédéral (« la Cour des plaintes »). Elles ont notamment produit une procuration en faveur de leur avocat, ainsi que plusieurs autres pièces (« Incumbency certificate », « Certificate of good standing », acte authentique, décision du conseil d'administration). Lors de l'invitation à verser l'avance de frais, la Cour des plaintes à inviter les quatre sociétés à produire, sous peine d'irrecevabilité, les documents suivants : pour A., une procuration datée ; pour les autres sociétés, des documents récents démontrant leur existence au jour du dépôt du recours, des procurations récentes, des documents établissant l'identité des signataires des procurations produites ainsi que leurs pouvoirs de représentation. L'avance de frais a été versée et les sociétés recourantes ont ensuite présenté des observations spontanées. Par arrêt du 11 octobre 2022, la Cour des plaintes a déclaré le recours irrecevable. Malgré la prolongation de délai et la menace d'irrecevabilité, les documents requis n'avaient pas été produits. C'est contre ce jugement que les quatre sociétés ont recouru.
  • Pour rappel, l'art. 84 al. 1 LTF soumet la recevabilité du recours au Tribunal fédéral en matière d'entraide à deux conditions : le recours doit avoir pour objet la transmission de renseignements concernant le domaine secret et concerner un cas particulièrement important, tel que la violation du droit d'être entendu (consid. 1.1).
  • Seule la deuxième condition était litigieuse in casu (consid. 1.1).
  • A cet égard, les Recourantes se sont prévalues d'un déni de justice : elles ont reproché à la Cour des plaintes d'avoir exigé des procurations récentes (respectivement datées), sans tenir compte des documents déjà produits, ni expliquer en quoi ces pièces étaient lacunaires. En particulier, les Recourantes ont souligné que les documents fournis avaient moins de deux ans et qu'il était possible de déterminer par déduction la date des procurations produites, puisqu'elles mentionnaient le numéro de la procédure actuelle (consid. 1.2).
  • Le Tribunal fédéral a considéré que les exigences posées par la Cour des plaintes s'agissant des procurations récentes ne procédaient en rien d'un formalisme excessif. En outre, il a relevé que les pièces demandées aux Recourantes étaient clairement identifiables (consid. 1.3).
  • Par surabondance de moyens, notre Haute Cour a encore précisé que lorsque les documents produits à la demande de l'instance de recours se révèlent encore insuffisants à justifier la recevabilité du recours, ni la loi ni la Constitution n'imposent la fixation d'un délai supplémentaire pour y remédier, en particulier dans une cause d'entraide judiciaire régie par le principe de célérité (art. 17a EIMP) et lorsque la partie recourante agit par l'entremise d'un mandataire professionnel censé reconnaître d'emblée la portée juridique des documents produits (consid. 1.4).
  • Partant, le recours a été déclaré irrecevable (consid. 2).

Footnotes

1. Destiné à publication

The content of this article is intended to provide a general guide to the subject matter. Specialist advice should be sought about your specific circumstances.