Le 6 décembre 2024, une nouvelle loi réglementant la recherche privée a été publiée au Moniteur belge. L'objectif de cette nouvelle loi est de réviser en profondeur et de moderniser le cadre juridique existant en matière d'enquêtes privées. Cette newsletter esquisse quelques-unes des modifications introduites par la loi, qui sont pertinentes pour les employeurs effectuant des enquêtes privées.
Bonne lecture !
1 Champ d'application
Avec la nouvelle loi réglementant la recherche privée (ci-après la « loi sur la recherche privée »), le législateur a l'ambition de prévoir un cadre global pour les activités de recherche privée. La recherche privée était auparavant régie par la loi du 19 juillet 1991 organisant la profession de détective privé. Cette loi avait plus de 30 ans et ne tenait donc pas compte des évolutions en matière de protection de la vie privée et sur le plan de la technologie.
De plus, les « détectives tout terrain » comme on pouvait en trouver dans les pages jaunes n'existent plus. Comme les détectives privés d'aujourd'hui sont plutôt des experts dans des domaines professionnels spécifiques, le législateur a opté pour une législation neutre en termes de profil.
La nouvelle loi est importante, non seulement pour tous ceux qui mènent des activités de recherche privée, mais aussi pour les employeurs, qui peuvent également avoir différentes raisons de vouloir faire appel à un enquêteur privé ou mener leurs propres enquêtes. Prenez les exemples suivants :
- Enquêtes internes sur une potentielle fraude commise par un travailleur ;
- Enquêtes concernant des actes de concurrence déloyale dont se serait rendu coupable un ancien travailleur ;
- La recherche du débauchage illicite de personnel par une entreprise concurrente ;
- L'enquête sur la fraude en matière d'absentéisme pour cause de maladie ;
- La collecte de preuves supplémentaires en cas de
licenciement pour motif grave.
Une nouveauté importante de la nouvelle loi est que les enquêtes au sein des organisations, qui étaient précédemment exclues dans la loi précédente, font désormais parties intégrante du champ d'application de la loi.
1.1 Champ d'application personnel
La loi sur la nouvelle recherche privée clarifie d'abord un certain nombre de termes.
Un mandant est une personne physique ou une personne morale qui fait effectuer une recherche privée. Un mandataire est une personne physique qui accepte une mission au nom d'une entreprise ou d'un service interne de recherche privée.
Les enquêteurs privés peuvent être :
- les entreprises qui exercent des activités de recherche privée pour des tiers ; et
- les services internes.
Un service interne de recherche privée est un service qui assure de manière structurelle l'exécution de missions d'enquête émanant d'une entreprise ou d'un groupe d'entreprises. Le service interne peut mener des enquêtes concernant des personnes impliquées à l'intérieur (par exemple, les travailleurs d'une entreprise) comme à l'extérieur (par exemple, les assurés par un service interne d'une compagnie d'assurance) de l'organisation.
Les travaux préparatoires précisent que, pour parler d'un service interne, il suffit que ces activités soient incluses dans la répartition des tâches d'au moins un collaborateur. Il y est également précisé que les services internes peuvent agir au niveau d'un groupe d'entreprises.
Cette répartition des rôles a une incidence sur le champ d'application matériel et les obligations applicables qui sont davantage clarifiées.
1.2 Champ d'application matériel
La loi sur la recherche privée prévoit un champ d'application matériel étendu. . Concrètement , il est nécessaire que les conditions cumulatives suivantes soient remplies :
- Une personne physique, le mandataire, exerce l'activité ;
- L'activité est exécutée sur ordre d'un mandant ;
- L'activité comprend la collecte de renseignements obtenus par le traitement d'informations sur des personnes physiques ou morales ou concernant des faits commis par elles ;
- Le but de ces activités est de fournir les informations recueillies au mandant, afin qu'elles puissent être utilisées dans un conflit actuel ou potentiel pour protéger les intérêts du mandant, ou pour retrouver des personnes disparues ou des biens perdus ou volés.
Un employeur relève du champ d'application de la loi lorsqu'il fait appel à des enquêteurs externes spécialisés, mais aussi lorsqu'un employeur utilise son propre service interne de recherche privée.
Une nouveauté importante de la loi est qu'elle s'applique également lorsqu'un employeur n'a pas de service interne propre, mais souhaite occasionnellement mener une enquête concernant ses propres travailleurs, par exemple dans le cadre d'un licenciement pour motif grave.
La loi ne considère pas comme des activités de recherche privée :
- les activités professionnelles de notaire, avocat, huissier de justice, journaliste, réviseur d'entreprise et contrôleur légal des comptes ;
- les activités d'un expert désigné par une autorité judiciaire ;
- les professions où la seule activité de collecte d'informations est exclusivement exercée auprès de l'intéressé (par exemple, enquêteurs, experts automobiles) ;
- les activités des fonctionnaires et agents des services publics ;
- les activités qui consistent exclusivement en la mise à disposition de tiers d'informations administratives ou financières accessibles au public sur des personnes et des analyses de crédit basées sur celles-ci ;
- 'activité de règlement de sinistre dans le domaine des assurances (par exemple, les experts techniques) ;
- l'activité d'auditeur sans collecte d'informations sur des personnes dans le but de clarifier des faits indésirables pour le client ;
- les activités financières réglementées soumises à une surveillance financière spécifique ;
- les activités et les professions visant spécifiquement à identifier, analyser et traiter les incidents de cybersécurité ;
- des activités exercées pour le compte du mandant en exécution d'obligations légales ou de missions, qui ne poursuivent pas comme objectif propre la recherche privée, mais qui ne sont qu'une conséquence de ces obligations et de ces missions (par exemple, les activités d'un conseiller en prévention dans le cadre de la législation en matière de risques psychosociaux et d'un whistleblowing officer). L'utilisation des résultats qui vont au-delà des obligations légales est cependant considérée comme de la recherche privée.
2 Conditions pour mener une enquête privée ?
En conséquence de la nouvelle législation, il y a, avant une enquête privée, un certain nombre de conditions qui doivent être remplies. Ces conditions concernent les différents acteurs d'une enquête privée, y compris :
- Le mandant (employeur) ;
- Le mandataire ;
- L'enquêteur privé, le mandataire et d'autres personnes.
2.1 Mandant (employeur)
Un employeur ne peut mener une enquête privée sur l'un de ses travailleurs que si l'autorisation et les modalités y afférentes sont prévues de manière exprès et transparente dans un « règlement ». La loi sur la recherche privée ne précise pas spécifiquement sous quelle forme cela doit être prévu.
Les travaux préparatoires stipulent seulement que les travailleurs doivent être informés à l'avance que des activités de recherche privée peuvent être menées sur le lieu de travail et que, par exemple, cela peut être prévu dans une convention collective de travail, un règlement detravail ou une décision du conseil d'entreprise. En l'absence de spécification dans la loi elle-même, il semble toutefois plus recommandé d'inclure les modalités pour mener une enquête privée dans une police interne.
Les employeurs disposent d'un délai de deux ans à compter de l'entrée en vigueur de cette nouvelle loi pour se conformer à cette obligation d'information.
2.2 Mandataire
Les mandataires doivent remplir les conditions suivantes :
- Disposer d'une autorisation obtenue du SPF
Intérieur. L'autorisation n'est accordée
qu'aux mandataires qui respectent toutes les dispositions de
cette nouvelle loi et les conditions minimales d'autorisation
et les règles de conduite qui doivent encore être
déterminées par un arrêté royal
distinct. La loi elle-même établit déjà
un certain nombre de conditions d'autorisation, notamment :
- L'entreprise doit être constituée selon les dispositions du droit belge ou conformément à la législation d'un État membre de l'Espace économique européen ;
- L'entreprise doit respecter ses obligations en matière de législation sociale et fiscale ;
- Une entreprise sous forme de personne morale ne peut pas avoir été condamnée à une peine correctionnelle ou criminelle (ou à une peine similaire à l'étranger) ;
- Nommer un délégué à la protection des données (DPO) ;
- Les entreprises ne peuvent pas avoir nommé des administrateurs, des gérants, des mandataires, des personnes ayant le pouvoir d'engager l'entreprise ou des personnes exerçant le contrôle de l'entreprise à qui l'exercice de telles fonctions est interdit ou qui ont été tenues responsables des engagements ou des dettes d'une société en faillite au cours des cinq dernières années.
La loi sur la recherche privée prévoit un certain
nombre de dispositions transitoires. Les mandataires peuvent,
moyennant le respect des autres dispositions de cette loi et de ses
arrêtés d'exécution, continuer à
exercer leurs activités jusqu'à ce qu'une
décision soit prise concernant leur demande
d'autorisation, à condition qu'ils aient introduit
une demande recevable à cet effet dans les 6 mois qui
suivent l'entrée en vigueur de la nouvelle loi.
- Faire mention de l'autorisation dont ils disposent sur tous les actes, factures, annonces, publications, lettres, notes de commande, sites Internet et autres documents.
- Ne pas exercer d'autres activités (à l'exception des conseils en sécurité) que les activités de recherche privée (ne s'applique qu'aux entreprises de recherche privée).
- Les personnes qui assurent la direction effective du mandataire ou qui siègent au conseil d'administration d'une entreprise, ou qui contrôlent le mandataire d'une autre manière, doivent en outre remplir un certain nombre de conditions personnelles (voir tableau sous 2.3).
Contrairement à l'ancienne loi, le mandataire est désormais obligé de vérifier si le mandant a un intérêt légitime. Il y a un intérêt illégitime si l'objet ou le but de la mission est illégal, par exemple pour pouvoir harceler une certaine personne ou pour faire soupçonner injustement une personne. Les intérêts légitimes doivent également être explicitement décrits dans le document de mission d'enquête.
2.3 Enquêteurs privés, mandataires et autres personnes
Les enquêteurs privés, les mandataires et autres personnes physiques doivent répondre à plusieurs conditions personnelles :
Personnes qui assurent la direction effective d'un mandataire et d'un mandant |
1. Ne pas avoir été condamné, même avec sursis, à une quelconque peine correctionnelle ou criminelle, ou à une peine similaire à l'étranger ; 2. Être ressortissant d'un État membre de l'EEE ou de la Suisse et avoir leur résidence principale dans un État membre de l'EEE ou en Suisse ; 3. Ne pas être simultanément membre d'un service de police ou d'un service de renseignements ou de sécurité, ne pas occuper une fonction dans un établissement pénitentiaire, ne pas exercer les activités de notaire, avocat, huissier de justice, journaliste, réviseur d'entreprises ou auditeur légal, ne pas exercer des activités dans certaines entreprises de sécurité, ne pas être fabricant ou marchand d'armes ou de munitions ou exercer toute autre activité qui, en étant exercée par la même personne que celle exerçant une fonction dans le secteur de la recherche privée, pourrait constituer un danger pour la sécurité intérieure ou extérieure de l'État, pour l'ordre public ou pour le potentiel scientifique et économique ; 1 4. Ne pas exercer simultanément une fonction avec possibilité d'accès à des données non accessibles au public détenues par des personnes morales de droit public ou à des données non accessibles au public détenues par des personnes morales de droit privé ; 5. Satisfaire aux conditions de formation et d'expérience professionnelles arrêtées par le Roi ; 6. Ne pas avoir été, au cours des trois dernières années qui précèdent, membre d'un service de police ou d'un service de renseignements ou de sécurité ; 7. Être âgé d'au moins 21 ans ; 8. Satisfaire au profil souhaité et posséder les caractéristiques suivantes :
9. Ne pas avoir été radié du Registre national des personnes physiques sans laisser de nouvelle adresse ; 10. Ne pas avoir fait l'objet, au cours des trois dernières années, d'une décision où il a été constaté qu'ils ne satisfaisaient pas aux conditions de sécurité visées au point 8 ; 11. Être titulaire d'une carte d'identification délivrée par le SPF Intérieur.2 |
Personnes qui siègent soit au conseil d'administration, soit qui exercent un contrôle sur un mandataire | Les mêmes conditions s'appliquent aux personnes qui exercent la direction effective d'un mandataire, à l'exception des conditions 2, 5 et 11. |
Enquêteurs privés |
En général, les mêmes conditions s'appliquent aux personnes qui exercent la direction effective d'un mandataire. Toutefois, par dérogation à la première condition, pour les enquêteurs privés qui, à la date d'entrée en vigueur de la loi, disposent d'une autorisation valide en tant que détective privé, la loi fait une distinction entre les condamnations antérieures et postérieures à l'entrée en vigueur de la loi. Ces enquêteurs privés peuvent :
|
Personnes occupant une autre fonction au sein du mandataire | Les mêmes conditions s'appliquent aux personnes qui exercent la direction effective d'un mandataire, à l'exception des conditions 2, 5, 7 et 11. |
Lorsqu'il est constaté des faits ou des actes pouvant constituer une contre-indication au profil souhaité, une enquête peut être menée sur la condition de sécurité (condition 8 du tableau) à l'initiative du SPF Intérieur.
La personne faisant l'objet d'une enquête sur les conditions de sécurité doit avoir donné son consentement préalable et unique à cette fin. Si la personne refuse de donner son consentement, elle est réputée ne pas satisfaire aux conditions de sécurité.
Footnotes
1. Un AR peut déterminer d'autres incompatibilités.
2. Un AR déterminera le modèle, les modalités d'utilisation et la procédure de demande, d'octroi, de renouvellement, de refus, de période de validité, de retrait et de retour des cartes d'identification.
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