1 En quelques mots
Depuis le 1er juillet 2014, la compétence en matière de migration économique (« autorisation de travail ») a été régionalisée. Depuis lors, chaque région (ainsi que la Communauté germanophone) peut adopter sa propre réglementation en la matière. La Région wallonne a introduit une réglementation à ce sujet en 2019.
La méthode peut être résumée comme suit :
- Etape 1: Si un employeur souhaite occuper un ressortissant d'un pays tiers, la première chose à faire est de vérifier si ce ressortissant nécessite une autorisation de travail. En effet, un certain nombre de travailleurs étrangers sont autorisés par la loi à travailler en Belgique. Il convient de distinguer les dispenses liées au séjour (au niveau fédéral) et les dispenses liées au travail (au niveau régional).
- Etape 2: Si l'employé ne bénéficie pas d'une dispense, l'employeur (ou son mandataire) devra introduire une demande de permis de travail (séjour de maximum 90 jours) ou de permis unique (séjour de plus de 90 jours) auprès de la région compétente.
La Région wallonne dispose de trois types de profils différents : les profils hautement qualifiés et particuliers, y compris les catégories européennes, les métiers en pénurie et les autres profils soumis à un test du marché de l'emploi.
La Région wallonne a adopté un tout nouveau décret1, qui est entré en vigueur le 1er septembre 2024. Ce décret contient à la fois des modifications concernant les dispenses liées au travail (voir section 2.1), des modifications générales (voir section 2.2), des modifications concernant les différents types de profils (voir sections 2.3-2.5) et des modifications concernant le permis unique à durée indéterminée (voir section 2.6).
2 Modifications de fond
2.1 Dispenses liées au travail
Les ressortissants de pays tiers qui bénéficient d'une dispense liée au travail sont autorisés à travailler de plein droit. Il s'agit de dispenses liées à la nature du travail et/ou aux activités à effectuer. Pour ces ressortissants de pays tiers, l'employeur ne doit donc pas demander d'autorisation de travail complémentaire. Ils doivent toutefois toujours disposer d'un titre de séjour régulier en Belgique.
En Région wallonne, ces dispenses liées au travail sont les suivantes :
1) Les travailleurs détachés qui ne sont pas assujettis à une déclaration Limosa préalable
Les travailleurs détachés qui ne font pas l'objet d'une déclaration Limosa sont dispensés d'obtenir une autorisation de travail.
La nouvelle réglementation ne prévoit plus une durée maximale de trois mois consécutifs, mais une période de 90 jours au cours d'une période continue de 180 jours (ce qui correspond au droit de libre circulation Schengen ou au court séjour autorisé au sein de l'espace Schengen2).
2) Les titulaires d'une carte bleue européenne en cours de validité dans un autre État membre
Les titulaires d'une carte bleue européenne en cours de validité délivrée par un autre État membre sont autorisés à travailler en Belgique pendant un maximum de 90 jours au cours d'une période continue de 180 jours. C'est ce que l'on appelle la mobilité de courte durée.
3) Un enfant autorisé à travailler
Une nouvelle catégorie est celle des enfants autorisés à travailler en vertu des articles 7.2 à 7.14 de la loi sur le travail. Il s'agit plus précisément des exceptions à l'interdiction du travail des enfants. Ils peuvent être occupés en Belgique pendant une période maximale de 90 jours au cours d'une période continue de 180 jours.
4) Les travailleurs détachés qui sont assujettis à une déclaration Limosa préalable
Certains travailleurs détachés faisant l'objet d'une déclaration Limosa préalable sont autorisés à travailler de plein droit si toutes les conditions sont remplies.
La nouvelle réglementation ne fait plus référence à une durée maximale de trois mois consécutifs, mais à une période de 90 jours au cours d'une période continue de 180 jours.
La nouvelle réglementation ajoute certaines catégories aux dispenses liées au travail, à savoir :
- Les ressortissants de pays tiers qui assistent ou participent à un congrès ou à une foire en tant que guide ou représentant d'un hôtel, d'une agence ou d'une organisation de voyage ou qui accompagnent un circuit touristique qui a commencé sur le territoire d'un pays tiers ;
- Les ressortissants de pays tiers qui fournissent des services de traduction ou d'interprétation en tant que travailleurs d'une personne morale établie dans un pays tiers.
En outre, la catégorie des représentants de commerce est considérablement élargie. Auparavant, la dispense liée au travail ne s'appliquait qu'aux représentants de commerce qui avaient leur résidence principale à l'étranger et rendaient visite à leurs clients en Belgique, pour le compte d'entreprises établies à l'étranger sans filiale en Belgique. Cette définition a été élargie pour inclure les ressortissants de pays tiers qui n'ont pas leur résidence principale en Belgique et qui exercent l'une des activités économiques temporaires suivantes liées aux intérêts économiques de l'employeur :
- Participer à :
- une conférence ou un séminaire;
- une réunion d'affaires interne ou externe; o une foire ou une exposition;
- Négocier un accord commercial;
- Entreprendre des activités de vente ou de marketing;
- Réaliser des audits internes ou des audits de clients;
- Explorer des opportunités commerciales;
- Donner ou suivre des formations.
Cette modification permet d'aligner la réglementation wallonne sur certains accords de libre-échange et de donner à ces dispenses une portée générale.
- Enfin, quelques changements sont également apportés à des catégories existantes :
- La catégorie applicable aux journalistes est renforcée : il doit s'agir d'un « journaliste résidant à l'étranger qui est lié exclusivement à un média établi à l'étranger qui contribue régulièrement et directement à la collecte, la rédaction, la production ou la diffusion d'informations au profit du public ».
- La dispense de formation est étendue aux travailleurs qui dispensent des formations (comme c'est également le cas en Région flamande). Le terme « formation » est défini dans la nouvelle réglementation comme « l'instruction organisée par un opérateur de formation externe ou interne à l'entreprise permettant d'acquérir ou d'approfondir des connaissances et compétences utiles à l'exercice d'une profession ».
- Dans le cadre de la dispense « Vander Elst », la condition « que la prestation de services ne soit pas considérée comme une prestation de travail » a été supprimée (conformément à la jurisprudence européenne et comme c'est déjà le cas en Région flamande).
5) Dispenses supplémentaires
Par ailleurs, la nouvelle réglementation stipule que les catégories de personnes suivantes sont autorisées à travailler de plein droit :
- La personne qui vient effectuer en Belgique un stage rémunéré d'une durée inférieure ou égale à 12 mois, et approuvé par l'autorité compétente dans le cadre de la coopération au développement ou d'une convention de collaboration ou par le Ministre ;
- Un chercheur, un assistant chargé d'exercices ou chargé de cours international qui s'inscrit dans un partenariat soutenu par les pouvoirs publics entre une université et une entreprise ;
- Un chercheur postdoctorant qui bénéficie d'une allocation de recherche scientifique ou d'un subside à savant.
2.2 Modifications générales
2.2.1 Contrat de travail
Le ressortissant de pays tiers et l'employeur doivent avoir conclu un contrat de travail pour que le ressortissant de pays tiers puisse être occupé en Belgique. La nouvelle réglementation prévoit que ce contrat de travail3 doit contenir des dispositions dans lesquelles l'employeur s'engage à :
- Prendre en charge les éventuels frais de voyage en Belgique ;
- Assurer au ressortissant de pays tiers une assistance médico-pharmaceutique et, le cas échéant, son hospitalisation jusqu'à ce qu'il soit en droit de bénéficier des prestations de l'assurance maladie-invalidité. Cette condition ne s'applique pas aux travailleurs détachés.
Ces mentions ne sont pas obligatoires pour les demandes concernant l'une des catégories de travailleurs spécifiques (travailleur hautement qualifié, carte bleue européenne, etc.), mais uniquement pour les demandes concernant les métiers en pénurie et la catégorie autre.
2.2.2 Traduction
La nouvelle réglementation prévoit qu'une version traduite doit être jointe à tous les documents qui ne sont pas rédigés en français.
2.2.3 Permis de travail B
L'ancienne réglementation prévoyait qu'un permis de travail B était accordé pour une période maximale de 90 jours calendrier consécutifs. La nouvelle réglementation prévoit une période maximale de 90 jours sur une période de 180 jours (comme c'est également le cas en Région flamande).
2.2.4 Délais d'introduction de la demande
L'ancienne réglementation prévoyait que les délais de demande d'un permis unique et d'un permis de travail étaient de 120 jours et de 90 jours pour le travail saisonnier.
Le nouveau règlement raccourcit ces délais de demande pour certaines catégories, à savoir:
- 30 jours pour les titulaires d'une carte bleue européenne dans un autre État membre ;
- 60 jours pour un permis de travail B et pour le travail saisonnier d'un travailleur saisonnier qui a déjà été admis sur le territoire belge en tant que travailleur saisonnier au moins une fois au cours des 5 années précédentes;
- 90 jours pour les catégories dites européennes.
2.2.5 Employeurs multiples
L'autorisation de travail à durée déterminée dans le cadre d'un permis unique est en principe limitée à l'occupation du travailleur auprès d'un seul employeur. Toutefois, ce n'est pas le cas s'il s'agit:
1) D'une activité accessoire exercée par un travailleur ayant obtenu une autorisation de travail en tant que personnel hautement qualifié, personnel de direction ou personne occupée en vertu d'un traité international, dont la durée est inférieure à celle de son occupation principale ;
2) D'un travailleur titulaire d'une carte bleue européenne qui :
a. Exerce des activités en tant que chargé de cours international ;
b. Est titulaire d'une carte bleue européenne depuis au moins 12 mois et pour autant que cette occupation remplisse les conditions d'obtention de la carte bleue européenne.
2.2.6 Obligation d'information de l'employeur
L'ancienne réglementation prévoyait que l'employeur devait informer la Région wallonne en cas de suspension, de résiliation du contrat de travail ou de fin d'occupation en Belgique.
La nouvelle réglementation prévoit que l'employeur doit avertir la Région wallonne en cas de :
- Changement d'employeur;
- Modification d'un élément essentiel du contrat de travail susceptible d'avoir un impact sur l'autorisation de travail ;
- Rupture du contrat de travail ;
- Fin d'occupation en Belgique.
La législation fixe à la Région wallonne un délai de 15 jours ouvrables à partir de la notification d'un changement d'employeur ou d'un changement d'un élément essentiel du contrat de travail pour informer l'employeur de la nécessité ou non d'une nouvelle demande.
Elle précise en outre qu'une nouvelle demande doit être déposée en cas de changement d'employeur ou de modification d'un élément essentiel du contrat de travail, sauf :
- Dans le cas d'un changement d'employeur qui:
- Résulte d'un transfert d'entreprise au sens de la CCT 32bis;
- Concerne un titulaire de carte bleue européenne qui a déjà été occupé pendant au moins 12 mois et qui remplit les conditions d'obtention de la carte bleue européenne auprès de son nouvel employeur.
- Si malgré la modification d'un élément essentiel du contrat, les conditions d'admission sont toujours remplies.
2.2.7 Motifs de refus et de retrait
La Région wallonne introduit également des motifs obligatoires et facultatifs de refus et de retrait (comme c'est également le cas en Région flamande).
Le nouveau règlement prévoit les motifs de refus obligatoires suivants :
- La demande contient des données, des déclarations ou des documents incomplets, inexacts, falsifiés ou illicites ;
- Les conditions relatives à l'obtention d'un permis unique ou d'un permis de travail ne sont pas remplies ;
- L'employeur ou l'entité hôte ne respecte pas les obligations légales et réglementaires relatives à l'occupation des étrangers, y compris les conditions de rémunération et autres conditions de travail qui s'y appliquent ;
- L'employeur ne respecte pas ses obligations légales et réglementaires relatives à son activité professionnelle ;
- Le travailleur ne remplit pas les conditions d'accès à la profession envisagée imposées par la loi ou la réglementation ;
- Il est manifeste que le ressortissant d'un pays tiers ne dispose pas des aptitudes nécessaires à l'occupation dans l'emploi proposé;
- L'emploi est contraire à l'ordre public ou à la sécurité publique ;
- L'emploi contrevient aux normes applicables à l'embauche et l'emploi de travailleurs étrangers;
- Le revenu lié à l'emploi ne permet pas au travailleur de subvenir à ses besoins ou à ceux de sa famille (ceci ne s'applique pas aux stagiaires, aux au pairs et aux bénévoles) ;
- L'entreprise ou l'entité hôte a été constituée ou opère dans le but principal de faciliter l'entrée de ressortissants de pays tiers, et n'exerce aucune activité économique ou sociale ;
- Au cours d'une période de six mois précédant la demande, l'employeur a supprimé un emploi à temps plein afin de créer le poste vacant qu'il souhaite pourvoir par cette demande ;
- Le travailleur fait l'objet d'une décision négative quant à son droit ou son autorisation de séjour, qui ne fait pas l'objet d'un recours suspensif et n'a pas été suspendue par le juge ;
- Lorsque des raisons d'ordre public ou de sécurité publique fondées sur le comportement du travailleur le nécessitent ;
- La rémunération est moins favorable que celle de travailleurs exerçant la même fonction dans la même entreprise ;
- Pendant l'année précédant la demande, il a déjà refusé ou retiré l'admission au travail du même travail dans la même catégorie, si le demandeur ne fait pas valoir d'éléments nouveaux.
Le nouveau règlement prévoit les motifs de refus facultatifs suivants :
- L'employeur ou l'entité hôte a été sanctionné, pénalement ou administrativement, dans l'année qui précède l'introduction de la demande, en application du décret du 28 février 2019 relatif au contrôle des législations et réglementations relatives à la politique économique, à la politique de l'emploi et à la recherche scientifique ainsi qu'à l'instauration d'amendes administratives applicables en cas d'infraction à ces législations et réglementations. Ce motif de refus facultatif ne s'applique pas aux travailleurs hautement qualifiés, aux titulaires d'une carte bleue européenne, au personnel de direction et à la personne faisant l'objet d'un transfert temporaire intragroupe (ICT).
- L'employeur est en faillite, manifestement insolvable ou fait l'objet d'une procédure de déclaration de faillite
Le nouveau règlement prévoit les motifs de retrait obligatoires suivants:
- Une pratique frauduleuse, une déclaration incomplète, inexacte ou falsifiée a été constatée ou une adaptation effectuée illégalement, eu égard aux règles relatives à l'occupation des travailleurs étrangers ;
- L'employeur ou l'entité hôte ne respecte pas les obligations légales et réglementaires relatives à l'occupation des étrangers, y compris les conditions de rémunération et autres conditions de travail qui s'y appliquent ;
- L'emploi est contraire à l'ordre public ou à la sécurité publique, aux lois et règlements, aux accords internationaux ou aux accords sur l'embauche et l'emploi de travailleurs étrangers ;
- La personne morale ou l'entité hôte a été constituée ou opère dans le but principal de faciliter l'entrée de travailleurs étrangers et n'exerce aucune activité économique ou sociale ;
- Le travailleur fait l'objet d'une décision négative quant à son droit ou son autorisation de séjour, qui ne fait pas l'objet d'un recours suspensif et n'a pas été suspendue par le juge ;
- Lorsque des raisons d'ordre public ou de sécurité publique fondées sur le comportement du travailleur le nécessitent ;
- La rémunération est moins favorable que celle de travailleurs exerçant la même fonction dans la même entreprise, compte tenu de tout élément porté à sa connaissance ;
- L'employeur, l'entité hôte ou le travailleur ne respecte pas les conditions liées à l'admission au travail, y compris l'obligation de transmission des comptes individuels de rémunération.
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Footnotes
1. Arrêté du Gouvernement wallon du 6 juin 2024 relatif à l'admission au travail de travailleurs étrangers, M.B. 12 août 2024
2. À partir du 31 mars 2024, la Bulgarie et la Roumanie ont également rejoint (partiellement) l'espace Schengen. À partir de cette date, il n'y aura plus de contrôles aux frontières intérieures aériennes et maritimes. En revanche, les contrôles aux frontières terrestres sont maintenus.
3. Le contrat de travail type qui existait auparavant a été supprimé.
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