La Loi sur le droit de la procédure pénale I, publiée au Moniteur belge le 18 avril 2024 et entrée en vigueur le 28 avril 2024, a réformé en profondeur les règles de la prescription de l'action publique en matière d'infractions pénales.
La modification des délais de prescription n'affecte pas seulement la poursuite effective des infractions (de droit social), mais permet également aux travailleurs de disposer désormais de plus de temps pour intenter certaines actions contre leur (ex-)employeur. Dans ce contexte, l'employeur a tout intérêt à conserver plus longtemps certains documents relatifs aux travailleurs, ce qui l'oblige à adapter sa politique de conservation.
Les délais de prescription sont sensiblement allongés
Le principal changement apporté par la loi d'avril 2024 est l'allongement des délais de prescription. Par ailleurs, il n'est plus possible d'interrompre le délai de prescription (lorsqu'un acte d'interruption déclenche un nouveau délai de prescription) et les motifs de suspension ont été réduits. Un autre changement important consiste dans la suspension du délai de prescription qui cesse de courir à partir du jour où l'affaire est portée devant la juridiction de jugement (par exemple, le tribunal correctionnel).
Infraction |
Nouveau délai de prescription |
---|---|
Crime puni de la réclusion ou de la détention à perpétuité |
30 ans |
Crime puni d'une peine de plus de 20 ans à 30 ans de réclusion ou de détention |
20 ans |
Crime puni d'une peine de plus de 5 ans jusqu'à 20 ans de réclusion ou de détention |
15 ans |
Délit |
10 ans |
Violation |
1 an |
Le délai de prescription pour les délits - qui comprennent les infractions au Code pénal social passibles d'une sanction de niveau 2, 3 ou 4 - a par exemple doublé : il est passé de cinq à dix ans. Il est important de souligner que la prolongation du délai n'intervient que pour les infractions non prescrites au jour de l'entrée en vigueur (28 avril 2024).
Impact sur l'action civile qu'un salarié peut intenter contre son (ex-)employeur
Les nouveaux délais de prescription pénale ont également un impact sur la durée pendant laquelle un travailleur peut intenter certaines actions contre son (ex-)employeur.
Ainsi confronté à un manquement contractuel qui constitue également une infraction pénale (par exemple, le non-paiement du salaire), le travailleur peut introduire une action civile contre l'employeur pendant une durée de dix ans prenant cours à dater de la commission de l'infraction. II faut souligner que l'action civile ne peut jamais être prescrite avant l'action pénale.
Comme indiqué ci-dessus, les infractions au code pénal social punies d'une sanction de niveau 2, 3 ou 4 sont qualifiées de délits. Compte tenu des nouveaux délais, elles ne seront donc prescrites qu'après 10 ans. Concrètement, cela signifie qu'un travailleur disposera désormais de dix ans (au lieu de cinq) pour intenter une action civile sur la base d'une infraction au code pénal social. Rappelons que la prolongation n'intervient que pour les infractions non prescrites au jour de l'entrée en vigueur de la loi. Ceci signifie pour tous les faits antérieurs au 28 avril 2019, la prescription était en principe acquise et aucune action qui ne serait en cours ne peut être entamée.
Dans la pratique, cette disposition s'appliquera principalement aux demandes d'arriérés de rémunération. Rien ne changera pour les demandes de paiement d'une indemnité compensatoire de préavis (complémentaire), car le paiement d'une indemnité compensatoire de préavis n'est pas sanctionné pénalement.
Impact sur la politique de conservation des données au sein des entreprises
Ce changement affecte également les politiques de conservation au sein des entreprises.
Selon le Règlement Général européen sur la Protection des Données (« RGPD » ou « GDPR »), un employeur ne doit pas conserver les données à caractère personnel de ses travailleurs plus longtemps que nécessaire au regard des finalités du traitement. Par conséquent, l'employeur doit établir une liste détaillée des différentes activités de traitement au sein de l'entreprise, en précisant les périodes de conservation et les raisons de ces périodes. C'est ce que nous appelons la politique de conservation des données au sein de l'entreprise.
Pour déterminer les périodes de conservation concrètes, on tient généralement compte (i) de la période de conservation légale minimale ou maximale, le cas échéant, (ii) des délais de prescription civils et pénaux et (iii) de la faisabilité pratique.
En règle générale, les données et les documents relatifs aux travailleurs sont conservés pendant la durée de l'emploi et pendant une période de cinq ans après la fin du contrat de travail. Cette période de conservation est justifiée par les délais de prescription civile et pénale des actions pouvant être intentées dans le cadre d'une relation de travail.
Avec l'allongement des délais de prescription pénale, un employeur doit aujourd'hui tenir compte du fait qu'il peut être poursuivi jusqu'à dix ans plus tard et qu'un travailleur dispose de dix ans pour intenter une action civile fondée sur une infraction.
Compte tenu de ces éléments, il convient d'étendre la période de conservation à 10 ans. L'extension de la politique de conservation aura également une incidence sur l'indication des périodes de conservation dans le registre des activités de traitement et dans la déclaration de confidentialité pour les travailleurs.
Point d'attention
Les nouveaux délais de prescription pénale (rallongés) signifient que les travailleurs disposeront de plus de temps pour intenter certaines actions contre leur employeur. Il convient d'adapter en conséquence la politique de conservation au sein de l'entreprise. Notre équipe chargée de la protection des données à caractère personnel peut toujours vous aider à déterminer des périodes de conservation concrètes pour toutes les données et tous les documents traités au sein de votre entreprise.
The content of this article is intended to provide a general guide to the subject matter. Specialist advice should be sought about your specific circumstances.