Face à l'urgence et au dommage imminent provoqués par la rupture brutale des relations commerciales établies, le partenaire commercial évincé peut solliciter du juge des référés qu'il ordonne le maintien forcé du contrat. C'est ce que rappelle la Cour de cassation dans son arrêt du 24 juin 20201.

Au cours de l'année 2016, la société Technicolor a répondu à un appel d'offres lancé par la société Canal + relatif à la fourniture de décodeurs ultra-haute définition. Après la signature d'une lettre d'intention, la société Canal + a, au cours de l'année 2017, passé commande de plusieurs décodeurs dûment livrés par la société Technicolor.

Cependant, expliquant être confrontée à une hausse significative du coût des puces mémoire nécessaires à la fabrication des décodeurs ainsi qu'au refus de la société Canal + de renégocier les prix des décodeurs, la société Technicolor, a notifié à son partenaire la résiliation de leurs relations contractuelles.

Dans ces circonstances, la société Canal + a saisi en référé le Président du Tribunal de commerce de Nanterre en arguant qu'il était nécessaire de prévenir le dommage imminent auquel elle faisait face résultant de la résiliation par la société Technicolor de leur relation contractuelle. La société Canal + sollicitait, notamment, qu'il soit fait injonction à son fournisseur de livrer les commandes passées et à venir, sous astreinte jusqu'au prononcé de la décision au fond. La société Technicolor considérait, quant à elle, qu'il appartenait au Tribunal de commerce d'apprécier si le dommage imminent est illicite et notamment d'apprécier le caractère fautif de la société Canal + dans sa survenance.

Au visa de l'article 873 du Code de procédure civile aux termes duquel le président peut prescrire en référé les mesures conservatoires qui s'imposent, soit pour prévenir un dommage imminent, soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite, le Président du Tribunal de commerce de Nanterre a débouté la société Canal + de ses demandes.

La société Canal + a interjeté appel et, par un arrêt en date du 6 décembre 2018, la Cour d'appel de Versailles a infirmé l'ordonnance rendue par le Tribunal de Commerce de Nanterre.

Elle a ordonné à titre de mesure conservatoire à la société Technicolor d'honorer les commandes à venir de la société Canal + sous astreinte de 10.000 euros par infraction constatée, étant précisé que l'astreinte a vocation à courir sur une durée de 6 mois et que la mesure conservatoire est, quant à elle, effective jusqu'au prononcé de la décision au fond du Tribunal de commerce à intervenir.

La Cour de cassation rejette le pourvoi formé par la société Technicolor et retient que la Cour d'appel statuant en référé, il ne lui appartenait pas « de déterminer l'étendue exacte des obligations de la société Technicolor, et partant, d'apprécier si le dommage imminent était illicite ou fautif, c'est à bon droit que la cour d'appel, relevant qu'il existait une possible illicéité du comportement de la société Technicolor, à l'origine du dommage invoqué, pour avoir résilié, unilatéralement et brutalement, sa relation contractuelle avec la société Canal+, a ordonné, à titre de mesure conservatoire et dans les conditions qu'elle a définies, le maintien de cette relation  ».

La Cour de cassation confirme ainsi que le juge des référés peut décider en considération de l'imminence et de la gravité du dommage, de faire droit à une demande tendant à la condamnation sous astreinte d'une société à reprendre immédiatement les relations commerciales brutalement rompues. En l'espèce, le juge a considéré que la rupture des relations commerciales était unilatérale et brutale, de telle sorte qu'il existait une possible illicéité du comportement de l'auteur de la rupture.

Ceci étant, la Cour de cassation rappelle également que la mesure ordonnée doit être circonscrite et qu'il appartient au juge des référés de lui assigner un terme certain. En l'espèce, si aucun terme n'avait été expressément prévu par le juge des référés, celui-ci avait toutefois suffisamment fixé les conditions de la mesure conservatoire en déterminant le volume mensuel des commandes et en se référant au prix convenu entre les parties en 2016.

Une option à garder en mémoire pour les partenaires commerciaux évincés.

Footnote

1. Cass. com., 24 juin 2020, n° 19-12.261

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