Dans un arrêt du 27 novembre 2019, la Cour d'appel de Paris avait jugé qu'un salarié travaillant en France depuis 40 ans, sous contrat de travail de droit marocain, devait se voir appliquer le droit français s'agissant des dispositions relatives à la prise d'acte de la rupture et du calcul de ses indemnités de rupture.

Article rédigé en collaboration avec Matthieu Blaschczyk

Cette solution est confirmée par la Haute juridiction1, laquelle fait une stricte application de la Convention de Rome du 19 juin 1980 sur la loi applicable aux obligations contractuelles. Pour les contrats conclus après le 17 décembre 1980, le droit reste constant en la matière avec l'entrée en vigueur du Règlement Rome I du 17 juin 20082. La solution ainsi rendue en cassation a bien vocation à s'appliquer aux contrats internationaux actuellement en vigueur.

La Convention et le Règlement précités prévoient tous deux que « le choix par les parties de la loi applicable ne peut avoir pour résultat de priver le travailleur de la protection que lui assurent les dispositions impératives de la loi qui serait applicable, à défaut de choix », entendue comme « la loi du pays où le travailleur, en exécution du contrat, accomplit habituellement son travail, même s'il est détaché à titre temporaire dans un autre pays ou [...] la loi du pays où se trouve l'établissement qui a embauché le travailleur ».

Ainsi, quand bien même l'employeur attribuerait au contrat de travail le droit applicable du lieu de son établissement, ce choix ne saurait priver le salarié du bénéfice des dispositions légales, réglementaires ou conventionnelles du lieu d'exécution du contrat en matière de rupture du contrat lorsque celles-ci se révèlent être favorables.

Plus précisément, le salarié pourra faire requalifier en licenciement sans cause réelle et sérieuse la prise d'acte de la rupture de son contrat de travail dans la mesure où il sera capable de démontrer l'existence d'un manquement suffisamment grave de son employeur pour empêcher la poursuite dudit contrat3.

En l'espèce, le droit marocain applicable au contrat de travail ne prévoyait que l'hypothèse de la démission ou du licenciement pour mettre un terme au contrat. Il limitait également la qualification de licenciement abusif à certaines fautes énumérées par le code du travail marocain telles que « insulte grave, pratique de toute forme de violence ou d'agression dirigée contre le salarié, harcèlement sexuel, incitation à l'embauche... ». Le droit marocain était donc moins favorable que le droit français puisqu'il ne permettait pas au salarié de rompre son contrat de travail via le recours à la prise d'acte.

Il en va de même pour le calcul des indemnités afférentes au licenciement qualifié sans cause réelle et sérieuse. L'employeur, faisant application du droit marocain, déduisait de l'assiette de calcul des indemnités des sommes prélevées sur le salaire de référence au titre de l'impôt sur le revenu marocain. Le droit français, quant à lui, prévoit que le salaire de référence doit être fixé sur la base du salaire brut moyen calculé sur trois mois, « sans qu'il y ait lieu de réintégrer la somme correspondant à l'impôt sur le revenu prélevé par l'employeur directement comme les autres cotisations », selon la Cour de cassation. Là encore, le régime des indemnités de licenciement prévu par le droit français doit trouver à s'appliquer, afin de ne pas priver le salarié des dispositions françaises plus favorables.

Footnotes

1 Cass. soc., 8 déc. 2021, n° 20-11.738

2 Règlement (CE) N° 593/2008

3 Cour de cassation – Chambre sociale 25 juin 2003 / n° 01-42.335

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