Le 17 juillet 2020, était publiée au Journal Officiel de la Principauté, la loi n° 1.494 du 8 juillet 2020 introduisant en droit monégasque un nouveau délit d'organisation ou aggravation frauduleuse de l'insolvabilité au visa des articles 368-1 à 368-3 du code pénal.

Ce faisant, la Principauté de Monaco s'est dotée d'un dispositif juridique comparable à ceux existants en France et en Europe dans un esprit de sécurisation des investisseurs en Principauté, celle-ci passant notamment par le renforcement de l'effectivité des décisions judiciaires constatant l'existence d'une dette.

L'incrimination nouvelle vise ainsi à réprimer « la fraude résultant des divers actes d'appauvrissement réalisés par le débiteur pour pouvoir prétendre à son insolvabilité et ainsi empêcher le recouvrement de la dette sur son patrimoine « (exposé des motifs de la loi).

Moins d'un an après son entrée en vigueur en droit interne, le Cabinet CMS a décidé de revenir sur les caractéristiques de cette nouvelle infraction sur laquelle la jurisprudence monégasque ne s'est pas encore prononcée mais qui fait l'objet de vifs débats doctrinaux en France et en Europe.

Il sera ainsi abordé successivement les éléments constitutifs du délit (1), les sanctions applicables (2) et enfin la prescription de l'action publique (3).

1.Sur les éléments constitutifs du délit

Pour être constituée, l'infraction implique la réalisation d'actes matériels d'organisation ou d'aggravation de l'insolvabilité (A) et une intention de se soustraire à l'exécution d'une condamnation de nature patrimoniale (B).

A. L'élément matériel de l'infraction

a. L'existence d'une condamnation judiciaire de nature patrimoniale

En premier lieu, la constitution du délit d'organisation frauduleuse d'insolvabilité suppose qu'une première condamnation de justice ait été rendue avant le déclenchement des poursuites et que la créance ait été déterminée dans son montant.

Notons qu'il importe peu que les délais d'appel ne soient pas expirés et que des voies de recours soient encore ouvertes.

En deuxième lieu, cette condamnation doit être de nature patrimoniale et avoir été rendue par une juridiction répressive ou par une juridiction civile en matière délictuelle, quasi délictuelle ou d'aliments.

Les décisions judiciaires et les conventions judiciairement homologuées portant obligation de verser des prestations, subsides ou contributions aux charges du mariage, sont assimilées aux condamnations au paiement d'aliments.

Au cas particulier du dirigeant de droit ou de fait d'une personne morale, l'infraction couvre les condamnations de nature patrimoniale prononcée en matière pénale, délictuelle ou quasi délictuelle.

Ainsi, le délit ne protège que les créanciers dont la créance est née, non d'un contrat, mais d'une faute ayant engagé la responsabilité civile ou pénale de son auteur.

b. L'existence d'un acte positif d'appauvrissement ou d'une dissimulation

En troisième lieu, la caractérisation de l'organisation frauduleuse d'insolvabilité nécessite la réalisation par le débiteur de tout acte tendant à :

  • Augmenter le passif ou diminuer l'actif de son patrimoine, ou ;
  • Diminuer ou dissimuler tout ou partie de ses revenus, ou ;
  • Dissimuler certains de ses biens.

Il est à préciser qu'il importe peu que cet acte ait été réalisé antérieurement ou postérieurement à la condamnation.

c. La constatation de l'insolvabilité ou d'une organisation d'insolvabilité

En quatrième lieu, la juridiction devra constater l'insolvabilité du débiteur ou à tout le moins une organisation d'insolvabilité. L'infraction étant de nature « formelle », la survenance du résultat redouté, à savoir l'impossibilité pour le débiteur de payer la dette à laquelle il est tenu par la condamnation patrimoniale, n'est pas requise pour entrer en voie de condamnation.

B. L'élément moral

En ce qui concerne l'élément moral de I'infraction, outre la nature intentionnelle de l'infraction, le texte d'incrimination exige la présence d'une motivation spéciale, à savoir que les actes litigieux aient été réalisés pour échapper à l'exécution de la condamnation patrimoniale.

2. Les sanctions

L'auteur principal encoure une peine d'un an à trois ans d'emprisonnement, ainsi qu'une amende de 18.000 à 90.000 euros.

Il y a lieu de noter que le législateur a prévu la possibilité pour les juridictions répressives de condamner le complice de l'infraction à s'acquitter avec l'auteur principal des obligations pécuniaires mis à la charge de ce dernier par la décision judiciaire constatant la créance. Toutefois, cette solidarité de paiement ne pourra pas être supérieure aux fonds ou à la valeur vénale des biens reçus à titre gratuit ou onéreux de la part de l'auteur principal.

3. La prescription

Le délai de prescription de l'action publique est de trois ans et court à compter du prononcé de la condamnation à l'exécution de laquelle le débiteur a voulu se soustraire.

Cependant, en cas d'agissement ayant pour objet d'organiser ou d'aggraver l'insolvabilité du débiteur commis postérieurement à la condamnation, le délai de prescription ne court qu'à compter de la date du dernier agissement.

Si aucune condamnation n'a été prononcée à ce jour du chef de ce délit par les juridictions répressives en raison de sa codification récente, il est certain que cette notion occupera les prochains débats judiciaires d'autant que certains avocats monégasques se plaignaient auparavant d'une insuffisance de la loi en la matière.

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